Keiko Fujimori, la fille de l'ancien président Alberto Fujimori, doit atteindre 50% des voix, au risque de se heurter au second tour à un front commun de ses opposants Porteuse d'un nom qui suscite autant la haine que l'admiration dans son pays, Keiko Fujimori semble assurée d'arriver nettement en tête du premier tour de l'élection présidentielle de dimanche au Pérou. Créditée d'environ 40% des intentions de vote, la fille de l'ancien président Alberto Fujimori, emprisonné pour violation des droits de l'homme et corruption, capitalise notamment sur les retombées des investissements publics de son père dans les campagnes et de sa lutte contre la guérilla maoïste du Sentier lumineux dans les années 1990. Mais si elle n'atteint pas 50% des voix dimanche, comme le prédisent les sondages, l'ancienne députée de centre-droit, âgée de 40 ans, risque de se heurter au second tour à un front commun de ses opposants. Parmi les neuf autres candidats encore en lice pour succéder à Ollanta Humala, qui ne pouvait pas se représenter après avoir effectué le seul mandat de cinq ans permis par la Constitution, deux d'entre eux, aux idées politiques diamétralement opposées, sont au coude-au-coude. La candidate de gauche Veronika Mendoza, 35 ans, qui promet une «rupture radicale» avec le modèle économique libéral adopté par le Pérou depuis un quart de siècle, et le septuagénaire Pedro Pablo Kuczynski, ancien économiste de la Banque mondiale favorable à la poursuite du développement du secteur minier, sont tous deux crédités d'environ 20% des voix. L'enjeu pour chacun d'eux est de convaincre les millions d'électeurs indécis pour accéder au second tour et tenter d'y constituer un front «anti-Fujimori». «Je change d'avis toutes les demi-heures», confesse Felix Castillo, un agent de sécurité de 39 ans, qui fait partie des 40% d'indécis, selon un sondage Ipsos publié dimanche. Mardi, date anniversaire de la suspension du Parlement par l'armée à la demande d'Alberto Fujimori, en 1992, des dizaines de milliers de Péruviens ont manifesté dans les rues de Lima pour dénoncer la candidature de sa fille. La capitale n'avait pas connu pareille mobilisation depuis les manifestations contre l'ancien homme fort du pays dans les années 1990, signe que le nom Fujimori est toujours aussi clivant, malgré les promesses de Keiko de ne pas glisser sur la même pente autoritaire que son père. Selon un sondage Ipsos réalisé au lendemain de la manifestation, Fujimori serait battue de sept points par Pedro Pablo Kuczynski, le favori des milieux d'affaires, si elle devait l'affronter au second tour, et ne devancerait que d'un point Veronika Mendoza dans la même hypothèse. Dans la même enquête, 51% des Péruviens disent «exclure totalement» de voter pour Fujimori. «Tout ce que je sais, c'est que je voterai contre Keiko au second tour», résume Diego Cano, un ingénieur de 23 ans. Jugée biaisée par les détracteurs de Fujimori, la campagne électorale a été entachée de décisions controversées, comme la disqualification sans précédent de deux candidats, dont le centriste Julio Guzman, qui était deuxième dans les sondages, pour une infraction mineure de la procédure électorale. Au point où le Chilien Luis Almagro, secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), qui regroupe tous les pays du continent, a estimé il y a une semaine que l'élection au Pérou ne serait que «semi-démocratique». Trois personnes, dont deux militaires, ont été tuées samedi matin au Pérou dans une attaque attribuée par les autorités aux rebelles maoïstes du Sentier lumineux, à la veille de l'élection présidentielle. L'attaque a également fait six blessés. L'embuscade s'est produite dans une région productrice de coca alors que des militaires transportaient du matériel de vote, a indiqué le chef des forces armées, Jorge Moscoso, lors d'une conférence de presse. La troisième personne décédée est un chauffeur civil. Le Sentier lumineux a été quasiment démantelé dans les années 1990, au terme d'une campagne d'une dizaine d'années qui a fait 69 000 morts sous la présidence d'Alberto Fujimori, mais des centaines d'insurgés contrôlent toujours des territoires dans la zone de production de coca située dans la jungle. Alberto Fujimori purge une peine de 25 ans de prison pour voir ordonné aux escadrons de la mort de massacrer des civils dans le cadre de la lutte contre les rebelles. Reuters