En Libye, Vladimir Poutine a choisi son homme : le maréchal Khalifa Haftar, qui contrôle l'est libyen. Un pari sur l'avenir qui peut permettre à la Russie d'étendre son influence dans le monde arabe et en Méditerranée. En Libye, Moscou joue désormais cartes sur table. Si le Kremlin reconnaît officiellement, à l'instar de la communauté internationale et de l'ONU, l'autorité du gouvernement libyen d'union nationale (GNA), il affiche désormais un soutien explicite, voire ostentatoire, au maréchal Khalifa Haftar. Le très courtisé chef de l'Armée nationale libyenne (ANL), qui s'est illustrée avec succès dans la lutte contre les milices jihadistes dans l'est du pays, est pourtant le bras armé du Parlement de Tobrouk, autorité rivale du GNA. En Libye, Vladimir Poutine a choisi son homme : le maréchal Khalifa Haftar, qui contrôle l'est libyen. Un pari sur l'avenir qui peut permettre à la Russie d'étendre son influence dans le monde arabe et en Méditerranée. En Libye, Moscou joue désormais cartes sur table. Si le Kremlin reconnaît officiellement, à l'instar de la communauté internationale et de l'ONU, l'autorité du gouvernement libyen d'union nationale (GNA), il affiche désormais un soutien explicite, voire ostentatoire, au maréchal Khalifa Haftar. Le très courtisé chef de l'Armée nationale libyenne (ANL), qui s'est illustrée avec succès dans la lutte contre les milices jihadistes dans l'est du pays, est pourtant le bras armé du Parlement de Tobrouk, autorité rivale du GNA. Khalifa Haftar, l'homme de Moscou Celui qui prétend aujourd'hui contrôler 80% d'un pays livré au chaos, depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en octobre 2011, a été reçu en grandes pompes, le 11 janvier, à bord d'un fleuron de la marine russe, le porte-avion «Amiral Kouznetsov». Il s'est même entretenu par vidéoconférence avec le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou. Un nouveau signe du traitement de faveur particulier dont bénéficie le militaire septuagénaire, qui avait déjà été reçu à deux reprises en Russie en 2016, où il a notamment sollicité l'assistance du Kremlin et la levée de l'embargo sur les armes, imposé par l'ONU en Libye. Immanquablement, cet adoubement très médiatisé a donné lieu à des rumeurs, démenties dans les médias russes, qui ont fait état de promesses de contrats mirifiques pour la Russie en Libye, ainsi que l'établissement d'une base navale russe du côté de Benghazi. Toujours est-il que cette sortie, effectuée au large des côtes libyennes, est un message symbolique qui vient renforcer un peu plus la stature de l'ancien cadre de l'armée kadhafiste passé par l'école soviétique, devenu incontournable dans toute résolution du conflit libyen, et le faire apparaître désormais comme l'homme de Vladimir Poutine dans le pays. «Même s'ils ont la volonté de préserver les apparences en soutenant un GNA affaibli politiquement, les Russes mènent une politique concrète en misant ouvertement sur la carte Haftar, qui est la force dominante en Libye», décrypte Arnaud Dubien, directeur de l'Observatoire franco-russe, interrogé par France 24. «Même si cela est un peu risqué car l'avenir est imprévisible, la Russie, objectivement, mise sur le bon cheval, qu'elle avait détecté avant tout le monde, même si elle n'est pas dupe et sait qu'Haftar, qui est également en relations avec les Emiratis et les Français, ne mettra pas tous ses œufs dans le même panier». L'expert se demande si le soutien russe graduel, et mesuré, apporté au maréchal Haftar, en plus des livraisons d'armes via l'Egypte, n'est pas une façon pour Moscou de préparer l'après-Syrie, où les évènements ont tourné en faveur de Moscou. «Il s'agirait pour les Russes de jouer la carte libyenne, après la carte syrienne, qui s'épuise, afin de marquer leur territoire en Méditerranée, et en disant, nous sommes de la partie en Libye, et là-aussi, comme en Syrie, nous sommes incontournables». Ainsi, le Kremlin, qui compte déjà comme alliés dans le monde arabe le président syrien Bachar al-Assad et son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi, un autre militaire formé à l'école soviétique qui combat, comme Khalifa Haftar l'islamisme politique, avance ses pions en Méditerranée. Une relation ancienne contrariée par la chute de Kadhafi Il n'est pas si incongru de voir la Russie s'intéresser de très près à la Libye, qui a longtemps gravité dans la sphère soviétique. «La Russie ne part pas de zéro avec la Libye. On ne peut pas comprendre ce que Moscou essaye de mettre en place actuellement dans ce pays, sans connaître le contexte et l'histoire de cette relation bilatérale née à la fin des années 1960, et plus généralement l'histoire de la politique soviétique, puis russe en Méditerranée», rappelle Arnaud Dubien. En effet, si le régime libyen ne faisait pas partie des premiers cercles des alliés arabes de l'Union soviétique, comme la Syrie baâsiste par exemple, les Russes ont toujours gardé un œil sur ce pays. «Après la Perestroïka, Gorbatchev annonce un reflux des engagements soviétiques extérieurs les plus lointains, et le régime du colonel Mouammar Kadhafi, qui n'était qu'un allié opportuniste de l'URSS, fait partie des sacrifiés», explique Arnaud Dubien. Le directeur de l'Observatoire franco-russe rappelle que la Russie, qui avait, sous le président Boris Eltsine pratiquement disparu de la région jusqu'à la fin des années 1990, se réintéresse à la Libye au milieu des années 2000. «A l'époque, Vladimir Poutine cherche à réinvestir le continent africain, plus généralement via les anciens pays relais de l'URSS, mais dans le cadre d'une approche, non pas idéologique, mais économique, pour faire comme on dit du business». Pour ce faire, la Russie propose à ces pays, et donc à la Libye de Kadhafi, un effacement de dettes, généralement des créances soviétiques que Moscou n'avait aucune chance de recouvrer, en échange de nouveaux contrats d'armement mais également de participations d'entreprises russes dans des projets pétroliers ou d'infrastructures. «Dans le cas libyen précisément, des contrats de plusieurs milliards de dollars sont signés avec Tripoli dans le domaine pétrolier et gazier, de livraison d'armes et de construction d'une ligne de chemins de fer à grande vitesse», précise Arnaud Dubien. Autant de projets, et de perspectives commerciales, qui ont volé en éclats avec la chute de Kadhafi. Paradoxalement, en s'abstenant de mettre son veto, en mars 2011, à la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies qui a sonné le glas du régime, la Russie, alors présidée par Dmitri Medvedev, s'est tiré, économiquement, une balle dans le pied. Un dossier symbolique pour Poutine «Je pense qu'il y a clairement un aspect politique, qui est sous-estimé ces jours-ci, lorsqu'on essaye de comprendre ce que font les Russes en Libye, estime Arnaud Dubien. Il ne faut pas oublier que le dossier libyen est le seul dossier de politique intérieure ou extérieure qui ait donné lieu à des divergences publiquement exprimées entre Vladimir Poutine, alors Premier ministre et Dmitri Medvedev, chef de l'Etat». Se sentant flouée par les Occidentaux, qu'elle a accusé à l'époque d'avoir caché leurs intentions réelles en Libye, la Russie n'a jamais digéré le changement de régime. «Vladimir Poutine et son entourage ont analysé les évènements en Libye comme une faiblesse russe, de Medvedev, et surtout comme une politique occidentale fallacieuse, dans le sens où un mandat d'exclusion aérienne de l'ONU s'est transformé de fait en co-belligérance». D'après l'expert de la politique étrangère russe, il faut voir la restauration de l'influence de Moscou en Libye comme un pied-de-nez à l'intervention franco-britannique de 2011, «et qui a été perçu par Poutine, à l'instar du printemps arabe qui est concomitant, comme une véritable menace, comme quelque chose d'orchestrée. Ne pas laisser l'Occident répéter le scénario libyen en Syrie fût l'une des principales motivations de l'engagement russe auprès de Damas». En somme, en jouant franc jeu en Libye, la Russie n'aurait rien à y perdre. «D'un point de vue stratégique, les enjeux ne sont pas très élevés en ce qui concerne ce pays qui reste très périphérique, et cela représente un pari qui ne coûte pas cher, alors que potentiellement les gains peuvent être très importants». Un pari dont les Européens, en attendant, côté américain, une prise de position de la nouvelle administration Trump, n'ont peut-être pas encore pris toute la mesure. M. D. In france24.com