Photo : Sahel Entretien réalisé par Amirouche Yazid La TRIBUNE : Le colloque international a-t-il apporté des réponses aux questions relatives à la gestion des ressources en eau ? Benhafid Mohamed Saïd : L'objectif de notre colloque est d'évaluer les risques à court ou à long terme sur la dégradation de la qualité de l'eau et de l'environnement, d'anticiper sur les prévisions liées aux conséquences pour proposer des solutions appropriées en mesure de préserver les milieux naturels des conséquences et freiner leur dégradation. Cette manifestation scientifique s'attelle à fournir les informations et les instruments nécessaires à la prise de décision par les autorités en charge de ces questions. C'est dans cet esprit que ce colloque, qui regroupe des chercheurs algériens (près de deux cents scientifiques) et étrangers (plus de quarante représentants de douze pays) en présence du président du Conseil mondial de l'eau, en la personne de M. Loïc Fauchon, organisé pour la septième fois consécutive avec des contenus complémentaires, permet l'approfondissement de deux types de savoir interdépendants, un savoir général sur les mécanismes et processus physiques et chimiques et biologiques, sur la relation entre les ressources naturelles et leurs usages et un savoir spécifique, plus en aval, producteur de solutions transférable en utilisateur pour faciliter la prise de décision. Quant aux actions immédiates ou à venir, il existe un lien évident entre ces deux types de savoirs qui doivent jeter les bases d'une gestion durable des ressources naturelles. Ce colloque vise aussi à alerter l'opinion internationale, notamment scientifique, sur le rôle néfaste de la désertification quant à la dégradation de l'environnement et, par conséquent, sa contribution au réchauffement climatique da notre planète. La désertification ne peut être donc considérée comme un phénomène isolé ne préoccupant que les pays concernés, mais plutôt comme un phénomène à dimension mondiale, nécessitant des actions et des interventions internationales. Durant les deux jours de cette manifestation scientifique, une cinquantaine de communications en relation avec la gestion intégrée des ressources en eau, la qualité des eaux et la protection de l'environnement ont été présentées et débattues. Qu'en est-il de l'impact de la gestion de l'eau sur le secteur de l'industrie ? L'Algérie s'est fortement engagée dans la voie de la gestion intégrée des ressources en eau. Les exigences d'efficacité économique ainsi que la transition vers l'économie de marché ont amené les autorités algériennes à initier de profondes réformes institutionnelles. Il s'agit de la modification de la loi portant code des eaux par l'accès aux personnes morales de droit privé à la gestion du service public du l'eau. Les principes sur lesquels se fonde l'utilisation. La gestion et le développement durable des ressources en eau sont, premièrement, le droit d'accès à l'eau et à l'assainissement pour satisfaire les besoins fondamentaux de la population dans le respect de l'équité et des règles fixées par la présente loi, en matière de service public de l'eau et de l'assainissement. En deuxième lieu, il y a la planification des aménagements hydrauliques, la mobilisation et la répartition des ressources en eau dans le cadre de bassins hydrographiques. Et en troisième et dernier lieu, la prise en compte des coûts réels des services d'approvisionnement en eau à usage domestique, industriel et agricole et des services de collecte et d'épuration des eaux usées, à travers des systèmes de redevance, d'économie d'eau et de protection de sa qualité. Certains industriels se plaignent cependant de la facturation de l'eau. Qu'avez-vous à dire à ce sujet ? C'est légitime qu'ils se plaignent. Ce sont des commerçants. Il faudrait néanmoins payer le frais pour préserver cette ressource. C'est pour cette raison que nous avons jugé nécessaire d'évoquer dans les recommandations de l'instauration du triptyque «utilisateurs-pollueurs-payeurs», de façon à ce que «l'eau paie l'eau». C'est ainsi que nous parviendrons à payer l'eau que nous consommons. Ce serait éventuellement un mécanisme pour préserver cette source. Mais il y a, a priori, un grand travail de sensibilisation à accomplir afin que tout le monde soit conscient de l'importance de l'exploitation de l'eau. J'estime qu'aujourd'hui, au-delà du fait que l'eau vient à manquer à certaines périodes, l'Algérie est en voie de maîtriser la gestion de l'eau, aussi bien dans ce qui est lié à l'exploitation de l'eau potable que dans l'utilisation de cette eau dans le secteur de l'industrie. Ces dernières années, nous avons avancé en matière de dessalement de l'eau de mer. Ce qui a atténué sensiblement la tension. L'Algérie a réalisé à ce niveau beaucoup de progrès. Il faut donner à l'eau sa vraie valeur économique. Il convient de souligner à ce niveau que les composantes réelles du prix des services de l'eau ne sont pas si connues. C'est une conséquence des études rares effectuées en Algérie sur le coût des services. Le mode actuel de tarification ne recouvre pas le coût total de l'eau, ce qui engendre une gestion non durable et déséquilibrée. Mais pour atteindre à une exploitation rationnelle de l'eau, le prix de l'eau ne doit pas être ni trop bas - pour éviter le gaspillage et la limitation de l'investissement -, ni trop élevé au point de générer des profits injustifiés. Il doit être juste. J'ai évoqué auparavant le système de «l'eau paie l'eau» car le service de ce produit ne peut être durable, notamment économiquement, que s'il dispose de revenus pour la reconstitution du patrimoine. Les gouvernements et la communauté scientifique ont ainsi le devoir de garantir cette ressource aux générations futures.