A ce stade où le processus de révision constitutionnel est à son avant-dernière phase de finalisation, toute conjecture au sujet de son contenu serait vaine. Cela relèverait de la lecture du marc de café. Mais, à ce stade, il y a des signes tangibles à interroger et des pistes que le président de la République a lui-même tracées. Et là, on est dans le concret. Il y a bien sûr des confidences et des tuyaux glanés ici ou là qui complètent la liste des éléments objectifs disponibles. Mais, rien qu'en faisant «parler» l'image du «Conseil restreint» présidée par le chef de l'Etat, on devine un peu l'esprit qui préside à l'élaboration de la mouture de la révision. On remarque d'emblée l'absence des présidents des deux chambres du Parlement. Signe que le président de la République auquel revient l'initiative de la révision constitutionnelle et qui est maître du calendrier ad hoc, aurait choisi de ne pas associer les deux présidents d'une APN et d'un Sénat en déficit de légitimité politique, pour ne pas dire mal élu. On pourrait en déduire que le président Abdelaziz Bouteflika penserait à faire passer le projet de révision par la voie référendaire. On voit mal comment il prendrait donc le risque de faire avaliser un texte qu'il veut ambitieux par une représentation nationale démonétisée et peu crédible. Autre absence remarquée, celle d'un représentant des Services de sécurité de l'armée. Traditionnellement, et depuis 1989, le DRS a toujours été associé, au moins en aval, à toutes les révisions de la Constitution. Bref, il avait toujours son mot à dire, d'une manière ou d'une autre, même si les arbitrages ultimes étaient rendus par le président de la République. Cette absence est à interpréter en corrélation avec la présence ostensiblement médiatisée, notamment par l'image inédite, de l'actuel chef du DRS à une réunion des polices africaines. Manière de suggérer que le DRS ne se mêle plus de politique. Encore moins d'avoir une quelconque influence sur le cours de la révision constitutionnelle. La remarque au sujet du DRS vaut aussi pour le ministre de l'Intérieur qui ne fait pas partie également du «Conseil restreint». Là aussi, le message politique subliminal est clair : le ministre de l'Intérieur s'occupe lui aussi des questions de sécurité nationale et n'a pas un rôle à jouer dans le processus constitutionnel en cours, sauf à s'occuper demain des modalités d'organisation d'un éventuel référendum constitutionnel. En revanche, la présence du vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'ANP suggère que le chef de l'Etat s'appuie sur l'institution militaire pour aboutir à un projet fondé sur le consensus politique le plus large possible. Démarche inclusive significative du souci d'associer l'armée aux avancées démocratiques portées par les futurs amendements constitutionnels. Sous-entendu, l'armée, partie prenante du processus, ne s'opposerait pas à postériori à des changements qu'elle aurait-elle-même préalablement approuvés. Le changement se fera donc avec la participation de l'ANP en sa qualité d'institution de la République. Autre message qui se dégage nettement de la composante du «Conseil restreint», la révision est avant tout l'affaire de l'Exécutif et notamment du chef de l'Etat, en vertu de ses prérogatives constitutionnelles. D'ailleurs, le président de la République était solidement entouré par le Premier ministre, son directeur de Cabinet et deux conseillers de poids. Un de ses conseillers, l'honorable Boualem Bessaeïh est là pour diverses raisons, dont les moindres ne sont pas sa sagesse et son ancienne qualité de président du Conseil constitutionnel. Dernière présence, celle du Garde des Sceaux, qui suggère que la révision de la Constitution relève ipso jure de la Justice. Enfin, on sait, sur la base des déclarations du chef de l'Etat lui-même, que la future Constitution donnerait naissance à un régime où les pouvoirs seraient mieux équilibrés et mieux séparés. Que l'opposition aurait plus de droits, notamment celui de la saisine du Conseil Constitutionnel, avec le pouvoir de poser la question prioritaire de constitutionnalité. Que la fonction de contrôle institutionnel serait renforcée, de même que l'opposition serait réjouie de voir satisfaite une de ses principales revendications, à savoir la mise en place d'un mécanisme indépendant de surveillance des élections, y compris la possibilité de disposer en temps utile de listes électorales vertueuses, c'est-à-dire assainies et à jour. Selon ce schéma, les prochaines élections législatives seraient organisées en 2017 sur la base des nouvelles dispositions constitutionnelles. Grâce auxquelles émergerait une représentation nationale qui serait bien élue pour la première fois dans l'histoire de l'Algérie indépendante. Soyons alors optimistes en pensant que ce serait alors la fin des élections à la Naegelen. On peut donc penser que le président Bouteflika, qui a reconnu lui-même que toutes les élections algériennes ont toujours porté le sceau de Naegelen, est animé du souci d'en finir une fois pour toute avec...Naegelen. Dans ce cas, il sortirait lui-même par le haut et entrerait dans l'Histoire par la grande porte. N. K.