Le bal des prétendants (de la droite et du centre) va bientôt trouver son aboutissement : dimanche prochain, les Français connaitront le nom de l'heureux élu du concours des réactionnaires. Le bal des prétendants (de la droite et du centre) va bientôt trouver son aboutissement : dimanche prochain, les Français connaitront le nom de l'heureux élu du concours des réactionnaires. Ce sera celui qui aura donné les meilleurs gages qu'il est plus à droite que les autres. Juppé, attaqué pour avoir soutenu la construction d'une mosquée à Bordeaux, s'en est défendu bec et ongles. Cela n'a pas empêché la prolifération de caricatures représentant «Ali» Juppé dans différents accoutrements renvoyant au djihadisme. Par les temps qui courent, le voisinage, réel ou supposé, avec l'Islam est une promesse de dégringolade dans les sondages et il n'est pas interdit de penser que cette campagne est pour quelque chose dans le mauvais score du candidat Juppé et sa probable élimination dimanche 27 novembre. Une curiosité dans cette primaire : l'obligation pour les votants de signer une déclaration de partage des «valeurs» de la droite et du centre. De quelles valeurs s'agit-il ? L'électeur doit-il faire sienne l'inoubliable aphorisme Sarkozyste servi à propos de l'Algérie, qui dispose que «la repentance, ça commence à bien faire» ? A moins qu'il préfère, dans le sillage de Fillon, se rappeler que le but du colonialisme était de partager la culture française avec des populations qui, ô misère, en manquaient cruellement ? Electeur, mon semblable, mon frère, t'engageras-tu à suivre, ta vie durant, le cours du pain au chocolat ? Garantiras-tu pour toujours une double ration de frites aux enfants privés du goût ineffable de la couenne de porc ? Mais, dis-moi, hypocrite électeur, mon semblable, mon frère, es-tu seulement raciste, pas sur le modèle Le Pen, mais sur celui, raisonnable, de la droite et du centre ? Es-tu seulement islamophobe, mais en toute sérénité, sans te priver du traditionnel couscous royal chez Bébert, dûment savouré avec la Cuvée du Président, pour autant ? Sache que nos valeurs n'excluent pas les religions. Fillon a déclaré que «le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme ne menacent pas la république». Il manque quelque chose ? Non, il ne manque rien ! Va voter ailleurs, espèce d'islamophile primaire ! Ah, rien ne vaut les valeurs de gauche, la solidarité internationale ! Quittons le marais nauséabond de la droite et du centre. Mettons le cap sur le socialisme. Ecoutons son dernier avatar, le Macron. Ce n'est pas lui qui chanterait les vertus du colonialisme. Jugez-en plutôt ! Oui, nous dit-il sans qu'il soit nécessaire de lui faire subir la torture, celle-ci a existé en Algérie. Pouvait-il en rester là et passer à autre chose ? Non, puisqu'il est candidat lui aussi à la présidence de la république (les minuscules sont bien de moi !). Or, les candidats à la présidence doivent faire des discours, aligner des mots, et pas n'importe lesquels. Il faut choisir ceux qui distillent une douce musique aux oreilles de l'électeur. Alors, il ajoute que la colonisation, à part la torture, a permis de «faire émerger un Etat, des richesses, des classes moyennes», bref que «la réalité de la colonisation est constituée d'éléments de barbarie et de civilisation». Un beau documentaire, dû à Nazim Souissi et Zineb Merzouk, porte le titre : «Merci pour la civilisation». Il semble bien donner raison à Macron ! Il se trouve que les auteurs figurent sans doute parmi les millions d'Algériens qui n'ont rien retenu des bienfaits dont la France se déclarait si prodigue et qu'ils pointent leurs caméras sur des lieux de misère, des scènes de massacres. S'ils n'ont pas trouvé trace d'éléments de la civilisation en question, hormis des camps de concentration et des salles de torture, c'est qu'ils auront sans doute mal cherché ! Ou alors, question terrible, Macron serait-il de droite ? Dans ce cas, il nous reste Hollande et Valls, des vrais de vrai, pour sûr. Ce n'est pas eux qui inventeraient la déchéance de nationalité. Bien au contraire ! Ils seraient plus volontiers sur le registre «Quand on s'attaque aux musulmans, c'est la république qui est attaquée». Ah, me susurre-t-on, la citation n'est pas tout à fait exacte ; le mot «musulman ne figure pas dans la version originale… Encore les mauvaises langues ! Rassurons-nous, les familles politiques françaises traditionnelles vont bientôt se réconcilier, grâce à nous, objet de détestation commune, commode, de la part de la droite et de la gauche. Elles pourraient nous dire : «Merci pour la réconciliation.» B. S. *Ecrivain, maître de conférences et militant algérien. Professeur de sciences physiques à l'Université de Cergy-Pontoise en France.