«Va faire cuire de la galette !» Cette apostrophe minablement machiste aurait fait partie du bêtisier d'une morne campagne électorale si elle n'exhalait pas des remugles misogynes et des miasmes sexistes. La charismatique leader du Parti des travailleurs l'aurait subi récemment dans une région où la virilité des hommes se confond souvent avec celle du mérinos cornu. Mais, au-delà de cette philippique de maquignons, l'injure pose finalement la question de la vision qu'ont les Algériens de la politique au féminin. Et, particulièrement, de l'idée qu'ils se font d'une femme présidentiable. A juste titre, l'heureuse intrusion de Louisa Hanoune dans la politique et, surtout, sa dimension incontestable de femme d'Etat, interpellent de manière subversive la société algérienne. Elles dérangent beaucoup l'ordre machiste immémorial. L'existence de Louisa comme femme politique, mieux, comme un cas d'école unique dans le monde arabe, porte en elle les germes féconds d'une déstabilisation positive de l'ordre masculin établi. Hanoune, chef d'un parti structuré, stable et solidement implanté, voilà déjà une bonne nouvelle politique. Louisa, candidate à l'imamat politique du pays, ah ! Les heureux augures pour une Algérie portant fier le turban du conservatisme ! L'exhortation à se cantonner dans l'art de pétrir la semoule au profit de quelque mâle de salon, est finalement un délicieux paradoxe. Elle incite à s'interroger sur le degré de préparation du pays à accepter, demain, d'être dirigé par une femme. A ce propos, la bonne image et la côte d'amour dont bénéficie la porte-parole du PT constituent un autre savoureux sophisme. Souvent, à son égard, on a entendu dire que «normalement» une femme ne devrait pas gouverner le pays, mais si c'est Louisa «maâlihch». Tout est donc dans ce «maâlihch», ce «pourquoi pas» qui permet l'espoir. Et, ne boudons pas notre plaisir précoce, Hanoune est une Louisa d'avenir. Cette femme d'exception, qui a l'âge de la Révolution de Novembre 1954, est aujourd'hui politiquement mûre comme le blé qui lève. Elle est à la tête du seul parti à disposer d'un véritable fichier de militants structurés, actifs et à jour de leurs cotisations. Une formation au discours clair et constant, charpenté par le souverainisme politique et le patriotisme économique. De plus, contre tous les mâles de l'opposition démocratique, Louisa a finalement eu raison d'adopter une patiente position de présence politique permanente sans participation au gouvernement. Attitude pragmatique et réaliste qui lui a permis d'installer le PT dans le paysage et de se construire pour elle-même une image de femme d'Etat, courageuse et responsable. La crise endémique d'un libéralisme sauvage et prédateur a validé, a posteriori, son discours économique nationaliste. Son opposition farouche, publique et constante à la première mouture scélérate de la loi sur les hydrocarbures, a conforté son image de patriote inoxydable. La guerre d'usure qu'elle a menée contre ce texte surréaliste, seule, à l'extérieur du régime, aurait été même son véritable acte de naissance comme femme d'Etat présidentiable. Ce n'est donc pas un pur hasard si, aujourd'hui, face au candidat le mieux placé pour sa propre succession, elle est la seule à développer une offre politique raisonnée et globalement raisonnable. Et, malgré les modestes moyens de son parti, elle est la seule à mobiliser et à susciter désir et engouement partout où elle porte son verbe. Mieux qu'exister, Louisa Hanoune porte désormais une espérance de profond changement. Ses partisans comme ses sympathisants se comptent désormais au-delà des cercles de recrutement progressistes d'un parti ouvriériste comme le sien. Le PT est désormais un parti pour les couches défavorisées et pour les segments déclassés des classes moyennes. Il est aussi un cadre de captation de voix de jeunes et de femmes. Bref, c'est un parti populaire avec, à sa tête, une «Hugo Chavez algérienne», avec la dimension virile et militaire en moins. Mais, on l'aura compris, comparaison n'est pas raison. Encore que… N. K.