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Chakib Khelil : «J'assume la responsabilité de la stratégie de Sonatr
L'ex vice-président de Sonatrach raconte à la barre sa rencontre
Publié dans La Tribune le 02 - 01 - 2016

Au cinquième jour du procès de l'affaire dite Sonatrach 1, le nom de Chakib Khelil, même s'il est depuis le début du procès sur toutes les langues dans la salle des pas perdus, est enfin mêlé officiellement à ce dossier. C'est l'accusé Belkacem Boumediène, enfoncé par les déclarations de deux accusés, ex-cadres de Sonatrach, qui va le citer. L'ex-vice-président de Sonatrach va affirmer que c'est le ministre qui gérait la firme pétrolière et qu'il assumait l'ensemble de la responsabilité de la stratégie de Sonatrach, comme il le lui a personnellement déclaré, après l'éclatement de l'affaire. Selon Belkacem Boumediène, il y a eu quatre instructions de Chakib Khelil pour que l'ensemble des sites de Sonatrach soit sécurisés avant fin 2006 en raison des risques terroristes. L'accusé a également soutenu que l'ex-ministre a obligé les cadres de Sonatrach à conclure des contrats dans cet objectif dans un temps record de moins de deux mois.
Mais avant d'entendre Belkacem Boumediène, le tribunal criminel près la Cour d'Alger, qui a décidé d'interroger l'ensemble des accusés du premier groupe - tel qu'il les avait divisé à l'ouverture du procès - avant d'ouvrir le bal des questions pour le débat contradictoire, a commencé par appelé à la barre Hassani Mustapha, l'ex-directeur de la division production de Sonatrach et qui a eu à signer par délégation trois contrats avec la société Contel-Funkwerk. Ce dernier est poursuivi pour complicité dans la passation de contrats contraires à la réglementation et la législation. Hassani a nié en bloc les faits qui lui sont reprochés soutenant qu'il n'a été nommé au poste de directeur de la division Production qu'en mars 2005 et qu'à cette date, Contel Funwerk avait déjà été reçu par la direction générale de Sonatrach qui lui avait même confié la réalisation d'une étude de sécurisation pour un projet pilote. Une fois l'étude terminée et étant nommé à la tête de la division Production, Hassani dit avoir envoyé une correspondance à son chef hiérarchique Boumediène Belkacem pour l'informer de sa satisfaction de l'étude. C'est Boumediène Belkacem qui lui aurait demandé de rédiger un rapport au P-dg de la firme pétrolière à l'époque, Mohamed Meziane, dans lequel il devait demander l'avis favorable du responsable afin d'octroyer le marché de gré à gré à Contel Funkwerk.
L'accusé justifie la non publication des contrats de Sonatrach par «des oublis et du laisser-aller»
Une fois l'accord de Mohamed Meziane obtenu et l'établissement du contrat par la direction des affaires juridiques, Hassani a obtenu une délégation de signature de Mohamed Meziane pour parapher le contrat. Il aura également une
autre délégation de signature de Boumediène Belkacem pour porter sa signature sur deux autres contrats obtenus par la même société d'Al Ismaïl et dans laquelle le fils Meziane était actionnaire. Cheïkh Mustapha, l'ex-directeur de la division Forage, a également eu une délégation de signature pour un
des contrats obtenus par Contel Funkwerk. Ce dernier a tenu à rappeler au tribunal son parcours en commençant par l'obtention comme major de promotion de son ingéniorat en 1983. Cheikh soutient qu'il a reçu le dossier du contrat qui était déjà approuvé par «70 signatures. Il y avait l'accord de la direction des affaires juridiques, celui de la commission finances, la commission technique, etc. Je n'ai fait que signer en dernier», dira-t-il. Le juge lui demande qui lui a donné la délégation de signature, il précise que c'est le vice-président de Sonatrach, Boumediène Belkacem. Le président demande à nouveau à l'accusé les raisons qui ont fait que ces contrats avec la société Contel Funkwerk ne soient pas publiés sur le Boal. «Je ne sais pas. Ce sont des papiers administratifs et il y a des oublis et du laisser-aller.» Pas du tout convaincu, le juge demande à Cheikh de lui expliquer les raisons qui ont amené Sontarach à recourir à une consultation restreinte au lieu d'un appel d'offres. Il explique que Sonatrach recoure à ce procédé en cas d'urgence, de la présence d'un nombre suffisants de consultations ou sur demande du P-dg. «Quelle urgence y avait-il ?», insiste le juge Reggad. «Je ne sais pas», répond l'accusé en niant également avoir connaissance que les fils Meziane avaient un quelconque lien avec le marché obtenu.
Boumediène Belkacem, l'ex-vice-président de Sonatrach, s'avance vers la barre. Ce dernier a beaucoup à dire. Il va tenter de se disculper des lourdes charges qui pèsent sur lui, à savoir complicité d'association de malfaiteurs, passation de marchés contraire à la réglementation, dilapidation, mauvaise exploitation de la fonction, corruption et blanchiment d'argent. En plus, il va répondre aux deux cadres qui l'ont précédé à la barre et qui lui ont tout mis sur le dos.
Belkacem Boumediène, qui a rejoint Sontarach en 1978, était directeur de la division Production avant d'être nommé vice-président en mars 2005 par décret présidentiel. Ce dernier en a gros sur le cœur, il pleurera d'ailleurs souvent, amenant le juge à interrompre l'interrogatoire à deux reprises. Il insistera pour dire que «l'information circulait bien à Sonatrach et il n'y a pas un seul cadre qui peut vous dire qu'il ne savait pas ce qui se passait. Le ministre était président de l'Assemblée générale de Sonatrach donc l'information circulait bien». «L'affaire de télésurveillance a débuté avec une instruction ministérielle», commence par dire l'accusé qui soutiendra tout au long de son récit que la sécurisation des sites de Sonatrach et la précipitation dans la réalisation sont le résultat des instructions du ministre Chakib Khelil.
Belkacem Boumediène va expliquer longuement les événements en commençant par sa réception de la lettre de remerciement envoyée par Contel Algérie après avoir été reçu par la direction de Sonatarch pour présenter ses produits. Cette lettre de remerciement lui a été envoyée par le P-dg Mohamed Meziane pour «exploitation». Il l'a alors transmise au service concerné, à savoir celui chargé de la sécurité. Il a ensuite été destinataire de l'instruction du ministre en date du 25 février 2005 et dans laquelle il est demandé à Sonatrach de sécuriser l'ensemble de ses sites. «On avait des pressions énormes pour la sécurisation des sites surtout après les tentatives d'incursion terroristes à Sidi Rezine et le site gazier Rhardnous. Alors, quand nous avons reçu une seconde instruction ministérielle, j'ai proposé d'inviter Contel Algérie au lieu d'attendre leur invitation.»
«Celui qui vous dit que le ministre ne gère pas, il se trompe. Le ministre était le président de l'AG de Sonatrach et il décidait de tout (...)»
Le juge demande alors «est-ce que le ministre ou le P-dg ont évoqué clairement le recours à cette entreprise ?» «Non», lâche l'accusé et d'expliquer encore «J'étais vice-président de Sonatrach et le vice-président ne négocie pas avec les entrepreneurs. Ce n'était pas mon rôle. J'assurais la coordination. Le premier concerné est le maître d'ouvrage qui est bien évidemment la direction régionale de Hassi Messaoud. Moi, j'ai reçu un premier rapport où il est fait état de la satisfaction totale de la présentation de Contel Funkwerk et un second rapport pour avoir l'accord du P-dg pour lancer un projet pilote. Je n'ai fait que donner mon accord de principe avant de le transmettre à Mohamed Meziane. Même ce dernier n'a donné qu'un accord de principe en attendant l'aval du ministre». Belkacem Boumediène s'arrête un moment avant d'enchaîner «Celui qui vous dit que le ministre ne gère pas, il se trompe. Le ministre était le président de l'AG de Sonatrach et il décidait de tout. On lui a demandé son accord et il l'a donné pour le projet pilote». Le juge insiste pour savoir si Chakib Khelil a donné son aval pour un marché de gré à gré et l'accusé va lui répondre à demi mots : «C'était implicite que le marché allait être donné de gré à gré à l'entreprise qui a réalisé l'étude du projet pilote. Je ne comprends pas quand on dit... eu... Enfin.» Le juge demande : «La prison vous a forgé ?» Et l'accusé répond «L'Algérie m'a forgée».
Belkacem Boumediène poursuit «Il y a eu une quatrième instruction du ministre et dans laquelle il exigeait que les contrats pour la sécurisation de l'ensemble des sites de Sonatrach soient finalisés avant le 31 janvier 2006. C'était le branle-bas de combat. Comment allions-nous faire alors que nous n'avions aucune idée sur les prix, les délais de réalisation, les garanties... Avec du recul, je peux vous dire que c'était de la folie que de vouloir sécuriser l'ensemble des sites de Sonatrach dans un délai aussi court, même les érudits de la sécurité peuvent vous le confirmer. Enfin, Mohamed Meziane nous a alors demandé d'aller vers une consultation restreinte rapidement car le ministre exigeait un planning. En 10 jours, nous avons ramené une dizaine d'entreprises et le 16 janvier 2006, 4 sociétés étaient choisies». «Mais comment êtes-vous arrivés à l'octroi du marché de gré à gré à Contel alors que vous connaissez la loi sur les marchés ?», demande le juge. L'accusé explique au juge que le gré à gré se construit pièce par pièce et que le montant du marché n'était pas connu en plus, dit-il, «même le cahier des charges n'a été prêt qu'en juin 2006». «Pourquoi l'urgence ?», insiste le juge. «Le ministre, Sidi Rezine...», dit l'accusé avant d'éclater en sanglots. Quelques minutes de répit et Belkacem Boumediène reprend son récit pour expliquer que le contrat qu'il a signé était ficelé «par le maître d'ouvrage, à savoir la direction régionale de Hassi Messaoud et la division Production, avant d'atterrir sur mon bureau avec l'avis favorable de l'ensemble des directions et des commissions».
Le juge va interrompre le témoin pour lui rappeler ses déclarations devant la police judiciaire (les éléments du DRS qui ont mené l'enquête). Belkacem Boumediène déclare reconnaître chaque mot écrit dans ces PV, mais dit que les informations sont fausses pour la simple raison que lors de son interrogatoire il s'est «mélangé les pinceaux» ayant eu à gérer plusieurs centaines de projets. Il nie donc avoir déclaré que c'est le comité exécutif qui a pris la décision d'octroyer un projet pilote à Contel Funkwerk fin 2004. Il nie également que c'est Mohamed Meziane qui a décidé du gré à gré, comme il l'avait déclaré sur procès-verbal et explique encore une fois que le dossier est préparé par la direction régionale et que le P-dg ne donne que son accord de principe en attendant d'avoir l'aval du ministre.
«Je ne regrette rien, même pas mes 6 années de prison car Sonatrach, le joyau du pays, a bénéficié du meilleur matériel»
A ce moment, il raconte un fait important : «Lorsque j'ai été entendu par le DRS, ces derniers m'ont demandé d'aller informer le ministre de ce qui se passait et de lui parler des fils Meziane qui étaient mêlés aux marchés de Sonatrach. Je suis parti le voir et Chakib Khelil m'a répondu ‘‘J'assume la responsabilité pour l'étude du CIS (Complexe industriel Sud). J'ai donné mon accord pour la stratégie de Sonatrach et il fallait que toutes les installations soient sécurisées avant la fin décembre 2006''.» Le juge s'empresse alors de demander, «Mais qui est l'ordonnateur à
Sonatrach ?» L'accusé répond «Le ministre et le P-dg». «Qui est l'ordonnateur pour faire sortir l'argent ?», demande à nouveau le juge et Boumediène Belkacem de répondre «L'assemblée générale dont Chakib Khelil est président».
Le juge va revenir sur les projets, leurs montants, la délégation de signature et les prix élevés de la firme Contel Funkwerk. L'accusé tentera d'expliquer que la consultation restreinte ne visait pas un soumissionnaire le moins-disant, mais cherchait la meilleure offre qualité-prix et que les produits de Contel étaient de haute qualité. Il insistera avant de craquer à nouveau : «Je vous le répète monsieur le juge, il y a eu un travail d'équipe, une décision collégiale pour le choix. Je ne regrette rien, même pas mes 6 années de prison, car, Sonatrach, le joyau du pays a bénéficié du meilleur matériel.» Le juge Reggad décide de lever la séance et de ne reprendre le procès que demain à la demande des avocats.
H. Y.


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