Comment apporter des solutions à un problème qu'on n'arrive pas à cerner ? En Algérie, on sévit. Les aveux d'incompréhension faits par différentes personnalités au sein du pouvoir face à la persistance du phénomène de harraga n'augurent rien de bon. Le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, déclarait en janvier dernier qu'«à ce jour, on ne connaît pas les véritables causes qui sont derrière le phénomène des harraga». Quelques jours après, c'est au tour du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, de s'interroger sur la question en déclarant : «Même s'il y a le chômage, il n'y a pas de problème pour gagner sa croûte en Algérie.» La même personnalité, en qualifiant le phénomène de «tragédie nationale», reconnaît que ce n'est pas «seulement une affaire de milliards de dinars, de programmes ou de mesures, c'est quelque chose qui ne peut venir que de notre fond, là où on se sent responsable et citoyen». Cela dit, M. Ouyahia estime que «le problème se pose en termes de donner à cette jeunesse une flamme d'espoir et une raison de croire en leur pays». En attendant de trouver la formule idoine, qui nécessite beaucoup d'imagination et de temps, des mesures pour parer au plus urgent sont consenties. Le 21 janvier dernier, les députés de l'APN ont adopté un projet de loi amendant et complétant l'ordonnance N° 156-66 portant code pénal. Le projet de loi, dans l'un de ses volets, incrimine les passeurs qui seront passibles d'une peine de 20 ans de réclusion. Même si les migrants clandestins sont déclarés «comme victimes», ils restent, toutefois, passibles d'une peine d'emprisonnement de 6 mois. En décembre dernier, le tribunal correctionnel de Annaba a condamné 65 personnes interceptées en mer par les gardes-côtes à une amende de 30 000 DA chacun. Comment peut-on interpréter ces décisions ? Concernant celles prises à l'encontre des passeurs, la lourde peine est plus que justifiée, puisque ce sont de véritables réseaux de contrebande et de traite humaine. Par contre, de quelle manière doit-on interpréter la sanction vis-à-vis des jeunes harraga ? Est-ce un électrochoc ? Doit-on comprendre cette forme de punition comme la gifle qui est censée remettre les idées en place ? Ou est-ce tout simplement un aveu d'impuissance ? Mais avant de verser dans la critique facile, il faut reconnaître qu'un problème de cette taille est très difficile à gérer. D'autant qu'il n'est pas une exclusivité algérienne. Il n'est ni conjoncturel ni simplement social, économique ou culturel. C'est un amoncellement et un enchevêtrement de plusieurs frustrations accumulées et refoulées qui ont fini par détruire des composantes cruciales de l'ambition : le rêve et l'espoir. De cela, les autorités algériennes sont conscientes. Preuve en est, les différentes interventions du président de la République, qui, à plusieurs reprises, axe ses discours sur cette frange de la société, les nouveaux mécanismes mis en place pour lutter contre le chômage et en matière de formation… Des mesures, certes appréciables, profondes mais lentes et la jeunesse n'attend pas.