La situation sécuritaire en Europe, dans la région du Maghreb, le Sahel et dans le monde, la nécessité d'une coopération internationale dépassant les divisions politiques et religieuses pour lutter contre le terrorisme en général, et Daech en particulier, ainsi que la santé du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, ont constitué les principaux sujets abordés par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, dans un entretien qu'il a accordé jeudi dernier au quotidien français le Monde. La question sur les similitudes qui pourraient exister entre les attentats et la décennie de terrorisme qu'a connue l'Algérie, fera dire à M. Sellal que ce qui se passe actuellement dans certains pays, notamment en France, est une situation que «nous connaissons bien». Mais il ne manquera pas l'occasion de rappeler l'attitude des capitales occidentales, complices à l'égard des terroristes et incriminantes à l'égard de l'Etat algérien qu'elles accusaient ouvertement d'être responsable des crimes et exactions terroristes. «A l'époque, nous étions, pour ainsi dire, seuls à combattre le terrorisme islamiste. Certaines théories -comme le "qui tue qui ?"- remettaient même en cause l'action du gouvernement. Mais nous avons mis un terme à ces violences. Au début, c'est vrai, par une politique du tout sécuritaire mais qui a été suivie par une politique de réconciliation nationale [...] qui a donné des résultats, puisque le pays connaît depuis la stabilité», dira M. Sellal. Citant l'exécution, en septembre 2014, du guide Français Hervé Gourdel en Kabylie par un groupe se réclamant de l'EI, l'envoyée spéciale du Monde, demande si, toutefois, l'Algérie est aujourd'hui à l'abri d'actes terroristes. La réponse sera non. «Personne ne l'est. Il y a des groupes qui circulent, des djihadistes partis combattre, notamment en Syrie, qui risquent de rentrer dans leur pays d'origine», dira le Premier ministre. Toutefois, il précisera que pour le cas de l'Algérie, selon les estimations internationales, le nombre d'Algériens ayant rejoint les rangs de l'organisation terroriste Daech est nettement moins important que pour d'autres pays de la région. Ils seraient moins d'une centaine, précisera-t-il. «Pour autant, personne n'est à l'abri. Nous continuons à prendre des mesures pour combattre le terrorisme», ajoutera-t-il. «Nous sommes frontaliers de pays en grande difficulté. Nous avons 1 000 km de frontières communes avec la Libye, plus encore avec le Mali. J'espère que d'ici à la fin de l'année nous pourrons aider à mettre en place un gouvernement de transition en Libye qui puisse s'appuyer sur une force internationale [...]. Il faut pousser la mise en place de ce gouvernement, et lui donner des moyens pour stabiliser le pays, sinon c'est un autre Daech qui sera aux portes de l'Europe. Depuis les bombardements en Syrie, certains djihadistes sont revenus en Libye. L'Algérie joue le jeu de la sécurité et de la stabilité en Méditerranée», explique M. Sellal. A la question de savoir ce qu'il recommande pour faire face à la menace terroriste, le Premier ministre dira «qu'il faut une réponse globale du monde civilisé face au phénomène Daech [...]. Il est nécessaire que l'ensemble des pays jouent le jeu dans cette affaire, sinon nous n'arriverons pas à venir à bout de ces groupes. Voyez ce qui se passe en Syrie : ces différents pays qui agissent par mouvements interposés. Daech profite de ces divisions internationales et arrive, comble du comble, à exporter du pétrole pour acheter des armes. Ce sont des contradictions qu'il nous faut absolument dépasser», soulignant à ce propos la nécessité d'agir sous l'égide de l'ONU. «Il faut agir sur le plan sécuritaire mais aussi agir pour éteindre les foyers où ce phénomène est né. Qu'on le veuille ou non, ce qui s'est passé en Irak, en Syrie, en Afghanistan ou en Libye a contribué à cette flambée de terrorisme. C'est ce qui a permis à ce phénomène de se développer. Aujourd'hui, il est impératif que les pays s'unissent pour le combattre et pour rétablir les équilibres. Il faut oublier les divisions politiques, religieuses. Daech se nourrit de la lutte entre chiites et sunnites, des reliquats de la guerre d'Irak. Il faut avoir cette vision globale et se mettre d'accord pour que chaque pays fasse de la lutte contre le terrorisme sa priorité numéro un. Nous devons prendre conscience que le monde s'est mondialisé aussi sur le plan criminel», poursuit M. Sellal. Interrogé sur la santé du Président et cette information selon laquelle il serait parti récemment se faire soigner en Europe, le Premier ministre répond par un non catégorique. «Le président est là et reçoit cet après-midi (jeudi) le Premier ministre maltais. Je suis en liaison tous les jours avec lui. Il n'a pas quitté le pays. Son état de santé est toujours le même. Il suit les affaires du pays et donne ses instructions au jour le jour.» Revenant à la charge, la journaliste cite la lettre du groupe des 19 (qui ne sont plus que 16 après le retrait de trois signataires) qui a mis en doute la capacité de M. Bouteflika à gouverner et demande qui dirige aujourd'hui l'Algérie. «Le pays est dirigé par le président de la République. Je le sais car je suis son Premier ministre. Les grandes décisions ne sont prises que par lui-même ou avec son assentiment. Il a la vision sur tout», répond M. Sellal. Concernant la situation économique du pays, le Premier ministre dira qu'il n'est pas «inquiet, mais vigilant. Nous ne sommes pas dans la situation de crise des années 1980 où le pays était endetté et n'avait presque plus de réserves. Nous avons devant nous trois ou quatre ans. Il faut absolument que l'on réussisse le pari de la diversification économique», soutient M. Sellal. H. G.