Photo : Riad Par Badiaa Amarni Pouvoirs publics, opérateurs économiques et employés s'accordent à dire que la situation des zones industrielles d'Oued Smar, Rouiba et Reghaïa sont dans un état de délabrement avancé. Tel un leitmotiv, une seule phrase est revenue à la bouche des nombreuses personnes que nous avons consultées ou rencontrées sur le terrain : «C'est catastrophique !». Après des années de laisser-aller suivies d'une anarchie totale, les zones industrielles algériennes attirent l'attention des responsables algériens, à leur tête le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements qui a promis leur réhabilitation et dont les travaux démarreront le mois prochain. Une enveloppe financière conséquente sera dégagée pour mener à bien ce chantier. Temmar a donné des instructions à ses plus proches collaborateurs pour prendre en charge et de manière sérieuse les travaux de viabilisation et d'assainissement de ces deux plus grandes zones industrielles, jadis fierté de l'Algérie. Anarchie et problèmes d'assainissement A l'heure actuelle, ces deux sites connaissent d'énormes difficultés, dont le ministre a pris connaissance lors de sa visite d'inspection sur les lieux et au cours de la réunion organisée avec les opérateurs économiques. En effet, une visite sur le terrain nous a permis de constater la précarité dans laquelle se trouvent plongées ces zones industrielles que le temps semble dépasser largement. Dans celles de Rouiba-Reghaïa et Oued Smar, il est très difficile de délimiter ces zones tellement elles sont envahies par des habitations précaires qui poussent ça et là comme des champignons, au su et au vu de tous, surtout des responsables qui ne bougent pas le petit doigt pour éviter de telles situations. Un opérateur économique que nous avons rencontré nous dira, sous le sceau de l'anonymat, que «le lieu ne représente plus une zone industrielle comme par le passé puisqu'il est devenu à la fois une zone d'habitation, d'élevage, de stockage de conteneurs, et une aire de stationnement de camions et d'engins en tous genres». Sur le terrain, nous avons pu vérifier de visu ses propos : absence de parking de stationnement organisé, des camions stationnent n'importe comment causant ainsi des perturbations dans la circulation et même des risques pour les usagers de ces routes. «Beaucoup de transporteurs se présentent sur les lieux, sans être sollicités, pour rechercher des aubaines de travail», nous confie un autre opérateur économique. Une telle situation engendre beaucoup d'autres problèmes, entres autres celui des retards mis par les employés pour rallier leur poste de travail, surtout ceux dont les sociétés ne disposent pas de transport du personnel, d'où les énormes difficultés à se déplacer. Non seulement les distances parcourues se comptent en kilomètres, mais en plus, les routes deviennent impraticables lors des intempéries. «Je parcours plusieurs kilomètres à pied, parfois cinq, car à l'intérieur de la zone industrielle, il n'y a pas de lignes de transport», témoigne un employé, la quarantaine passée. «Cela fait 10 ans depuis que je travaille ici ; les routes sont complètement délabrées, et ce sont de véritables rivières qui se forment en cas de pluie… et quand il n'y a pas de trottoirs, je vous laisse imaginer la suite», dira-t-il. Un transporteur privé nous apprend que «souvent les avaloirs sont bouchés, surtout en temps de pluie. De plus, il y a trop de circulation à l'entrée de ces zones». Lors de notre passage, au lendemain d'une journée particulièrement pluvieuse, nous avons remarqué effectivement que certaines voies sont encore très difficiles d'accès. Des flaques d'eau et de boue sont présentes partout. A d'autres endroits, ce sont des tas de détritus qui sont soulevés lorsqu'un vent fort souffle. Et c'était justement le cas le jour où nous nous sommes présentés sur les lieux. Des sacs en plastique, des pages entières de journaux et bien d'autres débris volent et traînent ça et là. Des poussières vous fouettent le visage. Ajouté à cela l'absence d'éclairage public et de trottoirs, cela rend difficile les déplacements, surtout à la tombée de la nuit. Défaillance de taille à la zone de Oued Smar : l'hygiène A Oued Smar, à proximité du laboratoire pharmaceutique Merinal plus précisément, les routes sont impraticables. «Lors des inondations de ces derniers jours, les semi-remorques étaient empêtrés dans l'eau jusqu'aux pare-chocs», lance à notre adresse un agent de sécurité. C'est juste pour dire que «le niveau de l'eau était tel que les employés sont restés bloqués dans les entreprises». En ces lieux, les employés qui ne disposent pas de transport du personnel disent aussi que «pour rentrer chez nous, nous devons parcourir 5 km à pied jusqu'à la station urbaine de Dar El Beida pour emprunter le bus ou, au mieux, il faut marcher 1 km pour regagner la gare ferroviaire». Nous ne ferons pas l'impasse sur les gargotes de fortune installées ça et là, dans des coins insalubres et de plus en plus nombreuses. «En ces lieux, la bouffe est infecte», nous disent deux employés de la société Saidal. Inutile de faire remarquer que les services d'hygiène sont les grands absents de ces endroits, puisqu'ils se font déjà rares dans les endroits les plus fréquentés par les consommateurs dans les grandes artères de la capitale. Quand la gestion des rejets industriels fait défaut Les problèmes des zones industrielles de la capitale sont également ceux de la pollution. Des produits nocifs à la santé sont déversés par certaines usines, sans traitement aucun. Beaucoup de ces rejets industriels se propagent dans la nature, ce qui est pour ajouter un aspect plus hideux à ces zones. Un employé, la cinquantaine, visiblement harassé par les embouteillages automobiles causés par les camions, dénonce la pollution de ces espaces par certains opérateurs. Et de citer le cas d'une usine de fabrication de peinture, qui, «depuis son installation à Oued Smar, il y a environ une année, pollue l'espace en déversant ses déchets de manière archaïque», dira-t-il. Revenant sur les embouteillages, il dira que «c'est un véritable calvaire». A proximité de la société Gestimal, où nous nous sommes rendus pour obtenir d'autres informations et des chiffres sur la réalité de ces zones, nous remarquons un semi-remorque, stationné en plein virage, qui gêne la circulation. Les voitures ainsi que les piétons éprouvaient des difficultés à se déplacer. Actuellement, la situation mérite une réelle prise en charge et des efforts doivent être consentis pour sortir ces zones industrielles de leur piteux et lamentable état. Les opérateurs économiques ont été instruits par le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements à s'organiser en association pour intégrer les espaces de décision. Car, sans cela, ces zones continueront de voir la prolifération d'habitations précaires et le passage de troupeaux de vaches à la recherche d'un pâturage de fortune.