Beaucoup de voix se sont élevées dans le passé pour défendre le ciblage des subventions qui permettra de réduire les dépenses consenties par l'Etat dans sa politique sociale. Mardi soir dernier, lors de la présentation du plan d'action de son gouvernement devant l'Assemblée nationale populaire (APN), le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, a indiqué que le ciblage des subventions est inscrit. Mais la question qui se pose est comment peut-on cibler concrètement aujourd'hui les subventions sur le terrain de la réalité compte tenu de l'inexistence, de l'aveu même du chef de l'exécutif, de statistiques fiables en Algérie. Pour tenter de cerner cette question, nous nous sommes approchés, au cours de ces débats à l'APN, des députés de la majorité FLN et RND. «Nous avons introduit ça dans notre programme depuis 2002 dans le chapitre de la révision de la politique sociale. Cette dernière, il faut la maintenir. Il faut la préserver parce que ça fait partie du caractère social de l'Etat et c'est l'un des serments de novembre 1954. Elle a son ancrage à la fois historique et social. Mais comment le faire ?», s'interroge le député du RND Seddik Chihab qui reconnaît que «c'est un peu compliqué». Parce que, explique-t-il, «nous n'avons pas une carte qui définisse quels sont réellement les nécessiteux, et ce dans chaque commune de notre pays». «Il y a beaucoup de triche», ajoute-t-il. Par conséquent, poursuit-il, «l'Etat doit se déployer». Il s'agira, dans un premier stade, «d'établir des statistiques et d'identifier les nécessiteux». Là, préconise-t-il, «je pense qu'il faut commencer par des produits comme les hydrocarbures, l'électricité et passer progressivement à des produits de large consommation». «Ça va demander beaucoup de dépenses et de temps», admet le porte-parole du RND. M. Chihab pense que « l'Etat doit être outillé, dans ce sens pour mieux mener le ciblage». Le cadre du RND préconise de s'inspirer de «modèles ainsi réussis». «Nous avons des modèles qui ont réussi et fait leur preuves tels que l'Iran, l'Egypte. Il faut s'en inspirer. Il ne faut pas en avoir honte». Au-delà des subventions, le parlementaire d'Alger soutient la «nécessité» pour l'Etat de «reprendre ses prérogatives». «Maintenant, il doit intervenir là où il faut et là où ses prérogatives le lui confèrent. Sur le plan de la régulation, appliquer la justice sur tout le monde. La justice a un prix». Il ne sait pas si l'Etat est déterminé à cibler les subventions. Mais, en tout cas, glisse-t-il, «il y a cette volonté dans les énoncés et le discours». «La nécessité impose ces choix. Ce n'est pas un choix délibéré mais un impératif». «La crise est sérieuse», selon lui, en dépit rappelle-t-il «de plein de choses que nous avons réalisé durant les quinze dernières années. Nous avons vu la situation et le niveau de vie s'améliorer pour les citoyens. Aujourd'hui, si on veut sauvegarder ces acquis il faut introduire une intelligence dans nos politiques». De son côté, Boudjemaâ Talai, député du Front de libération nationale (FLN) regrette le fait qu'«aujourd'hui, les subventions de l'Etat profitent à tous les citoyens, de toutes les catégories y compris des étrangers, au même titre que celui qui en a besoin». Donc, préconise-t-il, «il faut dans l'urgence identifier ceux qui ont en réellement besoin, et orienter l'aide de l'Etat vers ceux-là». Selon lui, «c'est valable pour l'huile, le lait, le pain… Et pour tous les produits qui sont subventionnés par le Trésor public, y compris pour le carburant qui aujourd'hui est acheté à 100 dinars et vendu à 20 dinars». «C'est un cinquième du prix, relève-t-il, qui profite d'abord à la contrebande, à l'est comme à l'ouest, et profite aussi à ceux qui n'ont pas besoin de l'aide de l'Etat», relève-t-il. «Il se trouve qu'un entrepreneur ou un rentier paye le même prix qu'un simple citoyen fonctionnaire ou salarié», déplore l'ancien ministre des Transports. Là aussi, ajoute le député d'Annaba, «Il faut trouver la solution, pour apporter l'aide de l'Etat aux vrais nécessiteux». Contrairement au cadre du RND qui pense que l'opération demande «plus de temps et de moyens (…)», le député de l'ex-parti unique simplifie les choses. Sur le plan pratique, «il faut établir une carte statistique. Le gouvernement a les moyens de le faire», a-t-il conclu. A. B.