La véritable réforme du sport en Algérie, qui passe par une définition nette et précise des statuts du professionnel et de l'amateur, reste encore à faire. Dans le système actuel, les deux catégories se confondent dans une espèce d'amalgame où chacun agit à sa guise, en fonction de ses intérêts les plus étroits. En principe, les sociétés sportives, foncièrement commerciales, n'ouvrent pas droit aux subventions directes de l'Etat. Cette manne publique devrait être exclusivement réservée aux associations d'amateurs et au sport de masse, censés être d'intérêt général. Aujourd'hui, les fameuses SSPA raflent la part du lion des aides de la tutelle et des collectivités locales. Dans toutes les villes du pays, les clubs de football des deux ligues dites professionnelles s'octroient, à eux seuls, plus de 70% des budgets alloués au développement des activités sportives. Les associations, les milieux scolaires et universitaires ainsi que le monde du travail en sont exclus de fait. Toutes les ressources sont généreusement versées aux seuls footballeurs professionnels. Les autres disciplines survivent aussi avec les moyens du bord, en dépit de leurs performances qui, souvent, sont nettement meilleures. Cet argent de l'Etat, qui coule à flot sans contrôle ni obligation de résultats, aiguise les appétits des dirigeants de ces SSPA qui se font constamment la guerre pour se servir au passage et entretenir leurs «clientèles». C'est une malédiction qui affecte, sans distinction, les 32 sociétaires des ligues 1 et 2. Ces clubs vivent dans une instabilité permanente qui affecte sérieusement leurs prestations. Toute équipe dirigeante qui arrive aux commandes est simultanément contrée par un groupe dit «d'opposition», uniquement motivé par ces subsides de l'Etat, qui lui conteste la légitimité. Actions de protestations dans la rue, procédures judiciaires, bagarres, tous les moyens sont bons pour chasser son rival et prendre, ensuite, sa place. C'est l'anarchie totale. Dans un tel climat électrisé, le moindre faux pas de l'équipe est exploité pour relancer les hostilités, en embarquant les supporters dans le règlement de sombres contentieux. Les staffs techniques et les joueurs vivent constamment sous une pression terrible. Le moindre faux pas se solde par le limogeage immédiat de l'entraîneur. Rien que durant la phase aller de la saison en cours, les 16 clubs de la Ligue 1 ont déjà consommé une vingtaine de coachs. Un joueur, qui commet la moindre bourde sur le terrain, se retrouve harcelé dans la rue, voire menacé par des énergumènes qui se présentent comme des «fans ultras». C'est l'enfer ! Résultats des courses : l'entraîneur ne pense qu'à engranger un maximum de «blé» avant de se faire virer. L'athlète aussi s'emploie à arracher ce qu'il peut de la «bête» avant qu'il ne soit mis hors-jeu. C'est à qui se servirait copieusement avant que le vent ne tourne à sa défaveur. On en est malheureusement là et les pouvoirs publics ne semblent pas pressés de mettre un peu d'ordre dans ce capharnaüm. Le seul club, digne de ce nom, évolue en second division et sa réussite ne semble pas emballer ses pairs. Le Paradou AC (PAC) montre la voie pour ceux qui veulent réellement œuvrer à la mise en place d'un véritable système sportif. Au commencement, le petit club d'Hydra (Alger) a créé sa propre académie, dotée d'un centre de formation répondant aux normes internationales. En un temps relativement court, le PAC s'est hissé en L2, en formant des athlètes de bonne qualité qui font aujourd'hui son bonheur et celui d'autres formations qui se sont octroyé les services de ses jeunes prodiges (cession de contrat, prêts…). Cette activité de la formation couvre une bonne partie du budget du club qui tend aujourd'hui à assurer sa propre autonomie financière. Cet exemple du PAC doit se généraliser à tout le pays. Les pouvoirs publics ont la responsabilité d'amener toutes les sociétés dites professionnelles à assumer tous leurs devoirs (assurances, impôts et autres charges) en application de la loi. Toute hésitation dans ce volet ne ferait que compliquer davantage une situation déjà calamiteuse. Le gouvernement, le ministère des Sports et les instances sportives portent l'entière responsabilité de cette régression qui n'en finit pas. Il est grand temps d'arrêter cette mascarade, en prenant le taureau par les cornes pour passer aux choses sérieuses. Sinon, inutile d'en parler… K. A.