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A quand des lendemains qui chantent ?
Marché des instruments de musique
Publié dans La Tribune le 19 - 02 - 2009

De notre correspondant à Oran
Samir Ould Al
Les instruments de musique valent cher, très cher, à Oran comme ailleurs dans les grandes villes du pays. A telle enseigne que beaucoup de jeunes artistes en devenir ont dû abandonner leur passion ou, à tout le moins, revoir leurs ambitions à la baisse. «La majorité des instruments, plus ou moins abordables, sont d'origine chinoise et, par conséquent, de très mauvaise qualité, dont on ne peut espérer un rendu correct. Et comme il n'est pas évident de s'offrir des guitares ou des saxophones à 80 000 DA, de nombreux artistes préfèrent laisser tomber», explique Rafik, jeune guitariste de 19 ans. Lui-même n'a eu la joie de s'offrir une guitare manouche (en référence au jazz révélé notamment par Django Reinhardt dans les années 30) qu'à l'occasion d'un voyage en France, il y a trois semaines. «Et encore, j'ai eu la chance de l'acquérir au tiers de son prix réel», ajoute-t-il en expliquant l'avoir payé 190 euros (près de
20 000 DA) alors qu'elle vaut presque 500 euros. «Une chance inouïe !» reconnaît-il, lui, qui sait qu'au regard de la qualité offerte, les prix affichés dans les vitrines flirtent avec l'inconcevable.
En effet, les prix pratiqués défient l'entendement : à commencer par les guitares puisque ce sont les instruments les plus demandés. Acoustiques, électriques ou électro-acoustiques, leurs prix varient, selon la qualité, de 5 000 DA (une Santos et Mayor, par exemple) à 80 000 DA. Et même à 80 000 DA, on ne peut prétendre qu'à une mexicaine, c'est-à-dire une imitation, la véritable Fender, l'américaine, pouvant aller jusqu'à 5 669 euros, en France. Une Ibanez ou une Gibson, autres merveilles de la musique, qu'on ne peut trouver sur le marché national, atteignent facilement 5 000 ou 6 000 euros à l'étranger. Quant aux précieuses cordes, des Galli Strings, elles valent 500 DA chez l'un des trois commerçants oranais et trois fois plus chez un autre. Simplement parce que celui-ci a pignon sur rue…
Inutile de rappeler -et cela participe de la notoriété de ces instruments- que ces noms prestigieux sont généralement associés à des artistes non moins prestigieux : Jimmy Hendrix, Jimmy Paige et Eric Clapton ou Al di Meola, Paco De Lucia et Joe Satriani qui ont également contribué, et contribuent toujours, à entretenir la légende de ces guitares. Si les autres instruments sont moins demandés que les guitares, ils n'en demeurent pas moins qu'ils valent aussi leur pesant de billets de banque : une basse électrique de bonne qualité vaut entre 20 000 et 80 000 DA alors qu'une fausse Jackson coûte seulement 5 000 DA. Le saxophone, lui, est proposé à 80 000 DA, la batterie à 40 000, la derbouka va de 3 000 à 30 000 DA alors que le prix des synthétiseurs varie et 4 000 et 8 000 DA et celui du violon entre 6 000 et 40 000 DA. Mais, à ces prix-là, il ne faut évidemment pas compter sur la qualité qui demeure inaccessible. Sauf énorme chance : «Il se trouve, raconte encore Rafik, qu'un ami a eu une veine incroyable. Au hasard de ses pérégrinations dans le marché de M'dina J'dida, il est tombé sur une authentique Ibanez custom [modifiée selon les vœux de son propriétaire, ndlr] de 2 000 euros, qu'il a pu acheter à… 500 DA.» Plus que la mauvaise qualité des instruments proposés à la vente, c'est la froide indifférence des pouvoirs publics à la chose musicale qui révulse les jeunes amateurs de musique. «Aucune aide n'est proposée aux dizaines de groupes qui existent sur la place d'Oran, ajoute encore Rafik, lui-même membre d'un groupe. Nous sommes toujours obligés de nous démener pour organiser un concert ou n'importe quelle manifestation artistique.» Et même ainsi, ils ne sont pas à l'abri de mauvaises surprises. «Nous devions organiser un festival de cinq jours à Timimoun. Comme nous avions besoin d'une sono, nous sommes allés trouver l'une des rares personnes qui les louent. Figurez-vous que, pour les cinq jours et le transport du matériel dans la wilaya du Sud, le concerné nous a demandé 6 millions de dinars ! Hallucinant.»
Pris entre des dirigeants imperméables à la musique et un marché impitoyable, certains ont, depuis quelques temps, recours à Internet pour trouver l'objet de leur désir à des prix abordables. Des centaines d'instruments, photographies à l'appui, y sont déjà répertoriés à des prix, disent les annonceurs, défiant toute concurrence. «Les prix sont, en effet, intéressants, estiment certains.
Mais faut-il encore en vérifier la véracité.» Comme quoi, il y a encore un long chemin à parcourir avant de trouver la Fender
de ses rêves…


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