Dans cet ouvrage, Bourges, celui que l'extrémiste de droite Le Pen baptisa «Mohamed Bourges» consacre quatre passages à quatre hommes politiques algériens. Dans l'ordre alphabétique, il évoque les trois qu'il a connus lorsqu'ils étaient en prison en France, Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella et Mohamed Boudiaf, puis celui dont il fut conseiller, le président Abdelaziz Bouteflika Ce n'est ni un roman ni un essai ni des mémoires. Pour son quatorzième livre (le premier, L'Algérie à l'épreuve du pouvoir, en 1967), Hervé Bourges a choisi la forme de l'abécédaire intime pour évoquer dans l'ordre alphabétique ses rencontres au cours de sa longue et riche vie, livrer son regard personnel et ses réflexions sur plus de quatre-vingt personnes rencontrées, fréquentées dans la presse, la politique, l'information, la communication, etc. Dans J'ai trop peu de temps à vivre pour perdre ce peu (édition Le Passeur) qui vient juste d'être mis en vente, Bourges, qui approche allégrement ses 83 ans, a toujours une Mémoire d'Eléphant (titre de ses mémoires algériennes publiées en 2000) pour faire le tour de sa carrière de «A à Z». Et inévitablement, l'Algérie est présente, pour ne pas dire omniprésente, dans les 266 pages de l'abécédaire intime. Il y a les souvenirs du soldat dans la région de Sétif (58/59), du conseiller (60-62) du ministre français de la Justice chargé de superviser les conditions de détentions des Cinq du FLN arrêtés en 1956, lors du premier détournement d'avion de l'histoire, Boudiaf, Aït-Ahmed, Ben Bella, Khider et Lacheraf, puis, après l'indépendance (62-66), du conseiller du président Ben Bella, du ministre de la Jeunesse et des sports, Abdelaziz Bouteflika, enfin du ministre de l'Information, Bachir Boumaza. La suite de la vie professionnelle de Bourges fut internationale, porte-parole du directeur général de l'Unesco, ambassadeur au sein de cette institution, mais surtout française avec notamment trois présidences. Celle de TF1, de France Télévision, et du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Dans cet ouvrage, Bourges, celui que l'extrémiste de droite Le Pen baptisa «Mohamed Bourges» consacre quatre passages à quatre hommes politiques algériens. Dans l'ordre alphabétique, il évoque les trois qu'il a connus lorsqu'ils étaient en prison en France, Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella et Mohamed Boudiaf, puis celui dont il fut conseiller, le président Abdelaziz Bouteflika. Sur Aït Ahmed, Bourges délivre une surprenante révélation. Celui qui a pris le maquis en Kabylie en septembre 1963 demanda, pour ne pas être considéré comme traitre au moment où le Maroc attaquait l'Algérie, à prendre contact avec Ben Bella alors chef de l'Etat. L'auteur raconte : «C'est à moi qu'il envoie un émissaire secret, son avocat Mourad Oussedik (1), que je connais bien, pour présenter à Ben Bella ses conditions en vue d'une réconciliation. Ben Bella, qui veut utiliser toutes ses cartes pour ramener la Kabylie à la raison, me mandate pour rencontrer secrètement Aït Ahmed là où il se trouve, mais à mes risques et périls : au cas où je serais intercepté par les forces de sécurité, il ne pourrait en aucun cas couvrir cette initiative. Courageux ou plutôt téméraire, voire inconscient, je décide de poursuivre cette mission de conciliation…» Aït Ahmed posa ses conditions, «peu réalistes», qui ne connîtront pas de suite car les soldats de Kabylie, sous la direction du colonel Mohand Ou el Hadj, avaient déjà rejoint le front algéro-marocain. Après quelques pages, à lire, consacrées à Ben Bella, Boudiaf et Bouteflika, Bourges revient dans un long paragraphe sur ses années algériennes en concluant de façon prémonitoire sur une actualité vivace ces jours-ci : pourquoi l'Algérie suscite l'intérêt des médias audiovisuels français que par les problèmes qu'elle rencontre ? (lire l'encadré). M. M. (1) Mourad Oussedik (1926-2005), avocat, a créé en 1955 et dirigé, à la demande du FLN, le Collectif des avocats du FLN. Ce collectif a compté jusqu'à cent avocats dont la mission était de défendre les militants du FLN face à la justice coloniale française. «Dans nos médias, l'Algérie souffre toujours d'une image dégradée…» «Cette Algérie insaisissable, parce que multiple, changeante, secrète, j'ai eu le bonheur de la parcourir, de prendre le temps d'y vivre mais aussi de la rencontrer. Elle est une perpétuelle invitation au voyage. Et l'on découvre, chemin faisant, une Algérie à la fois ouverte et farouche, âpre au combat pour conquérir sa souveraineté, et cherchant sa voie entre l'ouverture au monde et le repli sur soi, entre le dialogue et l'intolérance, la gaîté naturelle de son peuple et la cruauté de ses excès identitaires. De tant de caractères, la synthèse est difficile. Est-ce l'explication à cette absence quasi générale de l'Algérie des grands médias audiovisuels français ? Il est frappant de constater à quel point elle ne suscite leur intérêt que par les problèmes qu'elle rencontre, les crises qu'elle traverse, le drame sanglant qu'elle a, seule, surmonté, alors que c'est aujourd'hui, avec le Maroc, le pays le plus stable du Maghreb, même si cette stabilité est fragile, qui combat aux côtés de la France le terrorisme islamique dans la région sahélienne «Or, dans nos médias, l'Algérie souffre toujours d'une image dégradée, comme si, inconsciemment, nous continuions de lui faire payer sa guerre d'indépendance. Le résultat est que nos compatriotes ne connaissent pas l'Algérie et ses beautés incomparables si bien mises en valeur par le film de Yann Arthus-Bertrand. Certes, le risque terroriste entrave malheureusement le tourisme dans le sud et l'est du pays, mais selon le ministère des Affaires étrangères français lui-même, si prudent, à juste titre, dans les appréciations sécuritaires les déplacements touristiques dans les villes d'Alger, d'Oran, de Tipasa, de Tlemcen ne sont pas déconseillés. Ce pays de près de quarante millions d'habitants est un maillon essentiel des rapports entre l'Europe et l'Afrique et il mérite, chez nous, un meilleur sort». Hervé Bourges dans J'ai trop peu de temps à vivre pour perdre ce peu (pages 197/198) Edition Le Passeur, Paris