Vivre. S'il fallait résumer en un mot ce qu'attendent les jeunes Algériens du Président fraîchement réélu, c'est cela. Ils veulent se sentir vivre. Sortir, s'amuser, savourer la liberté de leur âge, se projeter dans l'avenir et s'employer à réaliser ces projections. Avoir des centres d'intérêt, pratiquer du sport, disposer d'espaces de rencontres entre amis. Des espaces d'expression et de partage. Poursuivre des études ou des formations. Apprendre. Evoluer. Aimer ce qui les entoure et tenter de réaliser leurs espérances en profitant des plaisirs de la vie, si faciles d'accès pour d'autres… ailleurs, mais qui restent, pour eux, un luxe inaccessible. En Algérie, les jeunes ne vivent pas. Ils survivent ! Ils sont trop nombreux à errer d'un quartier à un autre, sans perspectives, avec comme seule motivation celle de faire avec les moyens du bord pour «tuer le temps» et oublier le manque. La délinquance, la drogue, les magouilles ou la harga se substituent au vide laissé par l'espoir en l'avenir, en la possibilité d'avoir des projections réalisables dans leur pays. Sans emploi, sans logement, sans voiture, sans moyens pour profiter du minimum de bonheur que peut offrir la vie algérienne, il est difficile d'entretenir l'espoir. Dans ce contexte, demander ce qu'attendent les jeunes du «nouveau» Président est une question difficile à poser à cette catégorie de la population qui se sent de moins en moins concernée par les affaires politiques du pays. D'ailleurs, c'est à se demander si les jeunes attendent quoi que ce soit ! Ou s'ils se désintéressent allègrement de la présidentielle, un événement censé être crucial. Certains parmi eux se garderont d'exprimer leurs attentes. Des attentes, ils en ont mais faute de croire au changement, ils ne se permettent pas le plaisir de les formuler. D'autres trouvent la force d'être positifs. Ils croient au changement et veulent même y participer. Sarah, jeune étudiante de 23 ans, en fait partie. Des attentes, elle en a à en revendre. Elle les débitent sans se faire prier : «Un meilleur statut pour la femme, régler le problème du logement et de l'emploi, ne plus marginaliser les pauvres et les SDF, s'occuper des jeunes, relever le niveau de l'enseignement, régler les problèmes de circulation routière, offrir de meilleurs salaires, créer des espaces de loisirs, un meilleur système de santé… ». Il a fallu l'interrompre, pour céder la parole à d'autres. Yacine, 26 ans, jeune commercial, parlera de meilleurs salaires, d'accessibilité au logement, de villes plus propres, d'instaurer une atmosphère plus professionnelle propice au développement. Il évoque, à cet effet, l'éradication de la corruption, des passe-droits et de l'injustice qui empêchent la société d'évoluer dans le bon sens. Mohamed, jeune chômeur, dira de son côté, sur un ton plein de dérision et de lassitude que sa seule attente et de sentir «drahem el pétrole !» (l'argent du pétrole). Et d'expliquer : «qu'il [le nouveau Président] nous donne des logements pour qu'on puisse se marier, un travail pour subvenir à nos besoins et le reste on s'en occupe !». Les attentes des jeunes Algériens ne diffèrent pas des autres jeunes de la planète. Ils rêvent comme partout ailleurs d'amour, de petits plaisirs du quotidien à gagner à la sueur de leur front, d'espaces pour s'exprimer, de lieux pour partager et construire une vie à leur image. Leurs attentes sont nombreuses et les défis que le Président devra relever sont grands… mais le plus fort d'entre tous est celui de réussir à les associer aux changements à apporter pour «vivre» ce à quoi ils aspirent… F. B.