De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi «La situation de l'eau dans la région affiche un baromètre moyen», a affirmé le directeur de l'hydraulique de la wilaya de Constantine, M. Kherraz, qui a brossé un tableau de la situation aussi détaillé qu'objectif. «Si la pluviométrie a gâté la quasi-totalité des 20 barrages dans ce périmètre, il ne faut surtout pas croire que l'on a enregistré des excédents», précisera-t-il. Il est vrai qu'avec 67% de taux de remplissage, toute la région reste à l'abri d'une éventuelle crise «hydrique», d'autant que les deux principaux barrages d'envergure, à savoir Oued Athmania et Beni Haroun qui desservent aussi les régions limitrophes du Constantinois, ont atteint un niveau de remplissage respectivement de 98 et de 55,25%. Malgré cette pluviométrie, les responsables des ressources restent raisonnables. Ils se reposent sur des statistiques fiables et s'interdisent de crier victoire pour éviter de gaspiller la précieuse eau. C'est le cas de notre interlocuteur qui rappellera : «On se trouve dans la moyenne. Il faut se mettre en tête qu'en décembre dernier, il n'y avait pas pratiquement de pluie. C'est, en fait, un équilibre qui s'est réalisé à la faveur de la grande abondance enregistrée en janvier», analyse-t-il concrètement. Et d'étayer son argumentaire : «Pour le moins, aucun barrage à l'Est n'a débordé…». Pour rester dans le chapitre du taux de remplissage, il faut savoir que plus de 90% des barrages ont dépassé 50% de remplissage, dont 7 à 100%. Il s'agit des barrages implantés à M'Sila, Mila, SkikdaBiskra, Khenchela. Seuls les bassins de Aïn Dalia à Souk Ahras et de Hammam Ghrouz à Mila n'ont pu franchir la médiane et totalisent 33,78 et 16,44% de remplissage. Mais ce déficit ne semble pas influer sur l'alimentation de ces deux régions dès lors qu'elles bénéficient d'«approvisionnement» venant d'autres régions. C'est le cas de Oued Cherif à Souk Ahras et de Beni Haroun à Mila. Pour ce dernier, le directeur ne manquera pas de rassurer sur la bonne santé de ce grand bassin, inauguré en 2007 par le président de la République, après les problèmes qu'il a connus lors de sa mise en service en raison des fuites ayant affecté sa digue. «On ne laisse pas le barrage rempli si un éventuel danger de fuite persiste», affirme le responsable. Questionné sur la problématique de l'envasement des infrastructures de retenue d'eau, le responsable avouera qu'«il n'existe pas de barrage qui ne connaisse pas ce phénomène. Du moins, le dernier rapport établi par le ministère de l'Environnement fait ressortir un pourcentage de 11% de la capacité de stockage annuel à l'échelle nationale». Pour y remédier, dira notre interlocuteur, il existe des techniques, telles les opérations de reboisement en amont qui contribuent d'une façon satisfaisante à minimiser les ravinements. Plus clair dans son explication, il attribuera l'envasement à l'urgence émise pour construire des barrages c'est-à-dire l'importance de fournir par-dessus tout de l'eau au détriment de la prise en charge initiale du phénomène cité qui se règle, parfois, soit en parallèle des travaux, soit en accusant un peu de retard. «Il importe de répondre à l'urgence», devait préciser M. Kherraz qui tempère en affirmant que «l'envasement est un problème mondial qui n'est pas propre à notre pays» avant de préciser que, «de toute façon, l'eau distribuée est propre. Aucun cas de suspicion n'est venu prouver le contraire ces dernières années». Qu'en est- il des autres ressources hydriques de la région ? Ainsi, Constantine se réjouit en plus de son alimentation par les barrages susmentionnés et ses nappes phréatiques. Ces ressources souterraines sont exploitées à 95%. Les secteurs qui en bénéficient sont l'agriculture, l'alimentation et, à un degré moindre, l'industrie. Pour réduire la déperdition, voire le gaspillage de cette eau, il a été procédé, il y a près de trois années, à l'instauration d'une autorisation de forage outre le recensement dernièrement de tous les exploitants de ces ressources en vue d'économiser la richesse hydrique. «L'approche étant simple : sensibiliser et appliquer une dissuasion se matérialisant par des redevances. C'est une logique mondiale de respecter l'eau, et à laquelle on ne fait pas exception. Le m3 est taxé à 25 DA. Si l'industriel, à titre d'exemple, se voit dans la nécessité de consommer 100 m3, il ne devra pas dépasser cette limite sous peine d'en payer les frais», dira le directeur. Dans le même contexte, pour les agriculteurs, une enquête sera lancée incessamment pour les utilisateurs des forages agricoles. Ils seront recensés à leur tour pour être soumis à des taxes. Une façon de dire qu'on «ne joue pas avec l'eau» à sa guise. Il faut souligner que Constantine, qui a renouvelé son réseau à la faveur de l'enveloppe financière dégagée par le gouvernement à cet effet, aura réduit de 20% les pertes. Le wali de Constantine estime, cependant, avoir réussi un double pari. A savoir, assainir les canalisations vétustes et par ricochet faire taire les langues qui donnent Cirta une ville «glissante». Pour sa part, M. Kherraz recadre cette économie de déperdition dans les normes. «Dans des pays développées, la tolérance de déperdition varie entre 15 et 20%. Je pense qu'on a franchi quand même un grand pas dans ce sens. Même s'il reste des efforts à consentir pour faire encore baisser l'aiguille des pertes.» Ces efforts devront être ressentis avec la signature, en été dernier, d'un contrat d'assistance à la gestion de l'eau des 12 communes de la wilaya. En effet, la Société des eaux et de l'assainissement de Constantine (SEACO) apporte sa touche mixte puisqu'elle s'appuie sur la Marseillaise des eaux et l'Algérienne des eaux, pour réguler la gestion du secteur. Le directeur de l'hydraulique de la wilaya se montre intransigeant pour appliquer à la lettre son objectif : «La gestion rigoureuse de l'eau doit rimer avec un environnement dépollué.» «Amis de l'eau, protégez l'avenir de vos enfants» sera le prochain thème de la journée de sensibilisation prévue le 22 mars prochain, un slogan cible pour mettre fin à la déperdition excessive, conclut le directeur.