Sur le front de la bataille pour l'enraiement de la chute continue du prix du pétrole, l'Algérie n'est plus isolée au sein de l'Opep. A peine sorti de son propre isolement sur la scène internationale après l'accord historique sur le nucléaire, l'Iran est venu appuyer la demande de l'Algérie pour une réunion d'urgence du Cartel. Le ministre iranien du Pétrole s'est prononcé en effet en faveur d'une telle rencontre. La bataille n'est certes pas gagnée d'avance, loin s'en faut. L'Arabie saoudite et les autres monarchies pétrolières qui pèsent à elles seules un peu plus de la moitié de la production de l'Opep, sont farouchement opposées à une telle réunion avant celle, à caractère ordinaire, du 4 décembre prochain. Comme ils sont également résolument contre toute baisse de la production des pays de l'organisation. La guerre sur le marché pétrolier ne fait donc que commencer. Le 5 juin dernier, réunie à Vienne, l'Opep avait confirmé sa politique inflexible, fixée fin novembre 2014 : le maintien de son quota officiel de production de 30 mbj, malgré une surproduction mondiale de plus de deux millions de barils et la forte déprime des prix du brut, tombés récemment sous la barre fatidique des 50 USD, contre 115 dollars en juin 2014. Chaque pays joue donc sa propre partie. La production américaine de brut, notamment grâce au shale oil, résiste à la tendance baissière. La Russie refuse de réduire sa production et de grands producteurs affichent leurs ambitions, notamment l'Iran, l'Irak, la Russie et le Mexique. «L'éventualité d'un changement de politique est faible, voire inexistante», prévient Bhushan Bahree, expert au sein du cabinet américain IHS Energy. L'Arabie saoudite et ses alliés du Golfe semblent déterminés à poursuivre la politique d'abondance de l'offre. Il n'y a aucun signe de volonté de la part de l'Arabie saoudite et de l'Irak, deux gros producteurs, d'essayer de trouver un terrain d'entente pour partager équitablement le gâteau. Or, en l'absence de Riyad, de ses alliés du Golfe et de l'Irak, les conditions nécessaires pour la relance du système des quotas de production ne seraient pas réunies. Il est certes très difficile de fissurer le bloc des productivistes qui produisent au-delà même du quota de l'Opep qui est déjà assez élevé. Mais l'entrée en scène de l'Iran, un autre gros producteur, qui appuie la démarche de l'Algérie en faveur d'une baisse de la production pour absorber à terme les surstocks de brut et favoriser de ce fait une remontée des cours, n'est pas négligeable. Elle autorise l'espoir de voir l'Arabie saoudite infléchir un jour sa position inflexible. Déjà que le Royaume n'a pas gagné la guerre du pétrole de schiste. Avec près de 10 millions de barils de brut, dont la moitié d'huiles non conventionnelles, jamais la production américaine n'a été aussi dynamique, et elle progressera encore selon des prévisions gouvernementales. Les pays du Golfe, qui dominent l'Opep commencent à en prendre acte. «Le pétrole de schiste est un phénomène qui ne va pas disparaître et nous devons vivre ensemble et trouver un équilibre», a reconnu Abdallah Al-Badri, SG du cartel. Vision partagée par le ministre du pétrole de l'Eeau, Suhail Mohamed Al-Mazroui, qui a appelé tous les pays producteurs, Opep et non Opep, à «partager la responsabilité de rééquilibrer le marché». Mais ces propos de bonne volonté sont restés lettre morte. Riyad et ses alliés du Golfe demeurent sourds aux appels d'autres membres en faveur de mesures de redressement. Tous les pays de l'Organisation commencent à en souffrir, et même les plus riches réclament désormais un prix «raisonnable» situé à 75-80 dollars pour équilibrer leurs finances publiques. D'autres, comme le Venezuela au bord de la cessation de paiement, tentent de s'entendre avec de grands pays producteurs non Opep comme la Russie et le Mexique pour faire remonter les prix. Sans succès jusqu'à présent, mais cette action permet l'espoir au même titre que celle menée désormais par l'Algérie, avec l'appui tout nouveau de l'Iran. À un moment ou à un autre, ces efforts finiraient par converger et porter à terme leurs fruits. N. K.