La réunion de la BCE de ce 21 juillet s'annonçait normalement comme tranquille. En plein été, Mario Draghi n'aurait normalement eu qu'à demander de la patience sur les premiers effets de ces nouvelles mesures annoncées en mars et dont certaines n'ont été lancées effectivement qu'en juin, comme le rachat de dette privée ou le nouveau système de refinancement long-terme bonifié pour les banques qui prêtent aux PME (Tltro II). On se serait donné rendez-vous à la rentrée pour un premier bilan et les questions sérieuses. Mais c'était sans compter avec le vote britannique du 23 juin et le choix du Brexit qui a provoqué une vague d'incertitudes sur les marchés et dans l'économie et qui a rapidement rouvert le dossier délicat de la santé du secteur bancaire italien. La réunion de la BCE de ce 21 juillet s'annonçait normalement comme tranquille. En plein été, Mario Draghi n'aurait normalement eu qu'à demander de la patience sur les premiers effets de ces nouvelles mesures annoncées en mars et dont certaines n'ont été lancées effectivement qu'en juin, comme le rachat de dette privée ou le nouveau système de refinancement long-terme bonifié pour les banques qui prêtent aux PME (Tltro II). On se serait donné rendez-vous à la rentrée pour un premier bilan et les questions sérieuses. Mais c'était sans compter avec le vote britannique du 23 juin et le choix du Brexit qui a provoqué une vague d'incertitudes sur les marchés et dans l'économie et qui a rapidement rouvert le dossier délicat de la santé du secteur bancaire italien. Attente après le Brexit La réunion de jeudi sera donc assez suivie et l'on observera avec intérêt la réponse que Mario Draghi entend donner au Brexit, alors que la Banque d'Angleterre, le 14 juillet, a décidé de ne pas modifier sa politique monétaire et de laisser son taux principal de refinancement à 0,5%. Pas davantage que son homologue londonien Mark Carey, Mario Draghi ne devrait modifier effectivement la politique de la BCE : les taux ne devraient pas bouger et les mesures de politique non-conventionnelle devraient demeurer en place. C'est bien plutôt l'analyse de la situation et les signaux envoyés vers l'avenir qui seront scrutés à la loupe. La BCE, rappelons-le, est beaucoup plus avancée dans sa politique monétaire accommodante que la Banque d'Angleterre, alors même que la zone euro est moins exposée aux conséquences du Brexit que le Royaume-Uni dans un premier temps. Le dispositif peut donc être jugé, pour l'instant, suffisant : un taux de refinancement à 0%, un taux de dépôt à -0,4%, des rachats de titres sur les marchés pour 80 milliards d'euros mensuels et les Tltro II représentent un arsenal déjà très fourni. Comme la Banque d'Angleterre, la BCE a donc toutes les raisons d'attendre de pouvoir juger de l'effet du Brexit sur la croissance de la zone euro. Mais cette attente pourrait bien cacher surtout de l'impuissance. Absence de dynamique des prix Car en réalité, pour la BCE, le Brexit n'est qu'une donnée d'un problème qui, depuis deux ans, est toujours le même : l'incapacité, malgré les centaines de milliards d'euros injectés sur les marchés à dynamiser la croissance. Certes, la BCE peut se réjouir de voir passer en juin le taux d'inflation annuel de la zone euro en territoire positif avec une hausse de 0,1% suivant deux mois de baisse (-0,2% en avril et -0,1 en mai), mais il y a là en réalité, peu de raison de se réjouir. Le ralentissement de la baisse annuelle des prix de l'énergie imprime un effet mécanique de remontée du taux d'inflation, tandis que l'inflation sous-jacente, hors énergie, alimentation et tabac remonte de 0,1 point et reste à 0,9%, assez faible. Du reste, sur un mois, les prix sous-jacents sont demeurés stables. Même si la remontée à 1,1% sur un an (contre 1% en mai) du prix des services est encourageant, la dynamique inflationniste demeure très faible en zone euro. Et c'est un problème pour la BCE. Sans cette dynamique de prix, l'économie est condamnée à une croissance médiocre. D'autant qu'un des moteurs de la croissance passée est désormais en danger : la consommation des ménages, alimentée par la baisse des prix de l'énergie va bientôt perdre cet appui (les prix énergétiques ont remonté de 1,7% sur un mois en juin). Les gains de pouvoir d'achat vont se réduire et la consommation des ménages va naturellement s'en ressentir dans la mesure où l'on ne voit guère - sauf en Allemagne - les salaires nominaux prendre le relais. Privés des gains directs de cette manne du prix de l'essence en baisse, les ménages vont être tentés de reporter ou comprimer leurs achats, faisant pression à la baisse sur les autres prix. Croissance faible On sait, par ailleurs, que l'inflation faible pénalise l'investissement - à quoi bon investir dans un futur où les marges resteront limitées par des prix faibles et où la concurrence par les prix dominera ? - mais aussi rend le poids de la dette nominale plus élevé pour les agents endettés. Au final, le problème inflationniste demeure entier pour la BCE. Pour preuve, la croissance semble manquer d'entrain depuis le très bon premier trimestre de 2016 où le PIB avait bondi de 0,6%. L'indice PMI Markit composite des directeurs d'achat a stagné en juin, suggérant que la zone euro aurait «connu la plus faible croissance depuis la fin 2014». Pour preuve, la production industrielle a reculé dans la zone euro de 1,2% sur un mois en mai, avec notamment un recul de 2% des biens d'investissement. Bref, il y a fort à parier que la croissance de la zone euro au deuxième trimestre soit si faible qu'elle efface en partie le brillant début de l'année. Tout ne tient plus qu'à la bonne volonté des ménages, dont on a vu la fragilité, tandis que le moteur externe demeure extrêmement faible, le commerce mondial demeurant stagnant. Le Brexit tombe donc mal. La zone euro n'avait guère besoin d'un élément d'affaiblissement supplémentaire, même si la BCE n'a estimé qu'à 0,5 point de PIB sur trois ans l'effet négatif de cet événement sur la croissance. Le problème est bien celui de la confiance, celle-là même qui manque aux banques italiennes. Les doutes sur la troisième économique de la zone euro sont devenus, après le 23 juin, un enjeu majeur. Pour l'Italie, d'abord, car la politique de la BCE est inutile si le secteur bancaire ne peut transmettre sa politique. Pour le reste de la zone euro ensuite, car tant que ce problème demeurera, tant que Matteo Renzi sera fragilisé politiquement, c'est bien sur tout l'édifice de la zone euro que demeurera un doute. Une BCE démunie ou presque L'ennui, c'est que la BCE est désormais assez démunie. Certes, elle dispose encore d'outils et Mario Draghi pourra peut-être jeudi en évoquer quelques-uns pour une éventuelle utilisation à la rentrée : allongement à septembre 2017 du programme de rachat de titres dont la fin est programmé à mars 2017 aujourd'hui ; nouvelle baisse du taux de dépôt ; nouvel élargissement des titres à racheter... Le problème, c'est qu'il est désormais clair qu'aucun des outils de politique monétaire à disposition ne semble capable de réellement de résoudre l'équation de l'économie de la zone euro. Ces moyens sont des bonnes lignes de défense, mais elles ne créent pas des besoins qui n'existent pas, ni de l'activité. Aussi aller plus loin pourrait être inutile et, in fine, nocif en créant des bulles financières et en pesant sur la rentabilité de certaines banques. Remise en cause urgente de la doctrine de la BCE Il semble donc urgent de s'interroger sur la pertinence de la logique qui préside à la logique de la BCE : la baisse des taux ne provoque pas l'acte d'investissement, sauf peut-être dans des cas de renouvellement impérieux ou de maintenance de l'outil industriel. C'est bien la perspective de croissance et de nouvelles demandes qui déterminent la décision de l'investissement. Or, la BCE ne peut pas, par les moyens actuels, fournir ces perspectives, même si elle tente avec le Tltro II ou les rachats de dettes privées, ce n'est que de façon imparfaite et indirecte. Mario Draghi semble conscient de ces limites. Selon Reuters, il devrait jeudi demander aux gouvernements «d'agir davantage» pour soutenir l'économie de la zone euro. La politique à contre-courant de la zone euro Mais Mario Draghi a peu de chance d'être entendu, encore une fois. En zone euro, l'Allemagne refuse toute relance, même indirecte via la Banque européenne d'investissement. Elle reste attachée à l'idée que seule les «réformes structurelles», souvent déflationnistes, permettront de relancer la croissance. Une croyance mise en échec depuis six longues années, mais qui reste la doctrine officielle de la zone euro. La décision de la Commission européenne de lancer une procédure de sanctions contre le Portugal et l'Espagne sous la pression allemande ainsi que l'oubli de l'abandon de la politique d'ajustement unilatéral un temps évoqué après le 23 juin prouvent assez que la zone euro refuse toute action sur la demande par les pouvoirs publics. Peu importe que l'Ocde demande aussi plus de dépenses, peu importe qu'au Japon, en Chine, au Royaume-Uni, ce soutien public à la demande soit en place ou au cœur des réflexions, la zone euro reste attachée à sa doctrine ricardienne : réduire les déficits permet d'assurer la confiance des agents économiques. Pourtant, les déficits ont été réduits fortement en zone euro depuis 2010 et la confiance dans l'avenir demeure faible. Impuissance Le pragmatisme de Mario Draghi semble de plus en plus inopérant face à la doctrine du «respect de la règle avant tout» défendue par le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble. En Italie ou au Portugal, ces règles bancaires ou budgétaires, sapent les efforts de la BCE et rendent sa politique vaine. Partout, les politiques mènent ou des politiques neutres ou des politiques franchement déflationnistes et l'on tape sur les doigts de ceux qui ne s'y plient pas. In fine, Mario Draghi, seul, semble réduit à tourner en rond en assurant tout le monde de l'efficacité d'une politique qui prouve chaque jour un peu plus ses limites. Seul rempart contre la croissance et l'inflation faibles, il est de plus en plus impuissant. R. G. In latribune.fr