Le chanteur folk-rock kabyle Ali Amran, qui a réussi avec certains autres artistes à redonner une âme à la chanson algérienne, en général, et kabyle en particulier, va animer un spectacle dans la ville balnéaire de Tigzirt, à quelques 40 kilomètres au nord du chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou. Jusque-là, il n'y a rien de spécial comme information, à l'exception d'un gala intéressant qui sera offert aux estivants qui ont opté pour Tigzirt et les habitants de cette ville côtière. Mais quand on se rend compte que c'est bien la direction de la culture de la wilaya de Tizi Ouzou qui organise le spectacle «dans le cadre du programme d'animation culturelle de la saison estivale 2017», l'on se dit qu'il y a vraiment un problème. Comment une direction de wilaya organise-t-elle un petit gala artistique alors qu'une petite association ou un petit organisateur de spectacle pourrait le faire facilement pour laisser la direction à l'aise dans ses grandes missions, notamment de gestion. C'est que l'on se rend compte de la nécessité d'une libération effective de l'initiative culturelle, au profit notamment du mouvement associatif et des femmes et hommes de culture. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, il y a pire. Une caravane culturelle (des spectacles de chants) est programmée pendant trois jours toutes les deux semaines, dans le cadre d'un programme fixé par les ministères de l'Intérieur et de la Culture, à travers notamment l'Onci et l'Onda. Il est vrai que c'est un programme intéressant dans la mesure où il vise à animer la scène culturelle dans les localités, mais est-il nécessaire d'impliquer le ministère de l'Intérieur dans l'organisation de quelques petits galas artistiques ? Pourtant, c'est la saison estivale et c'est la période la plus propice pour l'organisation de milliers de galas et de spectacles culturels de toute sorte, sans que le problème d'infrastructure ne se pose. Le plein air est une aubaine pour les amoureux de la culture et des arts, mais aussi pour les autorités publiques qui se verraient délestées de charges inutiles. Dans la seule ville de Houston, au Texas, il y a des dizaines de spectacles de chants en plein air tous les soirs. Des spectacles organisés dans le cadre de festivals ou non. Ni l'Etat du Texas ni le gouvernement fédéral ne s'implique dans l'organisation. Tous les espaces publics sont occupés par des concerts de country, de blues, de jazz organisés par des associations ou des organisateurs de spectacles sponsorisés par des entreprises, et ni la mairie ni le comté ne leur demande une pile de documents administratifs pour qu'ils puissent organiser un petit gala, l'essentiel étant d'attirer les touristes de toutes parts pour renflouer les caisses de la ville et de l'Etat. D'autres villes de la planète font de même sur les cinq continents. Ce n'est pas le cas en Algérie, où tout doit passer par l'administration. Tout doit être contrôlé. C'est terrible de croire qu'il faut attendre le ministère de l'Intérieur pour organiser trois galas dans des localités comme Mekla, Draa el Mizan et Aïn el Hammam. Le mouvement associatif ayant été inhibé par l'omniprésence de l'Etat dans la sphère culturelle, il est temps pour les pouvoirs publics de revoir leur politique culturelle en libérant l'initiative et le champ culturels, en commençant par aider les associations à se reconstruire sur la base d'activités sérieuses et de qualité, et non sur la base de l'allégeance et de la soumission. Ce sont ces mêmes associations, en collaboration avec les artistes, qui seront appelées à animer les villes et les villages d'Algérie. Que ce soit sur le littoral ou dans le pays profond. Et la saison estivale sera une aubaine pour ces acteurs de la scène culturelle pour occuper le terrain, notamment grâce au plein air qui multiplie les possibilités. Parce que grâce au plein air, plusieurs spectacles peuvent être organisés dans une ville qui ne dispose que d'une salle de spectacle. M. B.