De notre correspondant à Oran Mohamed Ouanezar Comment évoquer Oran sans citer ses places, jadis, splendides, et ses sites mémorables qui ont fait sa fierté et sa grandeur par le passé ? L'une des plus belles chansons écrite par un ancien poète oranais inconnu et joliment interprétée par les deux enfants de la ville, le maestro Blaoui Houari et cheb Benchenet Houari, évoque justement ses belles places et leurs faits et mérites historiques. C'est l'exemple de la source de Raz El Aïn, communément appelée «El Bassane», où les femmes se rencontraient dans le vieil Oran pour laver le linge. Elle est devenue, par le temps, un lieu d'évasion privilégié des femmes oranaises où se racontent et se décortiquent tous les secrets de la ville et de ses responsables. Un trait d'union pour les femmes d'El Bahia où s'abreuvaient également les bêtes de somme des commerces ambulants. Entouré de verdure et de buissons très denses, El Bassane tire sa renommée de l'amour que lui vouaient ces femmes d'antan. Aujourd'hui, El Bassane n'est plus qu'un souvenir, après sa prise en main par l'EPEOR. La réalisation d'une route pour décongestionner la ville a plongé le site dans l'oubli total. Autre lieu, autre histoire : la prestigieuse place Tahtaha dont l'âge est égal à celui du quartier de Mdina Jdida où elle se situe. La place est le témoin de faits historiques d'une grande valeur. La résistance nationale y a perpétré plusieurs attentats contre les colonialistes. La place a également vécu l'un des plus barbares actes du colonialisme français. L'attentat perpétré par l'OAS en 1961 faisant des morts et des dizaines de blessés parmi les occupants d'un café populaire. Durant le colonialisme, et bien après, Tahtaha était le lieu d'exhibitions et de rassemblements en tous genres. La place était d'une renommée telle qu'elle accueillait des étrangers venus des quatre coins du monde à l'époque. Place commerciale avant tout, Tahtaha -qui veut dire place gigantesque en arabe- accueillait également des touizas importantes où jouaient les plus beaux cavaliers de toute la région et même d'ailleurs. Des échanges commerciaux importants s'y déroulaient provenant de toute la planète. Bien évidemment, des cercles de poésie populaire «melhoune» y étaient régulièrement tenus. Des chants bédouins et autres danses folkloriques trouvaient un écho dans cette place historique aujourd'hui délaissée et très mal entretenue. Dans ce quartier de Mdina Jdida où naquit également le premier guillotiné de la guerre de libération nationale, le chahid Ahmed Zabana, nous citerons également Madrassat El Falah. Une école coranique qui a su préserver l'identité nationale et inculquer les valeurs nationalistes à d'innombrables enfants d'Oran. D'éminents uléma de la région, de l'Afrique et du Moyen-Orient y ont dispensé l'apprentissage du Coran. De cette notoriété et de ces vocations multiples, Mdina Jdida n'a gardé que le commerce.