Les Républicains jouent à la roulette russe «Je confirme une bonne fois pour toutes que je ne serai pas candidat à la présidence de la République», a dit Alain Juppé, sans pour autant expliciter les raisons de cette décision, sinon pour constater qu'il ne peut incarner le «renouvellement». L'ancien Premier ministre Alain Juppé a annoncé, hier matin, dans une conférence de presse convoquée la veille, qu'il ne peut assurer l'alternative à la candidature de François Fillon pour la présidentielle, alors que le vainqueur de la primaire a réaffirmé au cours du meeting du Trocadéro, devant quelque 45.000 supporters enflammés, qu'il ne «renoncera pas, ne cédera pas et ira jusqu'au bout».«Je confirme une bonne fois pour toutes que je ne serai pas candidat à la présidence de la République», a dit Alain Juppé aux journalistes, sans pour autant expliciter les raisons de cette décision, sinon pour constater qu'il ne peut incarner le «renouvellement». Inquiet de la chute libre dans les sondages de leur candidat triomphalement élu au second tour de la primaire, les dirigeants du parti Les Républicains ont multiplié depuis plusieurs jours les suppliques pour convaincre François Fillon de céder la place et les invites à l'adresse de Juppé pour qu'il daigne assumer le défi. Peine perdue. Et le constat du maire de Bordeaux le souligne bien: «Jamais sous la cinquième République, une élection présidentielle ne s'était présentée de façon aussi confuse», avec une gauche aussi «déboussolée» et «une extrême-droite qui en rajoute dans le fanatisme anti-européen». Face à tout cela, il y a cette équation surprenante de la popularité grandissante du centriste Emmanuel Macron, paradoxalement conforté par son «immaturité politique», la «faiblesse» de son projet et le côté nébuleux de son mouvement En marche. «Quel gâchis. François Fillon avait un boulevard devant lui», s'est lâché Alain Juppé en observant que «le déclenchement des investigations de la justice à son encontre et son système de défense fondé sur la dénonciation d'un prétendu complot et d'une volonté d'assassinat politique l'ont conduit dans une impasse». L'impasse est non seulement judiciaire, mais également politique car Fillon a choisi désormais d'opposer la «majorité d'électeurs de la droite et du centre qui le soutiennent», arguant de la démonstration du Trocadéro, aux 260 élus et autres ténors du parti qui le pressent de renoncer. Et son entêtement va, selon la mise en garde de Dominique de Villepin, conduire sa famille politique tout droit «dans l'abîme» «Personne ne peut aujourd'hui m'empêcher d'être candidat (...). Le projet qui est le mien est le seul qui puisse permettre le redressement national», a-t-il asséné pour être bien entendu des membres du comité politique du parti, convoqué en conclave extraordinaire hier soir. Certes, le candidat controversé admet que sa mise en examen pour des emplois fictifs présumés le 15 mars prochain sera lourdement handicapante, mais il se défend en expliquant qu'il n'est «pas autiste» et qu'il mesure clairement les difficultés auxquelles il va être confronté. Des difficultés qui vont aller crescendo car la descente aux enfers est loin d'être terminée. Dans les coulisses, l'ancien président Nicolas Sarkozy fait et défait les projets, utilisant divers prétendants pour garder la mainmise sur l'échiquier des Républicains visiblement pris en otage par l'aile radicale. Les sondages sont sans équivoque. Le 23 avril, au soir du premier tour, Marine Le Pen et Emmanuel Macron seront loin devant le candidat des Républicains quel qu'il soit. Juppé aurait sans doute atténué l'écart, mais la frange radicale du parti aurait basculé au profit du Front national, entraînant du même coup la défaite de celui-ci. Impossible, dans ce cas de figure, de restaurer l'unité de la droite et du centre sans laquelle il ne peut y avoir de succès. Les appels à la raison et les tentatives de dénouer cette crise qui mine, depuis plusieurs semaines maintenant, la campagne électorale ont beau être pathétiques, la déconfiture est bel et bien programmée. Sauf miracle de dernier ressort. Dans une campagne où les programmes des différents candidats sont totalement inaudibles, court-circuités par les emplois fictifs, les mises en examen et la déliquescence de l'oligarchie politique, et tandis que les électeurs ont le sentiment de suivre, non sans une certaine délectation, un feuilleton dramatique à souhait, plein de rebondissements et de coups de théâtre, la meilleure série télévisée française de l'année affirment même certains détracteurs, la seule question qui mérite d'être aujourd'hui posée est la suivante: mais où court ainsi François Fillon?