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Et si Patrick Drahi revendait un jour SFR ?
Certains concurrents ne l'excluent pas à terme
Publié dans La Tribune le 23 - 11 - 2016

Officiellement, depuis le rachat raté de Bouygues Telecom par Orange au printemps dernier, les discussions concernant une consolidation du marché français des télécoms sont au point mort. Ce qui n'empêche pas pour autant certains, en coulisses, d'évoquer une hypothèse : et si un jour, Patrick Drahi revendait SFR ? Chez Altice, on balaye très sèchement l'éventualité. Mais chez les concurrents, l'hypothèse est jugée plausible, à terme.
Officiellement, depuis le rachat raté de Bouygues Telecom par Orange au printemps dernier, les discussions concernant une consolidation du marché français des télécoms sont au point mort. Ce qui n'empêche pas pour autant certains, en coulisses, d'évoquer une hypothèse : et si un jour, Patrick Drahi revendait SFR ? Chez Altice, on balaye très sèchement l'éventualité. Mais chez les concurrents, l'hypothèse est jugée plausible, à terme.
Une source proche de l'état-major d'Orange explique à La Tribune que si personne, chez l'opérateur historique, ne voit Patrick Drahi vendre SFR «par opportunisme» au motif qu'«il n'a jamais rien vendu de sa vie et a une volonté patrimoniale de créer une entreprise», il serait, néanmoins, peut-être obligé d'envisager des cessions s'il devait rencontrer des difficultés liées à «des circonstances exceptionnelles», notamment concernant sa dette «si les taux d'intérêt remontaient en flèche». Auquel cas, continue la même source, «il privilégierait probablement les Etats-Unis plutôt que la France».
Chez Iliad (Free), une possible vente de SFR n'est pas non plus jugée invraisemblable à cause de ses difficultés en France. Selon une source interne, cette vente lui permettrait de faire des acquisitions aux Etats-Unis où le potentiel de création de valeur serait plus rapide. Toujours d'après cette source, Bouygues Télécom aurait le meilleur profil pour racheter SFR. Cela lui permettrait de rattraper son retard dans la fibre optique, considéré aux yeux de nombreux analystes et observateurs comme son grand point faible pour assurer son avenir sur le marché français.
Altice fustige «des informations malveillantes»
Un scénario sur lequel Bouygues se refuse à tout commentaire, tout en rappelant qu'il n'est engagé dans aucune discussion concernant le moindre rachat ou fusion en France. Ceci étant dit, Martin Bouygues n'a jamais caché qu'il estimait être «l'acheteur naturel de SFR», comme il l'a souligné au Figaro l'an dernier, après avoir refusé un chèque de 10 milliards d'euros de Patrick Drahi pour sa filiale télécoms. Cette affirmation n'a jamais été remise en cause depuis.
Chez Altice, on rejette fermement l'idée d'une revente de SFR. Interrogé par La Tribune, le groupe y voit même «des informations malveillantes visant à manipuler le marché, lesquelles ont commencé dès le lendemain de l'acquisition de SFR par Numericable» en 2014. Enfonçant le clou, le groupe de Patrick Drahi affirme que ce sont là «des informations qui ne méritent aucun commentaire tellement elles sont ridicules». De fait, dans le grand monopoly des télécoms françaises, l'hypothèse d'une volonté de «manipuler le marché» est crédible, dans un paysage ultra-concurrentiel où tous les coups semblent parfois permis pour affaiblir un rival.
Pour y voir plus clair, essayons donc de décortiquer, point par point, les arguments qui pourraient pousser Patrick Drahi à vendre SFR selon ses concurrents.
SFR lâché par de nombreux clients
En premier lieu, dans l'Hexagone, il est vrai que Patrick Drahi essuie des revers commerciaux. Depuis qu'il a pris les rênes de SFR fin 2014, le milliardaire a perdu plus de deux millions d'abonnés. La faute, notamment, à un réseau dégradé. Au troisième trimestre cette année, l'hémorragie de clients s'est poursuivie, avec des pertes de 100 000 abonnés dans le mobile, et de 75 000 fidèles dans l'Internet fixe à haut débit. Résultat : le chiffre d'affaires de SFR a reculé de 2,4% à 2,8 milliards d'euros. De quoi conforter son étiquette de «donneur universel» de clients à la concurrence, comme se moquent ses rivaux. SFR n'a, au passage, pas dévoilé son résultat net pour cette période. Pour rappel, l'opérateur était passé dans le rouge au premier et au deuxième trimestre, avec des pertes de respectivement 41 et 43 millions d'euros.
Malgré cela, la direction de SFR est persuadée de pouvoir remonter la pente. D'abord en réinvestissant dans les réseaux. «C'est la clé de voûte de notre stratégie», confiait à La Tribune Michel Combes, DG d'Altice et PDG de SFR, le mois dernier. «S'agissant des réseaux très haut débit, nous portons notre effort d'investissement à 2,2-2,3 milliards d'euros par an, contre une fourchette de 1,6 à 1,8 milliard auparavant», insistait-il, y voyant un impératif pour améliorer les infrastructures et reconquérir des clients. En parallèle, SFR mise sur la convergence entre les télécoms, les médias et la publicité pour se différencier. Pour renforcer cette stratégie, l'opérateur vient d'ailleurs de débaucher Bertrand Méheut, l'ex-patron emblématique de Canal+, son rival dans les contenus. A ce propos, Altice souligne que SFR est un actif primordial et un modèle pour le groupe. Car il est celui où sa sacro-sainte «convergence» est la plus avancée.
D'importantes restructurations
L'autre dossier brûlant, chez SFR, porte sur son vaste plan de restructuration. Concrètement, l'opérateur veut se séparer de 5 000 collaborateurs, soit un tiers de ses effectifs. Cela doit lui permettre d'économiser plusieurs centaines de millions d'euros par an. Mais cette purge pèse sur le climat social. A La Tribune, un ancien cadre de l'opérateur expliquait récemment que beaucoup de collaborateurs étaient «vraiment en souffrance», «pressurisés à l'extrême» tant par la direction que par les clients mécontents. Bon nombre de salariés et d'analystes redoutent que les restructurations n'en viennent à briser l'outil industriel.
Quoi qu'il en soit, la direction de SFR estime que la perspective d'une casse industrielle n'est pas justifiée. Pour Michel Combes, les restructurations en cours relèvent d'un impératif de «transformation». Ce qui permettra notamment au groupe «d'améliorer l'expérience client», dit-il, et de lui offrir «la capacité de se développer dans un monde tout numérique».
Le poids de la dette
Parmi les autres déclencheurs d'une possible mise en vente de SFR, on retrouve les craintes liées à la colossale dette d'Altice, qui flirte désormais avec les 50 milliards d'euros. Là encore, le groupe de Patrick Drahi se montre confiant. D'une part, Altice assure mener un travail continu pour rééchelonner sa dette et repousser ses échéances de remboursement. D'autre part, la dette du groupe «est en grande partie à taux fixe», affirme Michel Combes. Ce qui, d'après lui, constitue un bouclier si les taux remontent fortement.
Enfin, il y a la volonté d'Altice de jouer sa carte dans la consolidation du marché du câble aux Etats-Unis. Après avoir racheté Cablevision et Suddenlink au pays de l'Oncle Sam, le groupe de Patrick Drahi n'a jamais caché qu'il resterait à l'affût des opportunités. Ce mois-ci, lors de la présentation de ses résultats au troisième trimestre, Dexter Goei, président d'Altice et PDG d'Altice USA, a déclaré que si le mariage entre le géant du mobile AT&T et le mastodonte des médias Time Warner était approuvé, «cela pourrait déclencher davantage de consolidation au cours des prochaines années car les gens voudront prendre position dans la convergence». Reste que pour le moment, Altice a décidé de faire «une pause» dans ses acquisitions. Sous ce prisme, on peut se demander si une vente de SFR ne pourrait pas lui permettre d'assainir ses comptes. Et ainsi de repartir vite à l'assaut du marché américain où le groupe dégage de bons résultats.
La consolidation ? Un sacré bol d'air
Qu'elle relève - ou pas - d'une volonté de nuire à Altice ou de manipuler le marché, l'hypothèse récurrente d'une revente de SFR par Patrick Drahi montre que la consolidation des télécoms françaises, mainte fois avortée, demeure la grande préoccupation du secteur. Elle est pour le moment politiquement gelée par la proximité des élections présidentielle et législative. Mais après ? Le marché français, très mature, demeure difficile. Personne ne s'y fait de cadeau. La volonté d'Orange, de Free et de Bouygues Telecom d'attaquer SFR en justice après sa récente condamnation par l'Autorité de la concurrence, l'illustre. Un retour à trois opérateurs offrirait aux acteurs restants un sacré bol d'air. «Il n'y a pas beaucoup de marchés où l'on peut se dire que si l'un accepte de sortir, d'un seul coup, les valeurs prennent 30% ou 40%», résume le dirigeant d'un opérateur français...
P. M.
In latribune.fr


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