«Il y a quelque chose de pourri dans l'Etat de Danemark.» La fameuse phrase de William Shakespeare dans Hamlet (Something is rotten in the state of Denmark) épouse comme un gant la situation en Algérie. On assiste à un grand déballage et un lavage de linge sale qui, même s'il aiguise la curiosité générale, n'en est pas moins circonscrit à quelques protagonistes. C'est leur linge sale et leurs affaires scabreuses. Des Unes, des ouvertures de JT, des meetings politiques et des débats à n'en plus finir monopolisent l'espace médiatique avec pour seul sujet le rachat du Groupe El Khabar par Rebrab. Deux camps sont montés au créneau et se tirent dessus à boulets rouges. C'est à qui révélera les secrets les plus scandaleux sur l'autre. El Khabar est devenu le casus-belli, l'occasion de régler des comptes et de solder des passifs. Des journaux, des télés et des leaders politiques ont tourné casaque. Ils brûlent ceux qu'hier encore ils élevaient au pinacle, et à qui, pour certains, ils doivent même leur situation florissante et/ou leur position. Mais dans cette foire d'empoignes, on oublie l'essentiel : l'enjeu, qui est le pouvoir, uniquement. Ce n'est nullement la liberté d'expression qui est menacée, du moins pas plus qu'avant. On n'en dirait pas autant pour le droit à l'information, qui est notre raison d'être, et l'intérêt collectif, qui doit être la priorité des politiques, de quelque bord qu'ils soient. Le citoyen veut certainement savoir de quoi il retourne dans cette affaire El Khabar, mais ce n'est tout aussi certainement pas son souci majeur ni sujet de premier intérêt. La politique, telle qu'elle est pratiquée chez nous, passe au second plan quand il est question, par exemple, d'une révolution dans l'éducation, d'une nouveauté dans la politique de subventions, de l'habitat, de l'emploi, de la santé ou du tourisme. Car, tout citoyen, quand il fini de guerroyer avec tous ses problèmes, rêve et espère pouvoir accéder à ce «droit» de se payer quelques moments de répit et d'insouciance avec sa petite famille. Et c'est ce qui devrait constituer les points d'ancrage et de réflexion d'un leader politique. Or, on n'a pas vu ces partis qui défendent le patronat, un général, un ou une ministre, le pouvoir, un journal…s'engager dans le débat autour des programmes scolaires de 2e génération, contrairement à leurs pairs islamistes qui ont vite fait de les descendre en flamme. La révolution des méthodes d'enseignement, la modernisation de l'école, le débat autour des procédés d'examen et de notes, les rythmes scolaires passent bien au-dessus de nos politiques. On a pas plus entendu ces «démocrates», «nationalistes» et «modernistes» s'exprimer sur la crise financière, à laquelle tous les Algériens s'intéressent, car conscients qu'elle aura un impact sur leur niveau de vie déjà mal en point. La politique de la santé qui a fait réagir spécialistes, médecins, vétérinaires, pharmaciens et syndicats n'a pas eu plus de grâce aux yeux de ces tribuns ni la débidonvilisation, la révision de la politique de subventions, la rationalisation des dépenses et la réduction des importations, la montée des prix la veille de Ramadhan… Ces sujets d'intérêt général et d'autres ne figurent pas dans les discours ni aux programmes d'action. Il en est de même dans les médias où notre nombrilisme nous fait souvent perdre le sens des priorités et des responsabilités, de l'essentiel et de l'accessoire, de l'important et du secondaire, de l'utile et l'inutile. H. G.