Le cinéma algérien va mal. Il a du mal à décoller. Et ce n'est pas les quelques films réalisés à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance qui vont contredire cette assertion partagée par beaucoup. Surtout que certaines réalisations étaient d'une médiocrité affligeante malgré les sommes faramineuses qui leur ont été concédées par le Fond de développement de l'art, de la technique et de l'industrie cinématographiques (Fdatic). Aujourd'hui et parce que l'Etat est le seul bailleur de fonds du 7e art, l'on ne voit que des films en lien avec l'histoire de la guerre de libération nationale, produits sur commande à l'occasion de célébrations de dates historiques ou d'événements culturels. A commencer par les 50 ans de l'indépendance en 2012, les 60 ans de la révolution en 2014, l'Année de l'Algérie en France en 2003, Alger et Constantine capitale de la culture arabe en 2007 et 2015 ainsi que Tlemcen, capitale de la culture islamique en 2011. Ce sont des films historiques ou d'occasion qui restent les rares productions disponibles réalisées généralement par des anciens cinéastes. Cette politique marginalise quelque peu les jeunes cinéastes qui sont de plus en plus nombreux à réaliser des œuvres de qualité, avec les moyens du bord. Des jeunes pétris de qualité qui utilisent leur génie et uniquement leur génie pour faire de la création artistique à l'aide d'une caméra. «Quand l'œuvre cinématographique est faite sur commande, comme à l'occasion de la célébration des dates historiques, l'aspect artistique et même parfois l'écriture, en prennent un coup», estime un jeune cinéaste qui donne l'exemple du film sur Krim Belkacem qui pèche par des lacunes sur le plan artistique et sur le scénario. Mais le problème du cinéma en Algérie ne se limite pas au financement du Fdatic ou plutôt à l'absence de financement. C'est l'absence de producteurs capables de mettre de l'argent dans les œuvres cinématographiques sans attendre une aide de l'Etat par le biais du Fonds d'aide. Cette situation a poussé des jeunes cinéastes à créer leurs propres boîtes de production mais limitées dans leur champ d'action et qui réduisent le montant alloué au film. Cela montre que la question du financement est un véritable frein à la production cinématographique en Algérie et tant que l'Etat est le seul à pouvoir financer des films, il y aura toujours des gymnastiques qui altéreront la qualité des produits, notamment ceux considérés comme «subversifs». C'est là que la question de l'investissement privé se pose avec acuité. En réalité, les opérateurs économiques privés sont les seuls à même de développer le 7e art en Algérie. A pouvoir créer une industrie cinéma condition sine qua non pour un véritable essor du secteur. Mais les opérateurs économiques invités, il n'y a pas longtemps, par le ministre de la Culture à investir dans la culture, ne sont pas intéressés par des investissements non rentables. Et dans ce registre, l'Algérie est encore loin de réunir toutes les conditions nécessaires à même de rendre l'activité cinématographique rentable sur le plan commercial. En effet, il manque deux paramètres vitaux pour que l'industrie cinématographique puisse devenir une réalité en Algérie. Les salles de cinéma sont encore fermées, alors que ce sont elles qui sont censées accueillir la projection des films réalisés. Aujourd'hui, quand il produit une œuvre cinéma, le cinéaste ne peut compter que sur la télévision pour une diffusion. La télévision nationale n'achète pas des films qui sortent du moule imposé par le pouvoir politique et le cinéaste, créateur et libre penseur, finira par accrocher son film sur le mur de son salon. Alors que s'il y avait un nombre de salles de cinéma, notamment privées, la diffusion se fera avec une facilité incroyable. D'ailleurs, dans les années soixante-dix, l'argent récolté dans les salles de cinéma arrivait à rentabiliser la production et à financer même de nouveaux films. C'est dire l'importance de l'ouverture des salles de cinéma fermées dans les années quatre-vingt-dix, et pourquoi pas de nouvelles salles susceptibles de donner un coup de pouce à la création de cette industrie tant attendue. Et c'est ce qui encouragera les jeunes cinéastes à produire des œuvres de qualité, y compris les longs métrages. Puisqu'ils restent cantonnés aujourd'hui dans les courts métrages qui ne nécessitent pas de gros investissements, eux qui sont contraints de faire des choix scénaristiques, selon les moyens financiers disponibles. Il faut dire que sur ce plan, certains jeunes cinéastes préfèrent galérer pour produire leurs films que de dépendre d'aides «synonymes de limitation dans les choix des thèmes et l'écriture des scénarii». «Je passe des jours et des nuits à parler avec mes personnages. Il faut un temps fou pour féconder un scénario, et c'est terrible de devoir apporter des changements parce qu'un bailleur de fond me le demande», nous dira notre jeune cinéaste, estimant qu'il ne faut pas dépendre d'une seule source de financement si l'on veut faire des films de qualité. Il y a en outre ce second paramètre qui manque à l'avènement d'une industrie cinématographique. En plus des salles de cinéma, l'Algérie a perdu son public cinéphile depuis justement la fermeture des salles de cinéma durant la décennie de violence et de crise économique. Le privé ne peut investir dans le financement d'un film ou même dans la réalisation de salles de cinéma si le public continue à bouder. L'Algérien a besoin de réapprendre à aller voir des films dans les salles sombres, maintenant que la sécurité est rétablie. La réouverture des salles de cinéma et la démocratisation de leur gestion finiront par attirer ce public, même si cela se fera de façon graduelle. Pour cela, il faudra produire des œuvres de qualité faites avec un esprit de la génération montante, d'où l'importance de faire émerger les jeunes cinéastes et leur assurer des formations susceptibles de perfectionner leur talent. Les jeunes ont en effet besoin d'apprendre tous les volets de la production cinématographique, entre autres l'écriture de scénario, les techniques de réalisation… et aujourd'hui, dans l'état actuel des choses, l'Etat est le mieux placé pour faire les choses dans ce sens. Azeddine Mihoubi, le ministre de la Culture, est bien placé pour prendre des mesures en faveur de la formation des jeunes cinéastes qui ont montré un certain talent dans la réalisation de leurs œuvres, surtout qu'il s'est prononcé pour un désengagement graduel de l'Etat de l'activité culturelle. Il doit être conscient que la formation est l'âme de la nouvelle philosophie qu'il veut inculquer à son secteur. M. B.