Longtemps dédaignée par la tutelle, la culture folklorique reprend progressivement ses espaces d'expression, sous l'impulsion des associations, des passionnés du patrimoine et des nostalgiques de la vie d'autrefois. Il est aussi vrai que l'action culturelle publique focalise, depuis toujours, sur les grandes villes. Diverses raisons justifient ce choix, notamment les considérations matérielles et commerciales (centralisation des infrastructures, concentration du public et disponibilité des médias et des moyens de promotion). Les petites agglomérations du pays profond n'en profitent pas du tout et survivent dans une espèce de désert culturel. Cette monotonie pousse, partout, les populations à s'organiser pour redonner du sens aux activités traditionnelles. Les savoirs séculaires, les fêtes coutumières, les cérémonials champêtres et les rituels religieux sont convoqués pour combler ce vide. Un palliatif qui permet de dépoussiérer et de remettre au goût du jour des pratiques ancestrales presque oubliées. Beaucoup de citoyens ignoraient, complètement ou en partie, ce volumineux héritage qui constitue le substrat de la mémoire collective. La Kabylie vibre ces jours-ci aux rythmes de «louziâa», les fameuses réjouissances populaires qui précèdent l'entame de la cueillette des olives. A chaque village sa grandiose fête. On immole des veaux et des moutons pour l'occasion. Bien entendu, l'essentiel des fonds est collecté auprès de simples villageois et les riches concèdent aussi des dons conséquents. Tout le monde, femmes et hommes, ainsi que les visiteurs et les personnes de passage, se ressemblent autour d'un grand couscous, préparé sur place avec beaucoup de soin. Des troupes folkloriques s'y produisent pour agrémenter ce moment particulier. On chante, on danse et on fait des vœux de prospérité, en priant le Tout-Puissant. Les vieilles personnes et les doyens, réunis en cercle au beau milieu de la cérémonie, implore également Dieu et accordent généreusement leur bénédiction à tous les présents, en recueillant des offrandes et des dons qui iront renflouer la caisse commune de Tajmâat, l'ancestral comité du village. Ce forum des sages est aussi sollicité pour arranger des conflits familiaux, sceller des conciliations et des alliances ou établir un calendrier des travaux d'intérêt général et de volontariat. La manifestation est aussi marquée par l'exposition de divers produits du terroir et de l'artisanat local. A la fin de la cérémonie, tous les participants repartent chez-eux avec un lot de viande et de vivres qui serviront à la préparation du dîner. Dans la joie et la bonne humeur, la foule se fend, comme allégée et prête pour la traditionnelle campagne oléicole. Dans les petites agglomérations de l'arrière-pays, à l'est comme à l'ouest, on assiste ces dernières années à une nette résurgence de ce type d'événements. Longtemps dédaignée par la tutelle, la culture folklorique reprend progressivement ses espaces d'expression, sous l'impulsion des associations, des passionnés du patrimoine et des nostalgiques de la vie d'autrefois. Il est aussi vrai que l'action culturelle publique focalise, depuis toujours, sur les grandes villes. Diverses raisons justifient ce choix, notamment les considérations matérielles et commerciales (centralisation des infrastructures, concentration du public et disponibilité des médias et des moyens de promotion). Les petites agglomérations du pays profond n'en profitent pas du tout et survivent dans une espèce de désert culturel. Cette monotonie pousse, partout, les populations à s'organiser pour redonner du sens aux activités traditionnelles. Les savoirs séculaires, les fêtes coutumières, les cérémonials champêtres et les rituels religieux sont convoqués pour combler ce vide. Un palliatif qui permet de dépoussiérer et de remettre au goût du jour des pratiques ancestrales presque oubliées. Beaucoup de citoyens ignoraient, complètement ou en partie, ce volumineux héritage qui constitue le substrat de la mémoire collective. Ce constat se vérifie dans les 48 wilayas. Les festivités rituelles des sociétés berbères comme Timechret, Dhiafa, Anzar, Amenzou n'yennayer, Ass n'temghart, Aderyis ou Amezouar n'tefsut font partie de ce patrimoine immatériel qu'on redécouvre aujourd'hui avec beaucoup de plaisir. Autant de solennités populaires étroitement liées au calendrier agraire, qui est commun à tout le bassin méditerranéen. A chaque rendez-vous, les comités de villages s'organisent et mobilisent les populations pour se rappeler le souvenir de ces fêtes bucoliques qui accueillent les quatre saisons ou marquent le début et la fin de divers travaux agricoles. Toute la communauté villageoise assiste aux festivités et des visiteurs viennent des autres contrées pour changer d'air et rencontrer du monde. On y organise des expositions. On y propose des objets artisanaux et des produits du terroir à la vente. Sur des airs de musique folklorique, des plats traditionnels sont gracieusement offerts aux participants. Dans d'autres villages, on organise des festivals axés sur les activités artisanales. On citera à ce propos les fêtes du tapis, de la poterie, du bijou. Des tables rondes, des concours et des concerts jalonnent la manif. Ce retour aux sources inspire, désormais, les acteurs culturels dans le milieu citadin. Des initiatives commencent à germer dans plusieurs grandes villes (Oran, Sidi Bel-Abbès, Tiaret, Constantine, Béjaïa, Tizi Ouzou, Jijel…) où de grande manifestations sont consacrées à la poésie populaire (ec-chi'ir el malhoun), à la fantasia, aux fables et aux contes ancestraux, aux danses traditionnelles, à l'art culinaire et à l'artisanat. La miraculeuse réapparition des cultures populaires, riche palette de l'identité algérienne, est vécue avec une espèce de fierté nostalgique. Cet élan renouvelé, en quête d'appui et d'encadrement institutionnels, mérite l'attention et les encouragements de l'administration et des responsables du secteur de la culture. C'est le substrat de la culture authentiquement algérienne. K. A.