L'art est, par essence, libre, et cette liberté se joue de toutes les frontières, barrières et limites, tangibles ou virtuelles. L'artiste passe sa vie à essayer de les abattre, les contourner ou les repousser. Car, le monde tel qu'il est, ordonné, divisé, compartimenté, hiérarchisé, ne peut s'accommoder d'une activité évoluant hors de tout cadre organisé. Et on a vite fait de trouver les jalons : la finance et le marché, qui font tourner le monde, auxquels tout et tous, bon gré mal gré, sont soumis. L'artiste ne vit pas d'amour et d'eau fraîche. Il est donc amené à se plier à des règles édictées par les financiers et les majors du marché de l'art. Dès lors, il devra «manœuvrer» pour concilier liberté et dépendance, faire vivre son art sans le corrompre, sans compromettre ni assujettir sa liberté. Tous les artistes, qu'ils soient indépendants ou affiliés à une institution, s'accordent, prônent et défendent cette liberté de création et d'expression, de circulation des œuvres, égalité des cultures dans les échanges culturels, promotion, diffusion et partage de l'art. Socialisation de la culture et rejet de toute mise sous tutelle (éteignoir !?) de l'art, en somme. Considérant cette position, une question survient : quelle est l'utilité, et surtout, la mission de toutes ces institutions et directions qui chapeautent la culture ? Du point de vue théorique, idéaliste, on ne peut qu'aboutir à l'inutilité totale de ces structures. Il en est tout autrement quand on revient à la réalité. Cette organisation, qui, certes, a son revers et peut se muer en frein, est nécessaire. La culture comme les artistes ont besoin d'être pris en charge pour pouvoir remplir leur rôle au sein de la société. Mais, pour éviter de tomber sur le revers de la médaille, des limites doivent être posées à l'intervention de ces institutions pour qu'elles ne deviennent pas les faiseuses de la culture, mais son chaperon. A ce titre, leur travail devra se faire dans la transparence et l'impartialité la plus totales, avec l'objectif de permettre aux arts et aux artistes, sans distinction, de ne pas perdre leur liberté. Le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, a annoncé récemment la prochaine promulgation de décrets exécutifs et de nouveaux textes de lois en vue de réorganiser les statuts particuliers des coopératives théâtrales et des théâtres. Ce nouveau cadre juridique protégera les artistes «ayant opté pour le travail en dehors des entreprises publiques du théâtre», promet le ministre. Il en sera de même pour le secteur du cinéma qui aura également sa réforme, avec l'introduction de mesures incitatives pour l'investissement privé. Car, le ministère de la Culture ne financera plus les grosses productions et réservera ses subventions aux projets cinématographiques à coût limité des jeunes, indique le ministre pour qui produire des films à coût élevé n'est plus rentable. «L'ère du financement à 100% des films par l'Etat est révolue», affirmera-t-il. Désormais, l'Etat interviendra en tant que «partenaire» aux côtés d'autres bailleurs de fonds. Les réalisateurs devront apprendre à faire des montages financiers, où le ministère «contribuera avec un taux précis». Tel que présentée, la nouvelle démarche du ministère est assurément la bonne. Il est grand temps qu'il revienne à sa mission originelle et essentielle qui est le soutien et la socialisation de la culture. L'Etat n'a pas à encadrer, financer et/ou organiser des manifestations artistiques ou produire des œuvres. Il lui appartient par contre de mettre en place les outils et les mécanismes pour la promotion, la diffusion et l'exploitation des créations, productions et richesses culturelles. H. G.