Grèves cycliques, protestations tous azimuts, défilés mécontents dans les rues, violences diverses et négligences caractérisées, le secteur de l'éducation nationale «survit» dans un profond marasme depuis le début des années 1990. L'ouverture démocratique a été, pour rappel, accompagnée d'une multiplication précipitée de syndicats corporatistes qui, au moindre couac, paralysent systématiquement l'école. Si ce n'est pas les représentants - ô combien nombreux !- du corps enseignant, c'est ceux des adjoints d'éducation, des corps communs ou des intendants qui plantent le «piquet», et cadenassent les portes. A chaque exercice scolaire, les élèves perdent, au moins, deux mois de travail dans des conflits insensés et peinent, en fin d'année, à parachever leurs programmes pédagogiques. Cela fait plus de 25 ans que ce drame abominable se poursuit dans une espèce d'indifférence quasi-générale. Les conséquences sont catastrophiques et toute une génération en porte de graves séquelles. Durant ces longues périodes creuses des grèves et des vacances scolaires, des enseignants indélicats proposent des cours de soutien payants dans des garages infâmes et des mansardes ténébreuses. La relation entre l'éducateur et son employeur est au plus bas. Les rapports exécrables entre syndicats rivaux sont faits de surenchère et course déchaînée au contrôle des subsides des œuvres sociales. C'est à qui maintiendrait le plus longtemps possible son «siège» sur l'école. Peu importe le préjudice causé aux apprenants. Au sein même de la classe, les échanges entre l'enseignant et ses élèves sont sulfureux. Aucun ne respecte l'autre. L'image du maître, autrefois étincelante, s'est éteinte dans le subconscient collectif. Cette noble profession s'est malheureusement déshonorée. Le pédagogue symbolise, désormais, le parasite qui veut gagner gros sur le dos du contribuable sans faire le moindre effort. La collectivité a la nette impression de se faire flouée, tant que des élèves en classe de terminale sont incapables d'écrire correctement ou de comprendre vraiment ce qu'ils lisent. L'école algérienne est dans l'abîme par la faute partagée de tous ceux qui la font. La crise dans son essence même est éthique. Quand la ministre de l'Education propose aux acteurs du secteur de souscrire une charte de déontologie, elle touche du doigt le mal suprême qui ronge son département. En dépit des réticences, des excuses et des préjugés des uns et des autres, enseignants, chefs d'établissement, inspecteurs, simples employés du secteur et leur tutelle sont presque condamnés à s'entendre à ce propos pour rendre à l'école -et à travers elle, à eux mêmes- l'honneur, la moralité et le respect qui lui manquent tant. K. A.