A 48 heures seulement de la tenue du sommet de G20, tous les regards sont d'ores et déjà braqués vers la capitale anglaise, Londres. Les analystes et experts de la scène économico-financière mondiale n'ont pas manqué, depuis quelque temps, d'indiquer que cette rencontre sera décisive à plus d'un titre. Et les participants n'ont plus droit à l'échec. Les sommets cycliques organisés ici et là depuis l'avènement de cette crise, ont mis à nu le consensus de façade des dirigeants des pays développés trouvé durant chaque rencontre. Aucune décision commune capable d'endiguer la récession économique mondiale n'a été prise par les dirigeants. Les pays européens ne se sont pas réellement entendus sur le véritable plan à prendre. Les Etats-Unis, avec un président fraîchement élu, ont adopté un plan de relance de 700 milliards de dollars, et attendent des Européens une meilleure contribution monétaire pour augmenter la capacité de financement du FMI. Cette semaine, la Chine a jeté un véritable pavé dans la mare en défendant bec et ongles le remplacement du dollar comme monnaie de réserve. C'est dire combien le sommet de G20, qui regroupe les grands pays industrialisés du G8 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon et Russie), l'Union européenne (UE), ainsi que l'Afrique du Sud, l'Arabie saoudite, l'Argentine, l'Australie, le Brésil, la Chine, la Corée du Sud, l'Inde, l'Indonésie, le Mexique, la Russie et la Turquie, est important et décisif. Vers un G20 inédit Depuis son annonce cette semaine, le vœu chinois de réactiver les DTS, monnaie de réserve mondiale, en remplacement du dollar n'a fait que monter la pression. Mais les observateurs les plus avertis de la scène financière internationale, ont fait savoir que le discours inhabituellement diffusé en anglais et en chinois sur le site de la banque chinoise confirme qu'il est destiné à une audience internationale. Mieux, cette proposition, est selon Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque centrale chinoise, cité par l'agence Novosti, est prise en concertation avec…Moscou. Rappelons que le pays de Medvedev a appelé le FMI à créer une monnaie de réserve supranationale. «Un projet de longue haleine», reconnaît ce responsable chinois cité par l'agence de presse russe. La volonté chinoise de changer le système financier mondial trouve son essence, selon la même source, par le fait que ce premier est créancier des Etats-Unis avec 585 milliards de dollars et plus grand détenteur de réserves en billets verts avec 2 000 milliards. Mais pourquoi cette annonce à quelques jours seulement du sommet de G20 ? La réponse est que la Chine avec la Russie, le Brésil et l'Inde, formant ainsi l'entité appelée le Bric, veut accroître leur influence dans la gouvernance économique mondiale. Donc, le sommet est une tribune à ne pas rater pour atteindre ces objectifs. Cette initiative commune et largement médiatisée leur permettra (les pays de Bric), selon certains experts d'«augmenter les prêts des institutions financières internationales aux pays émergents et surtout demander des réformes urgentes du FMI qui leur permettent d'y être mieux représentés». Néanmoins, les dix pays du Sud dans le groupe du G20 -Brésil, Russie, Inde, Chine, Mexique, Indonésie, Arabie saoudite, Corée du Sud, Argentine et Turquie-, inégalement affectés par la crise mondiale, veulent, eux aussi, profiter de leur avantage relatif pour accroître leur influence dans la gouvernance économique mondiale, ajoutent d'autres experts, pour qui, ces «revendications» semblent être légitimes, compte tenu du quota de ces pays au conseil du FMI. Ces experts s'interrogent même pourquoi un pays tel que la Chine possède seulement 4% de voix au conseil du FMI, soit le même pourcentage de voix de… la Belgique, alors qu'avec moins de 2% de droits de vote, l'Inde existe à peine face aux 32% de l'Union européenne. «Une crise globale exige des solutions globales», vient de réaffirmer aussi le président brésilien Lula au Premier Ministre britannique Gordon Brown, qui s'est rendu jeudi dernier au Brésil dans le cadre d'une tournée préparatoire au sommet de Londres. De son côté, le président indonésien a fait savoir qu'en tant que victimes d'une crise financière causée par le dérèglement du crédit américain, les pays émergents doivent être associés à la construction d'un système économique mondial plus équitable pour les pays en développement. La suprématie des Etats-Unis intouchable Mais face à cette montée en flèche des pays émergents à leur tête la Chine, les premières puissances mondiales semblent ne pas être prêtes à laisser le rôle incontournable de gendarme du système international aux autres pays. Preuve en est, les toutes récentes déclarations d'Obama et de Brown. En effet, malgré le soutien de la Russie, la Chine a été «rappelée à l'ordre» par la première puissance mondiale. Si celle-ci a tenté, cette semaine, de poser la question d'une nouvelle monnaie de réserve internationale, ce qui mettra fin à l'hégémonie du dollar et surtout à ses perversions, il n'en est pas question de toucher à la sacro-sainte suprématie des États-Unis. Barack Obama a déclaré cette semaine que son pays est prêt à assumer son leadership. Son traditionnel allié, hôte du sommet de G20, lui a emboîté le pas en faisant savoir que les monnaies de réserve ne seront pas un grand sujet de débat à cette réunion. En tous cas, tout porte à croire que le sommet de G20 serait organisé dans une atmosphère inhabituelle, due notamment à l'obligation des résultats qui pèse lourdement sur la tête des participants, mais aussi cette remise en cause de la représentativité des pays émergeants au sein du FMI. Afin d'éviter une autre crise entre les Etats, le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies (ONU), a déclaré, depuis Moscou, que le G20 de Londres n'a pas droit à l'échec. Sinon…une catastrophe humaine. Pour Ban Ki-moon, l'échec des Etats du G20 à adopter une stratégie commune de lutte contre la crise économique mondiale risque d'entraîner une «catastrophe du développement humain» et une «crise politique mondiale». «Je vais m'exprimer avec force à Londres [lors du sommet du G20] pour que des actions soient mises en œuvre pour enrayer une potentielle catastrophe du développement humain», a-t-il déclaré vendredi dernier au cours d'un exposé devant des officiels russes à Moscou. Selon lui «la crise bancaire est devenue une crise financière, la crise financière est devenue une crise économique. Et désormais, mon inquiétude est que si l'on n'agit pas comme il faut rapidement, on pourrait de manière alarmante s'orienter vers l'instabilité politique et vers une crise politique». Attendons pour voir. S. B.