Deux ans après la destitution par l'armée du président Mohamed Morsi, l'Egypte semble avoir du mal à tourner la page. Le pays est régulièrement en proie à des attentats meurtriers mettant à mal sa stabilité. Alors que l'option sécuritaire adoptée par le nouveau pouvoir montre ses limites, les autorités poursuivent une répression sanglante contre toute opposition quitte à faire des centaines de morts. Depuis que l'ex-chef de l'armée et actuel président Abdel Fattah al-Sissi a destitué Morsi le 3 juillet 2013, à l'issue de manifestations contre lui, le pays le plus peuplé des pays arabes connaît une vague d'attentats sans précédent. Les récents événements sont éloquents : lundi, le procureur général Hicham Barakat est assassiné au Caire dans un spectaculaire attentat à la bombe, deux jours plus tard des éléments se réclamant du groupe Daech lançaient une série d'attaques coordonnées contre l'armée dans la péninsule du Sinaï, faisant des dizaines de morts. La violence semble répondre à la violence dans une escalade qui met le pays dans une tension permanente. La politique du tout répressif avait commencé dans les mois qui ont suivi la destitution de Morsi. Une répression sanglante fera plus de 1 400 personnes tuées, en majorité des manifestants pro-Frères musulmans. Plus de 700 seront tués en quelques heures dans la dispersion de deux sit-in. Des dizaines de milliers seront emprisonnés, et des centaines condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs. Morsi lui-même et plusieurs dirigeants des Frères musulmans ont été condamnés à la peine capitale. Faisant une sanglante intrusion dans le «débat» politique, les mouvements djihadistes, profitant de la situation, assassinent des centaines de policiers et de soldats, posant un sérieux défi au président Sissi, dont l'objectif annoncé était de rétablir la sécurité et de relancer une économie à genoux. D'abord limitée aux islamistes, la répression s'est rapidement élargie aux mouvements de gauche. «Les autorités égyptiennes ont montré qu'elles ne reculeraient devant rien dans leurs tentatives d'écraser quiconque défie leur pouvoir», estime Amnesty International. Après l'assassinat du juge Barakat, le président Sissi a promis des jugements accélérés et une législation plus dure «pour lutter contre le terrorisme». Sissi, qui reste populaire auprès d'un large segment de la population, préfère compter sur l'option économique. Alors que le secteur vital du tourisme souffre de l'instabilité sécuritaire le gouvernement vise un ambitieux taux de croissance. Et pour relancer l'économie, Sissi a organisé une importante conférence économique en mars dernier. Les autorités signent des contrats d'investissements d'un montant de 36,2 milliards de dollars. Le 6 août prochain le Caire va également inaugurer une seconde voie du canal de Suez, qui va doubler la capacité du trafic sur cette voie fondamentale reliant la mer Rouge et la Méditerranée. Les autorités souhaitent développer la zone le long du canal pour en faire un hub logistique, un centre industriel et commercial, notamment en construisant plusieurs ports et en offrant des services pour les flottes commerciales transitant par le canal. Cet ambitieux programme pourra-t-il pour autant se substituer à un règlement politique de la crise ? M. B./Agences