De notre correspondant à Constantine A. Lemili «Nul n'est prophète en son pays», dit un dicton. Le cas Abdelhak Benchikha et la réussite d'un entraîneur algérien en Tunisie avec l'un des clubs les plus populaires sont-ils symptomatiques du marasme général dans lequel baigne le football algérien ? En créant l'exploit là où d'autres entraîneurs ont été trop rapidement promus géniaux mais sont en réalité professionnellement limités, Benchikha apporte-t-il la preuve que les techniciens locaux ont en eux l'intelligence, la maîtrise technique, tactique, le sens des relations humaines, en plus clair, une rare alchimie qui permet, en un temps donné et dans des conditions analogues, pour peu que l'environnement immédiat soit propice, à un coach de réussir là où bien d'autres n'y sont pas parvenus. La réussite du technicien algérien en terre tunisienne s'oppose effectivement à la galère que vivent quotidiennement ses pairs, lesquels ont choisi de rester au pays. Sans être un modèle d'organisation, la compétition du pays voisin a l'heur d'être plus «humaine», pour ne pas dire plus civilisée ou encore mieux citoyenne. Dans pareil cas de figure, il ne restait à Benchikha, dont les compétences ne peuvent être remises en cause, qu'à mettre à profit la conjonction d'éléments favorables pour accomplir, enfin, serions-nous tentés de dire, dans des conditions… normales, sa mission. Toutefois, en montant sur la première marche du podium après douze, seize ou dix-sept ans de disette, c'est selon la comptabilité à géométrie variable d'un grand nombre de nos confrères exultant à perdre haleine sur le titre du CA comme s'il s'agissait du Mouloudia, de l'Union ou de la Jeunesse locale, Benchikha, il est important de le souligner, a savamment perpétué une dynamique engagée par son prédécesseur (Bertrand Marchand), outsider régulier de la compétition ayant terminé le parcours à la seconde place. Une sorte de logique linéaire, laquelle, sans que nous ayons à le ressasser ne diminue en rien le mérite, du technicien algérien… Mais cela ne doit pas non plus autoriser les plus superbes raccourcis déduits au lendemain de la consécration du CA. Les conditions de travail, les moyens mis à la disposition du coach, la disponibilité de l'encadrement et les valeurs morales, professionnelles et intellectuels qu'il véhicule, la confiance des bailleurs de fonds du club, la gestion orthodoxe du conseil d'administration ont à l'évidence plus que contribué à la réussite de A. Benchikha qui a rejoint le CA fort d'une performance : celle, malgré une conjoncture moins favorable, d'être parvenu à maintenir l'équipe de Zarzis en division une. Toutes proportions gardées, le challenge reste pratiquement le même si ce n'est plus difficile dès lors qu'il s'agit à une équipe de sauver sa tête de la relégation. En fait, là où Benchikha a réussi, et sans jouer les pythonisses et les rabat-joie à la petite semaine, un autre coach y serait parvenu parce que tout était favorable. Cela n'est pas sans nous rappeler le début des années 1980, les performances de l'EN dans le monde du football international imputées à «nos» techniciens algériens et au «jeu» à l'algérienne et l'amnésie, voire le mensonge par omission sur le vrai travail accompli par Rajkov et Rogov qui n'avaient fait qu'exploiter, parce que c'est leur métier… leur vrai, le talent de joueurs surdoués. La campagne de 86 ne sera pas une réplique d'Espanà 82. Entre-temps, la tête aussi volumineuse qu'une montgolfière des responsables à tous les niveaux du football, l'ego surdimensionné d'un coach qui prenait trop au sérieux ce que disaient de lui et de sa cavalerie des représentants des médias auxquels il ne manquait que la crécelle et l'écharpe pour incarner le supporter basique… ouvraient la voie au travail au… jugé et surtout la voie aux enfers desquels n'est toujours pas sorti le sport le plus populaire du pays. Alors, des entraîneurs algériens qui réussissent ailleurs et non pas chez eux ? Ne nous leurrons pas. Le cas Benchikha restera l'exception qui fait la règle.