Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Ce n'est que près d'une semaine après l'échec des négociations entre le syndicat et la direction du complexe sidérurgique ArcelorMittal de Annaba que l'inspection de travail d'El Hadjar a remis le mercredi dernier, aux représentants des travailleurs le PV de non-conciliation. «Nous allons tenir des réunions avec tous les travailleurs des différents ateliers pour leur expliquer la situation, déclare M. Smaïl Kouadria, secrétaire général du syndicat. C'est à eux de décider des suites à donner. Nous serons fixés au plus tard, lundi 23 du mois courant où une décision sera prise. Nous verrons si nous déposerons un préavis de grève.» Des propos fermes qui en disent long sur la situation très tendue qui caractérise les rapports entre les deux parties en conflit qui campent sur leurs positions, refusant de faire des concessions. Les 7 200 travailleurs du complexe sont dans l'expectative, attendant tout de leur syndicat avec, cependant, des appréhensions quant à un revirement de la direction qui ne fait qu'obéir aux instructions et directives du groupe. Nous avons cependant appris de la bouche du secrétaire général du syndicat que l'employeur a cédé, il y a 3 jours, sur la prime de productivité qu'il porte désormais à 15% et sera intégrée au salaire du mois de février. Cette décision, qui augure une certaine prédisposition à renégocier encore avec le partenaire social, a été jugée insuffisante par le syndicat : «Nous ne signerons pas pour cette prime, nous avons atteint les objectifs fixés. Le complexe se porte bien et les travailleurs ont fourni beaucoup d'efforts ; il n'y a pas de raison d'accorder ce taux qui est, à notre avis, insignifiant. D'ailleurs, la direction veut reporter ces négociations au 1er juillet 2009, ce qui n'est pas pour calmer les travailleurs et arriver à une trêve sociale. De toute façon, ils décideront eux-mêmes le moment venu et nous sommes là pour les soutenir et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour exiger la satisfaction totale de leurs revendications.» La plate-forme de revendications en 11 points avait été rejetée par la direction du complexe lors du premier round des négociations qui s'est tenu il y a près de 2 semaines. L'employeur avait justifié son refus par la conjoncture financière très défavorable que traverse le groupe ArcelorMittal du fait de la mévente des produits sidérurgiques suite à une baisse des commandes. Le syndicat, lui, tient un tout autre langage et soutient que la productivité au sein du complexe de Annaba a atteint un seuil jamais égalé auparavant et ce, malgré les conditions de travail parfois difficiles. Ce dernier point, qui constitue une des revendications du syndicat, est la cause principale de plusieurs accidents survenus au cours de l'année précédente et qui avaient quelque peu compromis le business plan. Nous avons appris lors de notre rencontre avec des travailleurs du complexe qu'un terrible accident a eu lieu, dimanche dernier, vers 17h 45' au niveau du laminoir à chaud (LAC), où un cylindre de travail est tombé sur le pied d'un jeune de 23 ans travaillant pour le compte d'une entreprise sous-traitante. La victime avait été transportée d'urgence au CHU Ibn Rochd pour être amputée de ce pied qui a été écrasé. «Normalement, nous confie un jeune ouvrier du complexe, les cylindres doivent être posés sur des supports mais comme il y en avait beaucoup, on a dû les entasser les uns sur les autres, l'un d'entre eux a glissé et ce qui devait arriver arriva. La commission d'hygiène et de sécurité s'est réunie, l'inspection de travail a été informée mais à ce jour rien n'a été fait.» Le syndicat qui fait de la sécurité des travailleurs l'une de ses priorités ne compte pas céder et maintient la pression tout en se disant disposé à dialoguer et à négocier. «De bons résultats ont été réalisés durant les 3 dernières années, soutient le secrétaire général du syndicat Arcelor Mittal du complexe de Annaba, les travailleurs attendent beaucoup de ces négociations et nous-mêmes croyions que la direction était plus ou moins prédisposée à nous écouter et à satisfaire nos revendications qui, somme toute, sont dans l'intérêt du complexe parce qu'un employé mieux payé, mieux protégé et exerçant dans de bonnes conditions travaille mieux, produit plus et mieux.» Dans les milieux ouvriers, certains, déçus par la tournure qu'ont prise les négociations, se disent prêts à aller vers une grève illimitée pour crier haut et fort leur refus de cette situation. D'autres adoptent l'attitude du wait and see et préfèrent écouter l'avis des uns et des autres avant de prendre une décision. Toujours est-il que l'ensemble des quelque 7 200 travailleurs du complexe est déçu et démoralisé parce que ce que tout ce qu'on attendait s'est envolé en fumée … par les hauts fourneaux du complexe. L'avenir nous dira plus. Certainement.