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L'Arabie saoudite revoit sa stratégie de dumping pour écarter le pétrole de schiste américain Le pays est confronté à une situation de déficit budgétaire
Les économies saoudienne et iranienne reposent fortement sur le pétrole mais l'Iran souffre moins de la chute de moitié des cours depuis mi-2014 du fait de la levée des sanctions à son encontre et le pays pourrait afficher une croissance économique de près de 4% cette année, selon le Fonds monétaire international (FMI). L'Arabie saoudite est en revanche confrontée à une situation de déficit budgétaire, lequel a atteint l'année dernière le niveau record de 98 milliards de dollars, liée à la stagnation de son économie. Elle a été contrainte de réduire les salaires des fonctionnaires Au terme d'une réunion de près de six heures et de plusieurs semaines de tractations, les 14 pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), qui produisent plus de 40% du brut mondial, sont parvenus, le 29 septembre dernier à Alger, à un accord «historique» pour réduire leur production d'or noir, à un niveau de 32,5 à 33 millions de barils /jour contre 33,47 mbj en août. Il s'agit de la plus grosse réduction de production depuis celle décidée après la chute des cours, durant la crise économique de 2008, de 147 dollars au cours de l'été à moins de 35 dollars six mois plus tard. Les pays de l'Opep ont ainsi réussi à trouver un terrain d'entente, alors que les marchés s'attendaient à un échec des négociations. C'est grâce à un travail de longue haleine et en profondeur, mené par la diplomatie algérienne, sous l'impulsion, faut-il le préciser du président de la République Abdelaziz Bouteflika, que la réunion informelle de l'Opep qui s'est transformée en une réunion officielle a abouti à un accord devant permettre de redresser les cours autour de 60 dollars. Rappelons que dès la veille de la réunion, l'Arabie saoudite et l'Iran, grands rivaux au Moyen-Orient, avaient dit douter de la possibilité de trouver un terrain d'entente. Mais le jour de la réunion, ces deux puissances régionales ont remodelé leurs déclarations et ont affirmé leur volonté à parvenir à un consensus qui devrait être élargi et finalisé durant la réunion ordinaire du cartel à Vienne (Autriche), le 30 novembre prochain. Après plusieurs heures de dialogue, l'Arabie saoudite a ainsi accepté de réduire sa production et surtout d'exempté, à la surprise de tous, son rival iranien de cet accord ainsi que le Nigéria et la Libye, en raison de leur conjoncture économique jugée critique. L'accord d'Alger constitue ainsi un net progrès par rapport à l'échec du sommet de Doha (Qatar), le 15 avril, où les Saoudiens et les Iraniens n'étaient pas parvenus à s'entendre. A Alger, c'est bien le rapprochement des points de vue entre l'Arabie saoudite et l'Iran, qui a permis de dégager ce consensus. Pourquoi ce rapprochement ? Il faut noter que les économies saoudienne et iranienne reposent fortement sur le pétrole mais l'Iran souffre moins de la chute de moitié des cours depuis mi-2014 du fait de la levée des sanctions à son encontre et le pays pourrait afficher une croissance économique de près de 4% cette année, selon le Fonds monétaire international (FMI). L'Arabie saoudite est en revanche confrontée à une situation de déficit budgétaire, lequel a atteint l'année dernière le niveau record de 98 milliards de dollars, liée à la stagnation de son économie. Elle a été contrainte de réduire les salaires des fonctionnaires. De loin, le premier producteur de l'Opep, l'Arabie saoudite extrait plus de 10,7 millions de barils par jour, un niveau similaire à ce que produisent la Russie et les Etats-Unis. Ensemble, ces trois pays représentent un tiers de la production mondiale. Dans un premier temps, l'Arabie saoudite conditionnait toute réduction de sa production à une mesure similaire de ses pairs notamment l'Iran. Ce dernier qui a signé, en janvier 2016, son retour après plusieurs années de sanctions internationales, est aujourd'hui bien décidé à récupérer ses parts de marché. Le pays se fixe l'objectif de revenir à son niveau de production de pétrole d'avant les sanctions, c'est-à-dire à 4 millions de barils par jour (bpj) d'ici la fin 2016. La décision prise à Alger le 28 septembre dernier devrait permettre à Téhéran de réaliser cet objectif (conserver son niveau de production d'avant les sanctions). Il y a quelques mois, un tel scénario semblait pourtant peu probable. Selon des analystes, Ryad a ainsi perdu son match face à Téhéran (1-0). L'Opep retrouve son rôle de monitoring Le rapprochement de l'Arabie saoudite et de l'Iran a permis à l'Opep de retrouver son rôle de régulateur du marché. Face au boom des hydrocarbures de schiste américains, l'organisation avait abandonné ce rôle pour adopter une stratégie de défense des parts de marché, en ouvrant à fond ses vannes. L'objectif était de faire barrage à la compétitivité des pétroles de schistes dont les Etats-Unis étaient devenus le premier producteur mondial devançant ainsi l'Arabie saoudite. En 2014, la production américaine s'élevait à 11,644 millions de barils par jour, contre 11,5050 millions pour l'Arabie saoudite et 10,838 millions pour la Russie, classée 3e pays producteur de pétrole au monde. Comment les Etats-Unis sont-ils devenus 1er producteur de pétrole ? A l'origine de cette importante hausse de la production de pétrole est bien évidemment l'exploitation des hydrocarbures de schiste. De remarquables progrès techniques ont été faits par les Américains depuis les années 2000, notamment le forage horizontal, qui accroît la rentabilité des puits de façon impressionnante. La volonté politique des Etats-Unis joue également un rôle important dans la hausse de production du pétrole. Le pays souhaite en effet réduire sa dépendance vis-à-vis du Moyen-Orient. Le «pacte du Quincy», une vielle alliance entre l'Arabie saoudite et les Etats-Unis Pour donner une perspective historique aux relations entre les Etats-Unis et l'Arabie saoudite notamment dans le domaine énergétique, il est impossible de ne pas citer le pacte du Quincy, du nom du navire de guerre américain où le président Franklin Delano Roosevelt – de retour de la conférence de Yalta – et le roi Ibn Seoud se sont rencontrés le 14 février 1945. Roosevelt propose, lors de cette rencontre, au régime saoudien le soutien américain et la garantie de la sécurité de son territoire contre l'exploitation de ses richesses pétrolières. Le roi accepte d'attribuer des concessions pétrolières à la société Aramco (Arabian American Oil Company), contrôlée principalement par des compagnies américaines, sur 1 500 000 km² pour une période de soixante ans. L'accord entre les deux chefs d'Etats prévoit qu'entre 18 à 21 cents par baril exporté de cette zone doivent être reversés au royaume. Le soutien américain permet alors au roi Abd Al Aziz d'asseoir confortablement son pouvoir sur l'ensemble du territoire et de s'assurer un revenu nécessaire à la modernisation du pays. Les Etats-Unis peuvent, quant à eux, contrôler les ressources saoudiennes et s'appuyer sur un allié de poids dans la région. En effet, le pétrole prend une importance considérable pour la croissance économique américaine et le Moyen-Orient devient progressivement le centre de l'industrie pétrolière. Les intérêts entre les deux pays convergent donc dans les années 1940. Le rapprochement entre les deux pays se renforce tout au long de la Guerre Froide, période durant laquelle l'Arabie saoudite devient un allié important contre la propagation du communisme dans la région. En 1947, l'Aramco ouvre son capital à d'autres compagnies américaines concurrentes : la Standard Oil of New-Jersey (futur Exxon) et à la Socony Vaccum (futur Mobil) confirmant ainsi l'importance des compagnies américaines en Arabie saoudite. Le gouvernement saoudien, conscient que l'or noir constitue un atout essentiel pour l'avenir de son pays qui détient 42% des réserves mondiales, cherche alors à augmenter son contrôle sur l'Aramco. Le 30 décembre 1950, le système dit de fifty-fifty est mis en place : la société doit dorénavant payer 50% des bénéfices nets au gouvernement saoudien. Les revenus du pétrole permettent de moderniser le pays et de mettre en place une révolution sociale. A partir de 1972, le gouvernement étend son emprise sur l'Aramco en s'appropriant 25% de son capital avec la création de la société saoudienne Petromin. La compagnie est finalement entièrement nationalisée en 1980 et prend le nom de Saudi Aramco. Le pays prend alors en charge l'ensemble de l'exploitation du pétrole, de la prospection à son acheminement, et assure à l'Occident un approvisionnement en pétrole à bas prix. Il est le seul pays producteur à pouvoir influer directement sur le cours du pétrole : en effet, grâce à ses réserves pétrolières, il peut augmenter très rapidement sa production et avoir un impact sur les prix du pétrole. L'Arabie saoudite peut ainsi équilibrer les cours du baril en cas de besoin. Elle joue donc un rôle majeur dans le cadre de l'Opep, créée en 1960 et dont elle est membre fondateur. B. A.