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Londres va-t-il survivre au Brexit ?
Publié dans La Tribune le 03 - 05 - 2017

Le Brexit a jeté un pavé dans la mare dans la City de Londres. Personne ne sait encore quel type d'accès au marché unique de l'Union européenne sera réservé aux services financiers du Royaume-Uni, à l'heure où le Premier ministre Theresa May appelle à des élections législatives pour le 8 juin, ce qui ajoute encore une ombre au tableau, du moins à court terme. Mais il y a cette question lancinante selon laquelle les choses ne peuvent pas rester telles qu'elles sont et qui fait qu'il y aura un prix à payer pour la sortie de l'UE.
Le Brexit a jeté un pavé dans la mare dans la City de Londres. Personne ne sait encore quel type d'accès au marché unique de l'Union européenne sera réservé aux services financiers du Royaume-Uni, à l'heure où le Premier ministre Theresa May appelle à des élections législatives pour le 8 juin, ce qui ajoute encore une ombre au tableau, du moins à court terme. Mais il y a cette question lancinante selon laquelle les choses ne peuvent pas rester telles qu'elles sont et qui fait qu'il y aura un prix à payer pour la sortie de l'UE.
Ainsi les entreprises de services financiers basées au Royaume-Uni, en particulier celles qui ont choisi Londres comme siège social européen précisément afin de sécuriser l'accès à l'ensemble du marché de l'UE à un même endroit, sont en train de reconsidérer leur choix. En effet, les organismes de réglementation les poussent dans ce sens, en leur demandant comment ils vont assurer la continuité de service à leurs clients dans le cas d'un Brexit «dur». (Le gouvernement de May préfère parler d'un Brexit «propre», mais cela revient à jouer sur les mots).
Les centres européens rivaux y voient une occasion de récupérer un certain nombre d'entreprises sur le continent (ou en Irlande). D'autres gouvernements ressentent depuis longtemps la domination de Londres. Le fait de devoir reconnaître que le principal centre d'affaires pour les instruments libellés en euros se trouvait en dehors de la zone euro a exaspéré beaucoup de monde.
Il y a seulement quelques années, la Banque centrale européenne a tenté d'insister pour que la compensation des instruments libellés en euro doive avoir lieu dans les limites de sa juridiction, mais elle en a été empêchée par un arrêt de la Cour de Justice européenne. C'est assez ironique : retirer le Royaume-Uni de la juridiction de la CJE est aujourd'hui l'un des principaux objectifs de May.
Ainsi délégation après délégation, des ministres, des maires et des lobbyistes de divers centres financiers ont été les meilleurs clients des hôtels de Londres et ont fourni un coup de pouce à la restauration haut de gamme. Luxembourg, Francfort, Dublin et d'autres villes publient des présentations sur papier glacé de leurs avantages compétitifs par rapport à Londres : coûts immobiliers plus faibles, plus faible taux d'imposition des sociétés (ce qui paraît plausible lorsque cela est affirmé avec un accent irlandais), restaurants étoilés au Guide Michelin et concessionnaires Porsche : tous les services essentiels qui constituent un centre financier dynamique.
Certaines de ces présentations ont suscité quelques sourires en coin. Le Président français François Hollande a été élu sur une partie de son programme selon laquelle le monde de la haute finance était son ennemi. Pourtant, la Présidente du Conseil régional de Paris-Île-de-France a récemment promis un tapis «bleu blanc rouge» à tout gestionnaire de fonds spéculatifs qui achètera un billet Eurostar à la Gare du Nord : une pique cinglante à l'intention de l'ancien Premier ministre britannique David Cameron, qui avait promis un tapis rouge aux banquiers français qui fuyaient les taux d'imposition prohibitifs, les grèves et les restrictions des législations du travail.
Tout à coup, tout le monde adore les maîtres du monde qui ont presque détruit le système financier mondial en 2008. Variations sur un air bien connu.
Toute cette activité promotionnelle soulève à nouveaux frais la question suivante : quelles sont les caractéristiques indispensables à la réussite d'un centre financier ? Cette question a été posée de nombreuses fois et certains conseils de gestion ont amassé beaucoup d'argent en monnayant leurs réponses.
Une étude d'avant la crise par McKinsey pour l'ancien maire de New York Michael Bloomberg recommandait de copier le système de réglementation de Londres, qui a explosé peu de temps après. L'analyse conduite par les représentants de Hong Kong sur leur propre réglementation, menée pour identifier les manières de stimuler l'attractivité de la ville sur les entreprises internationales, a conclu que ce que les entreprises voulaient vraiment était un air plus sain et davantage d'écoles internationales. Aucune de ces deux demandes ne tombe sous la compétence de l'autorité monétaire (ni même, dans le cas de la pollution, sous celle du gouvernement de Hong Kong).
Un grand nombre des enquêtes qui demandent aux entreprises les raisons pour lesquelles elles choisissent un site particulier produisent essentiellement des réponses circulaires. Les entreprises disent qu'elles sont là parce que d'autres entreprises y sont, et qu'elles peuvent donc faire des affaires facilement avec leurs principales contreparties. On trouve toutefois quelques thèmes récurrents.
Les entreprises étrangères aiment à penser qu'elles ne sont pas traitées différemment par rapport aux concurrents nationaux. La réglementation motivée par des enjeux politiques rebute ces entreprises. Elles veulent également un système judiciaire indépendant qui respecte les droits de propriété. Et elles veulent avoir accès à un personnel qualifié.
Sur ces différents aspects, Londres et New York continuent de bien s'en sortir. Le dernier Global Financial Centres Index, publié le mois dernier par Z/Yen, montre que Londres reste dans le peloton de tête, légèrement en avance sur New York.
Mais les évaluations de ces deux villes ont beaucoup baissé au cours de la dernière année. L'écart entre elles et Singapour (classé troisième), qui était de plus de 30 points l'année dernière, n'est plus que de 20 points cette année. En effet, presque tous les centres d'Asie sont remontés dans le classement, la plus forte hausse étant celle de Pékin, qui passe de la 26e à 16e place.
Si nous examinons en particulier l'Europe, le seul autre centre financier dans le top 20 mondial est le Luxembourg, qui se faufile à la 18e place, soit six places plus bas que l'an dernier. Francfort, à la 23e place, a rétrogradé de quatre places cette année et Paris reste bloqué en 29e position depuis les dernières enquêtes. Londres a donc une avance énorme sur l'Europe.
Le Brexit va-t-il suffire à modifier fondamentalement cet état de choses ? Cela reste difficile à dire. Sur la question des facteurs déterminants pour les entreprises, le système réglementaire de Londres, indifférent à la nationalité, a peu de chances de changer, tout comme le système judiciaire. Ces avantages devraient donc se maintenir.
Le facteur crucial de changement sera probablement le manque de personnel compétent. Les entreprises financières basées à Londres sont habituées à être en mesure de recruter dans toute l'UE ; en outre, les autorités britanniques font également preuve de souplesse sur le personnel hors-UE. Parce que la plupart des professionnels de la finance en herbe en Europe savent bien parler anglais, les entreprises ont à leur disposition un vaste vivier de talents.
Savoir si ce vivier va survivre au Brexit se révèle être la plus grande question politique de la ville de Londres dans les négociations à venir. Le prochain Premier ministre britannique, qui pourrait très bien être May, devra fournir une réponse convaincante, ou bien Londres pourrait bien ne pas rester en tête du classement très longtemps.
H. D.
*Président de la Royal Bank of Scotland Premier et président de l'Autorité des services financiers du Royaume-Uni de 1997 à 2003. Ancien directeur de la London School of Economics (2003-2011), vice-gouverneur de la Banque d'Angleterre et directeur général de la Confédération de l'industrie britannique.
In project-syndicate.org


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