Rendez-vous le 8 décembre. Voilà en substance le message délivré par la Banque centrale européenne (BCE) jeudi 20 octobre, à l'issue de la réunion de son conseil des gouverneurs. Sans surprise, l'institut monétaire a laissé son taux directeur inchangé, à 0 %, et son taux de dépôt à - 0,4 %. «Nous confirmons que nos achats de 80 milliards d'euros mensuels de dettes dureront jusqu'en mars 2017, et au-delà si nécessaire», a détaillé Mario Draghi, son président. «Nous en saurons plus sur la stratégie à venir de la BCE lors de sa prochaine réunion, où elle présentera ses prévisions de croissance et d'inflation jusqu'en 2019», résume Valentin Bissat, économiste chez Mirabaud AM. «Il y avait tellement peu à dire que la traditionnelle conférence de presse a duré un quart d'heure de moins que d'habitude», note avec humour Jean-Louis Mourier, chez Aurel BGC. Rendez-vous le 8 décembre. Voilà en substance le message délivré par la Banque centrale européenne (BCE) jeudi 20 octobre, à l'issue de la réunion de son conseil des gouverneurs. Sans surprise, l'institut monétaire a laissé son taux directeur inchangé, à 0 %, et son taux de dépôt à - 0,4 %. «Nous confirmons que nos achats de 80 milliards d'euros mensuels de dettes dureront jusqu'en mars 2017, et au-delà si nécessaire», a détaillé Mario Draghi, son président. «Nous en saurons plus sur la stratégie à venir de la BCE lors de sa prochaine réunion, où elle présentera ses prévisions de croissance et d'inflation jusqu'en 2019», résume Valentin Bissat, économiste chez Mirabaud AM. «Il y avait tellement peu à dire que la traditionnelle conférence de presse a duré un quart d'heure de moins que d'habitude», note avec humour Jean-Louis Mourier, chez Aurel BGC. Accros aux petits mots et annonces chocs de M. Draghi, les «ECB Watchers», comme sont surnommés les experts scrutant les faits et gestes de l'institution, sont déçus lorsqu'ils n'ont pas grand-chose à se mettre sous la dent. L'Italien a pourtant délivré une information clé, en mettant un terme à la rumeur qui agitait les marchés depuis début octobre. «Reprise des salaires» Citant des sources proches de l'institut monétaire, l'agence Bloomberg avait en effet indiqué que ses membres réfléchissaient déjà au tapering. Ce terme de jargon monétaire, difficile à traduire en français, désigne la réduction progressive des achats de dettes publiques et privées, cette politique d'assouplissement monétaire (le QE en anglais) visant à maintenir des taux très bas afin de relancer le crédit et soutenir l'économie européenne. En théorie, le tapering est donc le prélude à une future et progressive remontée des taux. En 2013, il avait suffi que la Réserve fédérale américaine évoque à demi-mot cette possibilité pour soulever un vent de panique financière, tant les marchés sont devenus accros aux taux bas… «Nous n'avons pas discuté de tapering», a tranché M. Draghi, qualifiant ces rumeurs de «déclarations arbitraires de quelqu'un qui n'a aucune idée sur le sujet». «De fait, la BCE ne réduira pas la voilure du QE tant que l'inflation ne sera pas rapprochée de sa cible de 2%», explique Mabrouk Chetouane, responsable de la recherche chez BFT IM. Or, l'inflation de la zone euro est ressortie à 0,4% seulement en septembre, symptôme de l'anémie de la croissance européenne. Certes, les prix devraient se ressaisir un peu début 2017, prévoient les économistes. Mais ce, uniquement à cause de la remontée des cours du pétrole. «L'inflation dite “sous-jacente”, alimentée par la hausse des salaires, devrait en revanche rester faible, pronostique M. Chetouane. Or, c'est celle-ci qui intéresse vraiment la BCE, car la reprise des salaires signifie que l'économie va vraiment mieux.» Voilà qui fait dire à nombre d'économistes que l'institution devrait poursuivre ses rachats de dettes bien au-delà de mars 2017. «Au moins jusqu'en septembre 2017», estime Frederik Ducrozet, économiste chez Pictet, dans une note sur le sujet. Mais la BCE pourrait alors se heurter à un problème concret : «Elle risque ne pas trouver suffisamment de dettes à acheter !», explique M. Bissat. Cette éventuelle pénurie de titres préoccupe les marchés depuis des mois. Car au rythme de 80 milliards d'euros par mois, la BCE siphonne déjà une grande partie de la nouvelle dette régulièrement émise par les Etats. Le risque de pénurie est d'autant plus grand que d'autres investisseurs, comme les assureurs, achètent aussi beaucoup de titres souverains, en partie car les régulations financières les y contraignent. Et si, un jour, il n'y en avait plus assez pour tout le monde ? «Ce n'est pas un problème à l'heure actuelle», a balayé M. Draghi. Pour le vérifier, les «ECB Watchers» ont sorti leurs calculettes. Selon eux, rien n'empêche l'institution de modifier un peu les modalités techniques de son QE pour éviter la pénurie. Par exemple, en augmentant de 33% à 50% la part de titres d'une même souche qu'elle s'autorise à acheter. Au reste, a rappelé l'Italien, une telle politique de relance monétaire n'est pas censée durer éternellement. Dit autrement : fin 2017, ou courant 2018, quand l'économie européenne sera enfin sur pied et l'inflation à 2%, la BCE réduira peu à peu son QE. «Plus facile à dire qu'à faire», prévient Patrick Artus, chez Natixis, redoutant que les mesures expansionnistes de l'institut de Francfort ne deviennent… irréversibles. Réformes structurelles En achetant leurs obligations, la BCE a en effet spectaculairement fait baisser les taux auxquels les Etats s'endettent. Le retrait de la béquille monétaire fera donc mécaniquement remonter leurs coûts d'emprunt. Au risque de mettre en difficulté les pays les plus fragiles. A l'exemple du Portugal, dont la dette publique, frôlant les 130% du produit intérieur brut (PIB), est à peine soutenable. Conscient de ce risque, M. Draghi a d'ailleurs une fois de plus appelé les gouvernements à mettre en œuvre des réformes structurelles afin de renforcer leur croissance et solidifier leurs économies. Un message que les dirigeants européens peinent à entendre… En outre, les taux d'intérêts ont été si bas pendant si longtemps que de nombreux portefeuilles obligataires, notamment ceux des assureurs, contiennent aujourd'hui beaucoup de dettes souveraines émises à taux bas. Une hausse du loyer de l'argent pourrait donc engendrer des pertes pour ces établissements, puisque la valeur des obligations évolue de façon inverse à leur taux. Autant dire que les mois et années à venir seront délicats pour l'institut de Francfort. Il devra trouver comment habituer le malade européen à se passer de son remède, mais pas trop vite, afin de ne pas le précipiter vers la rechute… M. C. In lemonde.fr