Malik Boumati Une marée humaine a accompagné, hier, Hocine Aït Ahmed à sa dernière demeure. Décédé le mercredi 23 décembre à Lausanne en Suisse, celui qui est considéré comme l'un des pères de la nation a eu des funérailles populaires en présence d'une foule qui a convergé vers son village natal, At Ahmed depuis jeudi, et ce, de plusieurs wilayas du pays. La dépouille mortelle de Hocine Aït Ahmed était accompagnée par sa veuve Djamila, ses trois enfants Jugurtha, Salaheddine et Bouchra ainsi que sa belle-sœur, qui n'est autre que la veuve du compagnon d'armes du défunt, Mohamed Khider. L'ancien chef du gouvernement réformateur Mouloud Hamrouche était évidemment aux côtés du cercueil de Lausanne jusqu'à At Ahmed, conformément aux vœux du défunt leader politique. Le cortège funèbre comptait les membres de la famille Aït Ahmed, les responsables du FFS et les invités du parti, et également l'ancien Premier ministre marocain Abderrahmane Youssoufi, le président du parti tunisien Ettakatol et ancien président de l'Assemblée constituante tunisienne Mustapha Bendjafar, ainsi que le chef du parti tunisien Ennahda, Rachid Ghannouchi. Des citoyens marocains ayant des liens familiaux avec le défunt étaient également dans le cortège. Il faut dire que tout le monde s'attendait à une déferlante humaine en ce jour d'enterrement. D'ailleurs, la placette de Tisirt n Chikh était noire de monde dès 6 heures, notamment ceux qui ont passé la nuit à la belle étoile autour d'un feu. La mobilisation était trop forte et les appréhensions des organisateurs n'ont pas tardé à être confirmées. Comme à l'arrivée d'une délégation conduite par Ali Benflis vers 8h45. La foule, massée non loin de l'espace réservé au cercueil, n'a pas tardé à scander des slogans hostiles au pouvoir, donnant ainsi un aperçu sur un risque de débordement quand les membres du gouvernement allaient arriver. L'intervention au micro du premier secrétaire fédéral du FFS à Tizi Ouzou et d'un membre de la famille Aït Ahmed, a fini par calmer les citoyens, surtout des jeunes qui arboraient des portraits du défunt et des banderoles à sa mémoire. Une banderole attire l'attention. Elle vient des centaines de personnes venues de la région d'At Ouartilane, dans la wilaya de Sétif, et sur laquelle il est écrit : «Beni Ouartilane pleure son fils adoptif», en référence à son élection comme député de cette région au lendemain de l'indépendance et en décembre 1991. L'arrivée du président de la JSK Mohand Cherif Hannachi est presque passée inaperçue, si ce n'est certains confrères qui s'étaient rués vers lui avec leurs caméras et leurs dictaphones. Les membres du service d'ordres ont eu du mal à organiser toute cette foule, notamment vers 11h15 quand l'arrivée du cortège était annoncée. S'ensuivit un petit désordre autour de l'espace réservé au cercueil et du pupitre destiné à l'imam pour la prière du vendredi et celle du mort. L'on apprendra plus tard qu'il n'y aurait aucune oraison funèbre ni aucune prise de parole. Un enterrement dans les pures traditions ancestrales. C'est à 11h40 que tout basculera quand le cercueil, porté par des éléments de la Protection civile, accèdera à la placette de Tisirt n Chikh. La foule présente s'est collée au cercueil jusqu'au milieu de la placette, rendant difficile même le passage des accompagnateurs dont sa famille et ses amis. Les interventions du premier secrétaire fédéral, du même membre de la famille Aït Ahmed et même de l'imam n'y changeront rien. L'espace réservé au cercueil sera envahi par les gens qui voulaient rendre un dernier hommage au symbole de la lutte pour l'indépendance et du combat démocratique. L'arrivée dans le même temps des leaders islamistes Abdellah Djaballah et Bouguerra Soltani passera inaperçue. Les différents appels à la retenue ne seront pas entendus. Ce qui a conduit les organisateurs à passer à la prière du mort rapidement pour prendre le cercueil et le conduire vers son village natal At Ahmed, situé à moins de deux kilomètres de là. Mais les milliers de personnes qui étaient sur la placette et en dehors ne lâcheront pas leur «zaïm» et l'accompagneront réellement jusqu'à sa dernière demeure, et ce, sous les regards ébahis des dizaines de milliers d'autres perchées sur la colline et coincées sur la route menant vers la localité de Mekla. Les deux petites barricades érigées à l'entrée du village ne tiendront pas et la petite placette où se trouve la tombe de Hocine Aït Ahmed sera aussi envahie, mettant même dans la difficulté les éléments de la Protection civile qui portaient le cercueil. Il finira par être inhumé vers 14h30 dans la tombe de sa mère, située à l'entrée du mausolée de Cheikh Mohand Oulhocine. M. B. La délégation du Premier ministre empêchée d'assister aux funérailles Les funérailles nationales et populaires du dernier des neuf chefs historiques qui ont déclenché la Guerre de libération nationale, Hocine Aït Ahmed, ne se sont pas bien passées pour tout le monde. Le deuxième cortège qui accompagnait la dépouille du défunt a été empêché d'accéder à la placette de Tisirt n Chikh où devait se dérouler la cérémonie religieuse. Le cortège qui conduisait le Premier ministre Abdelmalek Sellal et certains ministres ainsi que le président de l'Assemblée populaire nationale, Lardi Ould Khelifa, a fait l'objet de jets de bouteilles d'eau en plastique. Cet incident a contraint les membres du gouvernement à renoncer à assister à la cérémonie pour ne pas envenimer la situation, qui était quelque peu tendue peu de temps avant l'arrivée du cercueil. Certains accusent des séparatistes du MAK d'être à l'origine de cet incident, et même de slogans «racistes» scandés par certains présents. Mais des responsables du FFS présents sur les lieux se sont dit soulagés qu'il n'y ait pas eu de dérapages, avant et après cet incident. M. B.