Photo : Riad De notre envoyé spécial à Tizi Ouzou Ali Boukhlef Tizi Ouzou veut visiblement tourner une page de son histoire. A deux jours de la visite de Abdelaziz Bouteflika, demain, dans le cadre de sa campagne électorale, la ville des Genêts tente tant bien que mal de se faire belle, malgré les stigmates d'un passé douloureux. Sur l'autoroute qui mène d'Alger à Tizi Ouzou, à la beauté éclatante des champs verdoyants, dorés d'un soleil aussi clément que rayonnant, se mêlent des travaux tous azimuts, en cette matinée du mercredi 25 mars, annonciateurs d'un proche événement que vivra la région. Il n'échappe pas au visiteur que les travaux d'embellissement, menés au pas de charge par les travailleurs de la voirie des wilayas de Boumerdès et Tizi Ouzou, sont destinés à accueillir un Abdelaziz Bouteflika plus confiant que jamais, surtout après son passage réussi à Béjaïa. Mélange des genres, dira-t-on, étant donné que Bouteflika viendra normalement en candidat. Mais peu importe ! Puisque les partisans du président candidat deviennent de plus en plus nombreux à mesure que l'échéance du 9 avril approche.La preuve ? A écrire plutôt au pluriel. Contrairement aux habitudes d'une ville réputée rebelle, les murs de Tizi sont garnis de posters de Abdelaziz Bouteflika. A y regarder, il n'y a qu'un seul candidat pour l'élection présidentielle. Point de posters d'autres prétendants. Toute l'agglomération –même les communes environnantes- vit au rythme de Bouteflika. Et, cerise sur le gâteau, plusieurs permanences sont ouvertes aux quatre coins de la cité ; des locaux d'où fusent des musiques forts décibels. Situé dans un quartier plutôt populeux, non loin de la maison d'arrêt de la ville, le QG (le siège de la direction de campagne) ne désemplit pas. Des dizaines de visiteurs attendent d'être reçus, des heures durant, par le très dynamique directeur de campagne de wilaya, El Hadi Ould Ali. Pendant que ce dernier s'affaire à recevoir tout ce beau monde, ses collaborateurs, recrutés de divers horizons, s'appliquent à accomplir leurs tâches. Qui pour préparer des affiches, qui pour ouvrir une nouvelle «permanence» et d'autres pour terminer un programme ou plutôt affiner une sortie sur le terrain. Tout cela se passe dans une ambiance bon enfant.Dehors, la ville toujours sale comme d'habitude vit en attendant des jours meilleurs. «Nous sommes avec Bouteflika», réplique un vieil homme, couffin en main, avant de prendre congé de nous et se faufiler dans cette foule immense qui ne quitte jamais la «Grande Rue» de Tizi Ouzou durant la journée. «C'est une bonne chose [que Bouteflika vienne à Tizi]. La Kabylie a besoin de quelqu'un qui puisse lui redonner espoir et s'intéresser à son développement», indique un quadragénaire, qui dit travailler dans le sud du pays. Son ami rétorque : Conformément à l'esprit libre des Amazighs, Abdelaziz Bouteflika est libre de venir, comme il peut le faire dans n'importe quelle région du pays. Mais les gens sont aussi libres de voter pour lui ou pour un autre.» Mais, plus prolifique, ce dernier estime que «la région a besoin de développement et du travail pour la jeunesse. Mais il ne faut surtout pas oublier notre spécificité : nous ne marchandons pas notre identité». Mohamed, retraité de l'Enaditex, une entreprise spécialisée dans le textile, ne voit pas d'inconvénient à la visite de Bouteflika dans sa ville. «Bouteflika est un Algérien comme nous tous. Il est dans son pays. Mais le problème qu'il faut poser est celui de tout un système qui ne veut pas changer», peste notre interlocuteur qui ne demande qu'à «vivre en paix».La paix et le développement ! Voilà les deux maîtres mots qui reviennent dans la bouche de ceux qui nous avons croisés lors de cette virée tizi-ouzouéenne. Arezki Addi, directeur d'école, n'en pense pas moins. Discutant à bâtons rompus avec deux de ses collègues, Arezki veut «souhaiter la bienvenue au président Bouteflika». Pour lui, l'essentiel est que le chef de l'Etat «change cette situation de dégradation que vit la région». C'est pour cela qu'un de ses deux collègues s'enthousiasme : «Les Kabyles doivent se mobiliser pour accueillir leur Président» et travailler «main dans la main» pour sortir la région de l'ornière.Pendant ce temps, la ville des Genêts continue de prendre son mal en patience. Ni les ordures qui jonchent le parterre, ni les marchands à la sauvette qui opèrent en toute impunité, et encore moins les trottoirs défoncés et les chaussées poussiéreuses ne changent de visage. Cette situation va-t-elle changer à l'issue de cette visite qui a toutes les chances de sceller la réconciliation entre la région et Abdelaziz Bouteflika ? C'est ce qu'espère une population, apparemment lasse de n'entendre que des mauvaises nouvelles.