Il y a des commerçants ambulants, en véhicule ou en petite charrette et il y a des festivals ambulants. Les premiers sont connus de tous puisqu'ils écument les villages et les quartiers à la recherche de clients pour leurs marchandises diverses. Mais les seconds sont plus rares donc méconnus du grand public, particulièrement quand ils ne sont pas médiatisés par la presse nationale. Mais quand une manifestation constitue un ilot culturel dans un désert de folklore, le caractère itinérant est un bonus pour une population villageoise isolée et avide d'animation culturelle. Qu'il soit un lieu ou une personne ou même une manifestation, l'Algérie compte plusieurs ilots culturels où l'art a toute sa place et l'activité est initiée et organisée avec désintéressement et générosité. Avec en bonus la qualité de l'activité culturelle et artistique. Parmi les ilots culturels qui ont fait leurs preuves dans la création d'une dynamique culturelle, notamment en incluant dans leurs programmes des sessions de formation dont bénéficient notamment des enfants et de jeunes animateurs culturels et associatifs, il y a le festival culturel des Raconte-arts organisé annuellement par la Ligue des arts dramatiques et cinématographiques (Ladc) de la wilaya de Tizi Ouzou. Un festival défricheur de nouvelles pistes, comme le décrit l'un de ses trois fondateurs El Hacène Metref qui se prépare avec ses camarades de la Ladc à organiser la 13e édition de cette manifestation à Souama, dans la daïra de Mekla, et ce du 24 au 31 juillet prochain. Ce festival itinérant lancé à partir de la localité d'At Yanni a été accueilli par plusieurs villages de la région de Kabylie. Et les membres de la Ladc ne sont en réalité que des accompagnateurs des habitants du village accueillant. Les villageois émettent le vœu d'accueillir le festival des Raconte-arts et concoctent un programme avec les animateurs de la ligue. Et la marginalisation par les pouvoirs publics de ce festival a conduit les initiateurs à trouver des solutions pour le maintenir en vie et le pérenniser. Des solutions qui viendront des villageois eux-mêmes. Eux qui souffrent d'une absence totale de l'animation culturelle. Donc pour réduire au maximum les dépenses liées au festival, les villageois s'engagent à se charger de la restauration et de l'hébergement des participants et des invités, dont certains viennent de l'étranger. C'est aussi cette implication totale des villageois dans l'organisation qui a fait le succès de la manifestation. Et c'est ce qui en fait un véritable ilot culturel unique en son genre. Une oasis au milieu d'un désert qui isole les villages, isolés déjà par la géographie. Ce qui fait du festival des Raconte-arts, dont l'artiste peintre Denis Martinez est un complice de toujours, c'est le programme élaboré par ses organisateurs. Un programme qui n'est pas figé comme ceux des autres manifestations. Il peut changer d'une édition à une autre. Il offre la part belle au conte pour enfants, mais aussi aux spectacles de rue que les villageois apprécient particulièrement, notamment la déambulation nocturne qui fait office à chaque édition de clôture en apothéose. C'est un ilot culturel aussi parce que la formation y a toute sa place, dans la mesure où les participants, notamment ceux venant de France et d'Italie, ne se contentent pas de participer à l'animation culturelle mais animent aussi des ateliers de formation au profit des enfants et des jeunes animateurs associatifs et culturels. Si les médias encouragent même timidement cette manifestation et leurs initiateurs, notamment en donnant des comptes rendus de son déroulement, l'Etat continue à lui tourner le dos, alors que son rôle devrait être de soutenir ce genre d'initiatives, mais aussi de puiser certaines idées de ce festival et en faire bénéficier les manifestations qu'il organise sur tout le territoire national. Les pouvoirs publics devraient effectivement s'imprégner du génie populaire pour perfectionner leurs propres manifestations qui coûtent les yeux de la tête du contribuable et réussissent à créer cette dynamique culturelle qui manque tant à l'Algérie. C'est cet échec dans la création de cette dynamique culturelle qui fait que l'on ne peut considérer les manifestations organisées par l'Etat comme des festivals. A peine des semaines ou des journées culturelles précédées par du vide et suivies par du vide. Un vide sidéral qui n'apporte rien aux disciplines culturelles et artistiques que les festivals en question étaient supposés développer et promouvoir. M. B.