Pour une organisation dont l'essentiel repose sur le pacifisme, c'est presqu'un cri de guerre qu'a poussé la Fédération internationale des droits de l'Homme à la suite de la condamnation par la Cour pénale internationale (CPI) à l'encontre de Jean Pierre Bemba, ancien vice-président de la République démocratique du Congo. Cette condamnation qualifiée «d'historique» par la Fidh l'a été après un travail, voire un acharnement dans l'action judiciaire et l'activisme militant en ce sens des organisations locales en l'occurrence la Lcdh (Ligue congolaise des droits de l'Homme) et de l'Ocodefad (Organisation pour la compassion des familles en détresse). En 2004, la présidence de la République centrafricaine saisit la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l'Humanité (meurtres et viols) et obtient l'ouverture d'une enquête le 22 mai 2007 contre J. P. Bemba, commandant du Mouvement de libération du Congo et vice-président par la suite. A l'époque, celui-ci avait répondu, alors que la République de Centre-Afrique était déchirée par une guerre civile, à l'appel de son Président menacé d'un renversement. Bemba et les militaires congolais allaient commettre les plus grandes atrocités, meurtres et viols systématiques entre 2002 et 2003, contre les populations de la RCA. Néanmoins, l'histoire retiendra qu'il sera arrêté en 2008 en Belgique et transféré au cours de la même période au centre de détention de La Haye. Son procès ouvert en 2010 ne prenait fin qu'en 2014 et le verdict prononcé il y a moins de quarante-huit heures. Au-delà de la condamnation d'une personnalité politique et/ou militaire en tant que supérieur hiérarchique, la Fédération internationale des droits de l'Homme s'est surtout félicité du très fort signal lancé à l'encontre des auteurs de crimes internationaux quelles que peuvent être leurs fonctions. Karim Lahidji, président de la Fidh y insistant par ce message mondialement diffusé : «La condamnation de Bemba envoie un message puissant aux auteurs de crimes internationaux : quelles que soient leurs fonctions, ils ne peuvent échapper à la justice et seront tenus pour responsables de leurs crimes.» L'autre acquis retenu par la Fidh est que pour la première fois les juges de la Cour pénale internationale statuent pour des crimes directement liés à des violences sexuelles et désormais considérés comme crime de guerre et crime contre l'humanité. André Olivier Menguereka, avocat et président de la Ligue congolaise des droits de l'Homme résume superbement le verdict prononcé : «L'importance de ce verdict ne peut être surestimée. Il constitue un pas supplémentaire sur les chemins de la justice pour les victimes de violence sexuelle car il s'agit de la première condamnation prononcée par la CPI.» Ceci étant, en plus de la volonté des parties concernées de faire aboutir les requêtes formulées en ce sens, il y a lieu de souligner l'importance de la logistique et surtout des démarches déployées pour y parvenir, qu'il s'agisse de l'accès des victimes devant les magistrats de la CPI, des communications continuelles et régulières faites au procureur de la même institution, l'insistance sur la dimension des actes criminels commis et surtout l'absence de volonté et capacité des Etats à enquêter et poursuivre les auteurs. Tout cela grâce aux éléments de preuve apportés par la Fidh et repris par le Bureau du procureur (CPI), les représentants des victimes et les juges. Bien entendu, des lobbys soucieux certainement de la préservation de l'impunité habituelle cherchent depuis quelques années à porter atteinte à la neutralité de la CPI au motif de démarche raciste qui ne consisterait qu'à juger les personnalités politiques africaines alors que la réalité est là, crevant les yeux, sauf de ceux qui jouent les aveugles. Il ne se passe pas que la moindre alternance politique dans un Etat d'Afrique noire notamment ne soit entachée de violence ponctuelle dans le meilleur des cas et au pire de menace si ce n'est de déclenchement de guerre civile. Des guerres civiles dont il n'est nul besoin de s'étendre sur les dangers encourus seulement par les populations et plus particulièrement les femmes et les enfants. Il devient alors normal que le cri de victoire de la Fidh ressemble à s'y méprendre à un cri de guerre tant la symbolique en ce sens est forte. A. L.