Les banques implantées en Grande-Bretagne doivent prendre les mesures nécessaires pour prévenir tout risque de brusque contraction du crédit au cas où le processus de sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne se déroulerait de manière désordonnée, a dit la Banque d'Angleterre (BoE). Le Première ministre britannique, Theresa May, qui a invoqué mercredi l'article 50 du traité de Lisbonne qui enclenchera ce processus, a dit qu'elle était prête à rompre les discussions sur le Brexit si les termes proposés pour un accord sont mauvais. Le gouvernement britannique a dit préparer des mesures d'urgence en vue de ce scénario "peu probable". Le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, avait déclaré en janvier que le processus du Brexit représentait un risque pour la stabilité financière plus important pour les pays de l'Union européenne dont le financement des activités dépend de la City que pour la Grande-Bretagne elle-même. A deux jours du déclenchement de l'article 50, la Banque d'Angleterre a demandé aux banques de lui communiquer leur plan d'urgence afin de la rassurer sur leur capacité à faire face à "une série de cas de figure possibles". "Les risques pour la stabilité financière seront influencés par le degré d'ordonnancement de l'ajustement à la nouvelle relation entre le Royaume-Uni et l'Union européenne", prévient le Comité de politique financière de la Banque d'Angleterre dans son rapport trimestriel. Carney a dit que la Grande-Bretagne comme le reste de l'Union européenne bénéficieraient d'une période de transition post-Brexit pendant laquelle les banques implantées en Grande-Bretagne pourraient continuer à répondre aux besoins de leurs clients dans le reste de l'Europe dans des conditions comparables à celles qui prévalent actuellement. De nombreuses banques implantées à Londres craignent de perdre leur accès au marché unique européen à l'issue du processus du Brexit et certaines d'entre elles comme Goldman Sachs ont déjà annoncé qu'elles allaient renforcer leur présence en Europe continentale. Le Comité de politique financière a demandé aux banques de préciser comment elles s'y prendront pour éviter une interruption soudaine de leurs relations avec leurs clients continentaux après le Brexit, ce qui pourrait aussi nuire à l'économie britannique. "Un ajustement soudain pourrait perturber l'approvisionnement du marché en liquidités ainsi que les services de banque d'investissement", a dit la BoE. Des changements à plus long terme du modèle d'affaires des banques après le Brexit ainsi que des structures juridiques plus complexes pourraient affaiblir la solidité du système financier britannique.
Tests de résistance "exploratoires" Le Comité de politique financière a aussi présenté le scénario retenu pour les tests de résistance des principales banques britanniques. Elles seront soumises pour la première fois à un test "exploratoire" prévu pour se dérouler tous les deux ans sur leur capacité à faire face à des risques latents indépendants du cycle financier habituel. Les tests cycliques portent sur une période de cinq ans alors que leur version "exploratoire" courra sur sept ans. La Banque d'Angleterre a dit ce mois-ci que les perspectives de l'économie mondiale s'étaient améliorées, en partie du fait des anticipations de marché liées aux baisses d'impôt et à l'assouplissement de la réglementation aux Etats-Unis. Le président américain Donald Trump a demandé un réexamen de la réglementation bancaire - en grande partie fondée sur des règles internationales - dont il estime qu'elle entrave le financement de l'économie. Le Comité de politique financière a dit qu'il appliquerait des règles de capitalisation "rigoureuses" et qu'en l'absence d'une coopération systématique de la part des autorités de supervision d'autres pays, il devrait "examiner comment protéger au mieux la solidité du système financier britannique." Le comité a fixé aux banques un objectif de ratio de fonds propres Tier 1 de 13,5%, contre 15,1% actuellement, qui sera revu en fonction de la mise en œuvre et des évolutions des règles internationales.
Les banques de la City, flegmatiques Les banques implantées en Grande-Bretagne se préparent avec prudence à la perspective du Brexit, élaborant des plans d'urgence en deux temps, pour éviter de perdre des collaborateurs en les inquiétant inutilement sur l'éventualité de relocalisations massives d'emplois ailleurs en Europe. Le Première ministre britannique, Theresa May, doit officiellement invoquer l'article 50 du traité de Lisbonne mercredi, ce qui déclenchera une période de deux ans de négociations sur les conditions du divorce entre l'Union européenne et la Grande-Bretagne. Les banques d'investissements de la City vont elles aussi commencer à prendre des mesures concrètes afin de s'assurer qu'après le 29 mars 2019 elles resteront en mesure de fournir leurs services à leurs clients en Europe, même si elles se trouvent privées du "passeport européen" qui leur assure actuellement l'accès l'ensemble du marché unique. "Tout le monde est prêt pour un scénario de rupture, qui signifie que vous devez plus ou moins disposer dans un délai très court, de gens sur le terrain pour être sûr d'être parés quoi qu'il arrive", a dit Hubertus Väth, qui dirige Frankfurt Main Finance, l'organisme de promotion de la place financière de Francfort. Dans cette première phase, le nombre de personnes concernées est assez faible puisqu'il s'agit de s'assurer que les agréments, les infrastructures et la technologie nécessaires sont en place. Mais la phase suivante implique une réflexion à plus long terme sur l'organisation des activités en Europe, ce qui peut impliquer des déplacements de personnel beaucoup plus importants. "Nous anticipons un éparpillement à très court terme d'un petit nombre de personnes... dans les prochains mois", a dit Väth.
Inquiétudes à la City Le Brexit inquiète nombre des 2,2 millions d'employés du secteur financier en Grande-Bretagne qui se demandent s'ils verront leur emploi relocalisé à Francfort, Dublin, Paris, Luxembourg voire à Malte. "Si je m'adresse à mes collaborateurs à Londres et que le leur dis: 'je déplace 1.000 d'entre vous à Francfort', combien vont rester (dans l'entreprise)?", se demande un dirigeant d'une grande banque internationale. Les banques doivent décider si elles vont essayer de déplacer certains salariés ou au contraire les licencier pour réembaucher ailleurs une fois leurs opérations sur le continent établies. Cela implique qu'elles aient déterminé quelles seront les fonctions concernées, ce qui prendra du temps. "Ne vous attendez pas à un 'big bang' au lendemain du Brexit en mars 2019", a dit un autre dirigeant d'une grande banque internationale. "Les banques vont chercher à utiliser ce qu'elles ont déjà en place pour être à même de continuer de fonctionner et de servir leurs clients au sein de l'Union européenne. Pour les emplois qui seront déplacés, l'impact sera connu en 2025, en 2030, pas en 2019", a-t-il ajouté. Dans la première phase, les déplacements de personnel ne concerneront que quelques centaines de personnes, et pas avant 2018 au moins pour la plupart d'entre elles, ont dit des sources bancaires à Reuters. "Ce n'est pas du déplacement de personnel, c'est du déplacement de postes", a dit l'une des sources. "Il y aura aussi des départs volontaires qui ne seront pas remplacés à Londres. Cela ne sera pas aussi notable et il est vraisemblable qu'il n'y aura pas de grandes annonces." Stuart Gulliver, le directeur général de HSBC, a édulcoré ses récents propos sur les projets de déplacement de 1.000 collaborateurs de Londres à Paris, expliquant que la moitié d'entre eux étaient des Français qui reviendraient dans leur pays et que la banque était bien loin de s'apprêter à communiquer à ses salariés sur le sujet. "D'ici un ou deux ans, la City aura complètement remplacé les emplois qui auront été déplacés", a-t-il dit. Les banques n'ont besoin que d'une trentaine de personnes pour disposer d'une filiale complètement opérationnelle en Europe, y compris l'installation de l'infrastructure et des systèmes juridiques et d'information, estime l'Association des banques étrangères en Allemagne. Si la concurrence est rude entre les centres financiers européens qui veulent tirer parti du Brexit, il est peu probable que les banques convergent sur une seule place car elles voudront conserver une certaine flexibilité et s'appuyer sur le réseau d'implantations dont elles disposent déjà. Si Dublin est la destination par défaut retenue par Bank of America pour sa nouvelle tête de pont au sein de l'UE parce qu'elle y dispose déjà d'une implantation agréée, la banque n'exclut pas d'autres options. "Nous examinons tous les scénarios. Rien n'a été décidé. Dublin est une option, tout comme Francfort ou Amsterdam", a dit Nikolaus Närger, responsable de la banque de financement en Allemagne pour Bank of America.