Dayron Robles, qui a battu jeudi dernier à Ostrava le record du monde du 110 m haies (12.87), est le dernier et probablement le plus beau fleuron de l'école cubaine des haies hautes, capable de produire trois champions d'envergure en quelque trente ans. Dans une spécialité très technique, l'île de Fidel Castro avait déjà à son actif un précédent détenteur de la marque planétaire, Alejandro Casanas, (13.21 en 1977), et un champion olympique, Anier Garcia, couronné à Sydney en 2000. Débarquant dans l'île au détour des années 60, les entraîneurs soviétiques et est-allemands comprirent rapidement quel parti les Caribéens pouvaient tirer d'une discipline qui exige vitesse et détente, rythme et pied. Ayant raté son départ en finale des JO 1976 à Montréal, Casanas avait échoué d'un rien face au Français Guy Drut. Il en conçut beaucoup d'amertume. Vingt-quatre ans plus tard, Anier se para de l'or olympique, signant un chrono de 13 secondes tout rond. Quand Roblès termina deuxième des Mondiaux juniors 2004 à Grosseto (Italie), à seulement 17 ans, Ricardo Santiago Nunez comprit qu'il tenait le successeur d'Anier, dont il était également l'entraîneur, et même mieux. «Ils sont assez semblables au niveau de la force, mais Dayron est plus précoce, plus rapide», soulignait le coach et mentor au début de la saison dernière. Preuve de cette précocité, l'élève avait déjà rejoint chronométriquement son idole le 9 septembre 2006 à Stuttgart (Allemagne) en égalant le record national (13''). A moins de 20 ans. Dans des conditions matérielles souvent difficiles -la piste de La Havane était en réfection ces derniers mois-, les succès de l'athlétisme cubain doivent beaucoup à l'investissement humain. Autres caractéristiques, entraîneurs, médecins, psychologues et kinésithérapeutes travaillent en équipe dans les différents centres de détection et de préparation. Et puis, il y a une formidable émulation, rappelle le Français Pierre Beaudoin, qui côtoie ce monde. «Quand les jeunes ont fini leur séance en milieu de matinée, ils restent sur le stade pour les soins et pour regarder travailler les champions. C'est une pédagogie dans le visuel», explique-t-il. Débutant l'athlétisme à 10 ans et dirigé sur les haies à 13 ans, Dayron Robles a, chaque matin, des années durant, suivi les gammes d'Anier et des plus grands. Emerveillé et attentif. Si les experts des pays frères ont permis aux Cubains d'accéder au gotha du premier sport olympique, les autochtones n'ont pas copié les plans d'entraînement. Ils les ont adaptés à leur spécificité.