Les sondages donnent toujours les candidats au coude-à-coude. Mais il y a eu le Brexit sur lequel l'extrême-droite a voulu surfer en proposant un référendum similaire, avant de se rétracter car les Autrichiens sont majoritairement europhiles. Par contre, la victoire de Trump a donné des ailes à ces partis et aux mouvements populistes européens C'est l'épilogue d'un feuilleton électoral interminable en Autriche où se déroule aujourd'hui le second tour d'une élection présidentielle très attendue. Les Autrichiens sont appelés à choisir entre Norbert Hofer, le candidat du Parti de la liberté (FPÖ), situé à l'extrême-droite, et Alexander Van der Bellen, écologiste libéral qui se présente en indépendant. L'élection présidentielle autrichienne a eu son lot de rebondissements. Pour la première fois, les candidats des deux grands partis, social-démocrate (SPÖ) et conservateur (ÖVP), qui gouvernent l'Autriche depuis 1945, ont été éliminés au premier tour le 24 avril 2016. Au second tour, Norbert Hofer est finalement battu sur le fil, après le dépouillement du vote par correspondance. L'investiture de l'ancien patron des Verts est donc fixée en juillet mais un nouveau coup de théâtre l'en empêche. Après une contestation du FPÖ, la Cour constitutionnelle décide d'invalider l'élection. S'il n'y a pas eu de fraude, plusieurs dizaines de milliers de bulletins du vote par correspondance ont été dépouillés soit en dehors des heures légales, soit sans la supervision requise. Le nouveau second est fixé au 2 octobre 2016. Les deux candidats remontent en selle et la campagne repart. Mais à deux semaines du scrutin, l'élection est reportée à cause d'un problème de colle défectueuse sur les enveloppes du vote par correspondance. Ce marathon électoral devrait enfin s'achever ce dimanche. «On ignore si ces événements auront un impact sur la participation, comme le craignent certains observateurs. Ce qui est sûr, c'est que globalement les Autrichiens en ont un peu marre», explique Sonja Puntscher-Riekmann, professeure de sciences politiques et directrice du centre d'études européennes de l'Université de Salzbourg. Les sondages donnent toujours les candidats au coude-à-coude, six mois après le premier second tour extrêmement serré. Entre-temps, les Britanniques ont voté pour la sortie de l'Union européenne (UE), le 24 juin dernier. «Le FPÖ a voulu surfer sur le sentiment eurosceptique après le Brexit, en proposant un référendum similaire, mais il s'est rétracté car les Autrichiens sont majoritairement europhiles», souligne Sonja Puntscher-Riekmann. Quant à la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine, elle a donné des ailes aux partis d'extrême-droite et aux mouvements populistes européens. «L'immigration a été l'un des enjeux clés du Brexit et de la victoire de Trump, et elle est aussi au cœur de l'élection autrichienne», estime Gilles Ivaldi, chargé de recherche en sciences politiques au CNRS et à l'université de Nice-Sophia Antipolis. Le pays est voisin de l'Allemagne, qui a opté pour une politique d'accueil, et la Hongrie, qui a choisi de fermer ses frontières. Deux autres facteurs expliquent selon les deux chercheurs que l'extrême droite se retrouve aux portes du pouvoir en Autriche : la crise économique (le taux de chômage n'a jamais été aussi élevé depuis l'après-guerre) et le rejet des partis traditionnels, dont les électeurs ont été siphonnés par le FPÖ, qui a réussi son opération de «normalisation». Un processus ancien, comme le rappelle Sonja Puntscher-Riekmann, puisque «le FPÖ a intégré une coalition gouvernementale dès les années 1980». Puis l'arrivée de Norbert Hofer a permis de «donner un visage plus jeune et plus présentable au parti, poursuit Gilles Ivaldi, à l'instar de ce qu'a fait Marine Le Pen au Front national en France». Une éventuelle victoire de Norbert Hofer pourrait être un tournant pour l'Autriche et l'UE, en dopant «le populisme, sous diverses formes, qui a le vent en poupe dans les démocraties occidentales», observe le chercheur. Toutefois, la fonction présidentielle «est par coutume plutôt honorifique» en Autriche. Le Président élu a néanmoins le pouvoir de dissoudre le Parlement. Il peut aussi peser dans les négociations à Bruxelles. «Norbert Hofer a déjà fait savoir qu'il s'opposerait à l'adhésion de la Turquie et à plus d'intégration et d'harmonisation européenne. S'il gagne, ce sera une nouvelle pierre dans le jardin de l'UE». Un fardeau dont Bruxelles se passerait bien, à quelques mois du début des négociations sur le Brexit et avant une année 2017 au calendrier électoral chargé, notamment en France, aux Pays-Bas et en Allemagne. L. C. In lemonde.fr