L'UMA ou la désunion du Maghreb arabe. Vingt ans après sa création, l'Union pour le Maghreb arabe est bien loin de l'idéal chanté par ses fondateurs. Elle apparaît aujourd'hui telle qu'elle est : un rêve sur papier glacé. Une coquille désespérément vide. L'UMA, c'est le grand «walou», la preuve par l'absence et le vide. Les faits, dans leur implacable nudité, sont les cruels témoins de sa vacuité et de son évanescence. Ses institutions, précisément les conseils des chefs d'Etat et des ministres des Affaires étrangères, le comité de suivi, la cour de justice, la chambre consultative et les quatre commissions ministérielles spécialisées sont des structures virtuelles. L'intégration économique est aussi une vue de l'esprit. Le niveau du commerce intermaghrébin ne dépasse guère 5 à 6% du volume total des échanges extérieurs des cinq pays membres. Le bilan des transactions entre l'Algérie et le Maroc, les deux piliers de l'UMA, ne dépasse pas les 2% du volume global du commerce extérieur des deux pays. Mais, peut-être, en 2009, une exception à la règle, sous forme de lancement de la BMICE, la Banque maghrébine d'investissement et de commerce extérieur. Et encore, la création de cette banque, décidée en 1991, est sans cesse repoussée aux calendes grecques. C'est dire l'incapacité des dirigeants maghrébins à faire bourse, commerce et cause communs. A être au rendez-vous des peuples, de l'histoire, de la géographie et de la culture. Pourtant, au commencement, le rêve maghrébin avait la couleur azur de la Méditerranée, un jour de printemps à Tanger. Trente après, à Zeralda comme à Marrakech, les pères fondateurs rivalisaient de romantisme révolutionnaire. Tous parlaient d'unir à terme les pays du Maghreb. De favoriser la libre circulation des personnes et des biens. Ils s'étaient aussi engagés pour le respect de l'intégrité territoriale des Etats membres. Ils ont juré également, main sur le cœur, qu'ils ne s'ingéreraient pas dans les affaires intérieures des uns et des autres. Vingt ans après ses belles professions de foi, le Maghreb enregistre le dernier cas de décolonisation connu à ce jour. Le Sahara occidental, annexé par le Maroc, qui a pris le relais de l'Espagne, l'ancienne puissance coloniale, est un frein puissant à l'édification maghrébine. A ses flancs sud, le Maghreb connaît aussi un particularisme touareg que la Libye, partisane d'une mythique République arabe du Sahara, encourage en sous-main. Dur, dur, de faire le Maghreb quand la volonté politique fait défaut. Plus difficile encore de le construire lorsque querelles de leadership, mauvaise foi et arrière-pensées sont érigés en principes diplomatiques. Comment alors donner vie à l'UMA en l'absence d'un axe fort constitué par l'Algérie et le Maroc ? Ces frères ennemis sont à l'édification maghrébine ce que l'Allemagne et la France sont à la construction européenne. Ne jamais l'oublier, l'Europe n'est devenue une réalité économique et politique que lorsque les deux ennemis implacables ont soldé comptes et mécomptes historiques. Il en sera de même pour la construction maghrébine. Sans le couple algéro-marocain, point de salut maghrébin. Mais, il y a loin de la coupe aux lèvres... maghrébines. Entre les deux pays, il y a la pomme de discorde sahraouie et des frontières fermées depuis 1994. Dans les deux cas, les positions sont inconciliables. L'Algérie défend une question de décolonisation au Sahara occidental et refuse de faire de l'ouverture de ses frontières terrestres avec le Maroc un préalable à l'amélioration de ses rapports avec son voisin. Le Maroc, au nom d'un insoutenable droit de préemption territorial et d'une improbable doctrine irrédentiste, veut disjoindre la question de décolonisation du Sahara de la construction maghrébine. A contrario, l'Algérie, à bon droit international, en fait un préliminaire. Et, à bonne raison, refuse d'ouvrir ses frontières avec un voisin impulsif qui a d'abord imposé le visa aux ressortissants algériens, en 1994. Et qui, surtout, n'a jamais ratifié le Traité d'Ifrane sur les frontières, à ce jour jamais bornées. Alors, un Maghreb décolonisé, sans frontières, marché commun, ensemble politique régional ? Un jour peut-être. N. K.