Après cinq ans de procédures d'instruction, le parquet suisse a prononcé une ordonnance de classement dans la procédure judiciaire contre l'ancien ministre de la Défense Khaled Nezzar. La justice helvétique a fini par rejeter les plaintes d'activistes exilés du FIS dissous, portées solidement par l'ONG suisse Trial qui avait intenté une action contre l'ex-éminent membre du HCE, la pentarchie qui a présidé l'Algérie de janvier 1992 à janvier 1994, pour «crimes de guerre» et «torture». Le procureur fédéral a en effet prononcé une ordonnance conformément à l'article 319 du Code de procédure pénale qui stipule que «le ministère public ordonne le classement de la procédure lorsque aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi, lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis, lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu, lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies». Suite et fin donc d'un procès qui avait une forte connotation politique. Lorsque Trial avait pris l'initiative du procès, nombre d'observateurs politiques s'étaient en effet demandé si la justice suisse, après l'échec des procès du «qui tue qui ?» contre le général-major à la retraite Khaled Nezzar en France, allait ou non solder les comptes du «janviérisme» en Algérie. C'est-à-dire ceux de l'interdiction politique du FIS et surtout de la guerre implacable contre le terrorisme islamiste. On pouvait d'autant plus se poser la question que Trial, la Track Umpinity Always, s'était basée sur le droit suisse qui permet de poursuivre tout individu soupçonné de crime de génocide, crime contre l'humanité ou crime de guerre. Accusé de la sorte, l'ancien baroudeur de l'ANP n'a jamais fui le combat, sous quelque prétexte que ce soit. Il a toujours répondu présent, affronté les juges et les medias et assumé sa défense en se montrant souvent offensif et pugnace. En France comme en Suisse, et quelles que soient la durée et la complexité des procédures. Le général à la retraite refusait systématiquement de battre en retraite ou de se débiner en rase campagne ! Et, à quelques exceptions près où l'Etat algérien, à sa tête le président de la République, s'était mobilisé derrière lui, il s'est souvent battu seul, sans bénéfice d'aucun type d'immunité. Sa position était d'autant plus difficile que le droit suisse avait alors intégré la compétence de juger les auteurs de crimes les plus graves. Elle l'était encore davantage sachant que les notions de compétence universelle et de l'exception d'immunité ne lui étaient pas favorables a priori. Une position assez délicate dans la mesure où la «cause pénale SV. 11.0231» ouverte contre lui était surtout significative des liens étroits entre le droit pénal suisse, le droit international humanitaire et les droits de l'Homme. Il est vrai que la justice suisse avait, depuis le 1er janvier 2011, compétence universelle pour connaître des crimes de guerre à l'étranger, mais cette compétence n'était cependant pas quasi-illimitée. Les juges fédéraux avaient alors considéré de ce fait que la compétence universelle est exercée, à titre subsidiaire, quand une autre juridiction ayant un lien juridictionnel plus fort, à savoir la territorialité et la nationalité, ne peut poursuivre l'auteur présumé des crimes en cause. Ce qui est le cas de l'Algérie depuis l'adoption en 2005 de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Mais le tribunal fédéral avait estimé, in fine, que le recourant n'était au bénéfice d'aucun type d'immunité. C'est-à-dire l'immunité personnelle qui le couvrait pour la période de présence au HCE et l'immunité fonctionnelle qui concerne sa vie après. Mais avant même d'ouvrir une enquête préalable à une instruction, la justice suisse était déjà mise en accusation pour irrespect du droit international relatif aux immunités. Le général à la retraite Khaled Nezzar avait rang de chef d'Etat, au titre de membre du HCE. Ses avocats n'eurent donc pas de peine à exciper du fait que les faits en accusation sont recensés au cours d'une période qui excède largement la fin de mission officielle de M. Nezzar, alors même qu'il n'avait plus de fonction depuis le 30 janvier 1994. Ils ont ensuite fait constater l'absence de soupçons suffisants, autant que les conditions irréfragables de la poursuite. Ils ont fait valoir également que lorsque l'auteur des crimes n'est pas de nationalité suisse et que l'acte commis à l'étranger n'était pas dirigé contre un citoyen suisse, les autorités étaient en droit de renoncer à la poursuite pénale. De même qu'ils ont argué du fait que l'exception juridique suisse ne pouvait être considérée comme une norme établie en droit international qui garantit les immunités établies. En ne reconnaissant pas les principes d'immunité d'un homme d'Etat, en se substituant à la justice pénale internationale, la justice suisse avait donné l'impression de sortir du cadre étroit du droit, pour celui, plus large, de la politique. Derrière la personne du soldat Nezzar, dont il restait à la justice helvétique d'apporter les preuves tangibles et irréfutables de sa culpabilité, c'était finalement l'armée et l'Etat algériens qui étaient le vrai cœur de cible. Aujourd'hui, la justice suisse a soldé les comptes politiques du «quitukisme» mais au profit de celui qui symbolise au plus fort ceux qui ont été longtemps visés par le « qui tue qui ?», question du doute pernicieux. N. K.