Les protagonistes du conflit yéménite devront se retrouver de nouveau le 14 janvier, au terme d'un premier round de pourparlers sous l'égide de l'ONU qui vient de s'achever en Suisse. Sur le terrain le cessez-le-feu n'en finit pas d'être fragilisé. La trêve précaire sera reconduite pour une nouvelle période de sept jours. «Si elle est respectée par l'autre partie», fait remarquer le chef de la délégation pro-gouvernementale. La suspicion reste de mise entre les protagonistes d'une guerre sans fin qui ne fait que détruire un pays qui a grandement besoin de stabilité pour pouvoir panser ses blessures et commencer à se reconstruire. Les fameux pourparlers de paix, qui se sont tenus à huis clos depuis le 15 décembre, entre des représentants du gouvernement soutenu par Riyad et les Houthis, visent à tenter de mettre fin à près de neuf mois de guerre qui détruit le Yémen. L'on parle de progrès vers «un cadre de négociations pour un règlement» politique, fondé notamment sur la résolution 2216 du Conseil de sécurité de l'ONU. Alors que les politiques discutent dans les salons feutrés de Genève, sur le terrain la situation reste intenable. L'acheminement de l'aide humanitaire dans les zones affectées par la guerre, à Taëz, la troisième grande ville du Yémen, reste difficile. Une situation qui touche de plein fouet la population civile, qui se trouve contrainte d'user du système D pour survivre. Tout s'est compliqué lorsque l'Arabie saoudite et d'autres pays arabes ont formé en mars dernier une coalition pour intervenir militairement et combattre aux côtés des forces progouvernementales yéménites contre les Houthis. Les forces progouvernementales, qui ont gagné du terrain en se rapprochant de la capitale, Sanaa, ont poursuivi leur offensive dans le nord du pays. Bénéficiant d'une couverture aérienne de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite, elles tentent de progresser vers des positions contrôlées par les Houthis. Au fil de l'évolution des événements le risque d'explosion généralisée grandit. Avec son corolaire de drames. La guerre qui détruit le Yémen a directement affecté 80% de la population de ce pays pauvre de la péninsule arabique. Et aura également favorisé la montée en puissance de groupes djihadistes, dont l'organisation Daech. Belligérance par procuration La guerre qui fait rage au Yémen et détruit de façon méthodique ce pays déjà pauvre est en fait un conflit d'influence qui dépasse le cadre yéménite. Ce pays est aujourd'hui le théâtre d'une lutte entre puissances régionales qui ne veulent plus se faire de cadeaux. La sécurité des yéménites semble être le cadet de leurs soucis. Cette nouvelle tragédie sanglante en cours dans un pays aussi complexe que le Yémen tend à s'installer durablement dans un monde arabe malade et en perte de repères. Mais le conflit yéménite se présente comme la guerre de trop dans un monde arabe déjà en situation extrême. Au bord de l'éclatement. Certains observateurs estiment que le conflit est aggravé par les interventions externes. «Le Yémen n'est pas seulement victime d'une guerre civile meurtrière entre des factions vaguement alignées sur le soi-disant gouvernement ‘‘légitime'', d'une part, et sur l'ancien président Ali Abdallah Saleh et ses alliés houthis, de l'autre. Cet affrontement a été considérablement aggravé par l'intervention étrangère ouverte. C'est une guerre par procuration menée par les Etats arabes du Golfe dirigés par un nouveau, jeune et belliciste leadership en Arabie saoudite, qui insiste sur le fait que le Yémen est le terrain d'une lutte à mort contre son rival l'Iran pour la domination politique dans la péninsule Arabique», estime Helen Lakcner spécialiste du Yémen et auteur de Why Yemen Matters. L'implication iranienne est cependant surestimée, ajoute Helen Lackner, «Téhéran n'a ni sponsorisé, ni même soutenu les houthistes la plupart du temps. C'est une guerre que mène la coalition du Golfe dirigée par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, elle comprend tous les Etats du CCG à l'exception d'Oman, et plusieurs autres Etats arabes et africains dont la motivation est étroitement liée à une volonté de garantir un soutien financier des Etats du CCG». C'est dans cette situation désastreuse pour les populations civiles que se trouve le Yémen. Avec les risques d'évolution plus graves. Les groupes extrémistes implantés dans le sud-est du pays, profitant du désordre ambiant et de l'intervention saoudienne, prennent, de plus en plus, le contrôle de certaines provinces, comme celle du Hadramout. Ce qui ne pourrait qu'augurer de l'extension du chaos. M. B.