La caractéristique la plus incontestable du football algérien, c'est l'instabilité des staffs techniques des équipes qui animent les premières divisions. Cette instabilité est décidément l'élément le plus constant dans une discipline qui se cherche encore une voie. Evoluant dans un environnement désencadré, le technicien est souvent désigné du doigt dès que les résultats ne suivent pas ou bien quand il commence à s'attaquer au mode de gestion du club, qui ne répond à aucune norme sportive. Le modèle de gestion de nos clubs est tissé, à quelques exceptions près, en fonction des amis du président et de ses intérêts personnels. Ce qui ne laisse aucune place à une gestion rationnelle comme cela se fait chez certains clubs arabes, à l'image du Ahly (Egypte), de l'Espérance (Tunis), qui, loin de pleurnicher aux portes des autorités pour des subventions qui seront mal exploitées, sont devenus de véritables institutions de football. A tel point que les clubs dits grands en Algérie n'arrivent plus à rivaliser avec les voisins. Avec les succès d'Abdelhak Benchikha à Tunis et de Nouredine Saadi, à Tripoli, c'est manifestement la réhabilitation des compétences du technicien algérien. C'est aussi la preuve que l'entraîneur en Algérie est constamment mal assis. Deux positions inconfortables s'offrent à lui. Un : on attend qu'il réalise ce que les conditions de travail et les moyens du club ne lui permettent pas. Son sort est connu. Remerciement. Deux : on souhaite que le technicien gère des humeurs et pas un travail à même de mener à la performance. Ses jours, dans cette situation, sont comptés. L'instabilité chronique qui a atteint le banc de touche de nos clubs est visiblement la marque de fabrique des dirigeants. Ces derniers semblent créer leur cogito : «Je change d'entraîneurs, donc j'existe.» La responsabilité des présidents de club est certes engagée. Elle n'est pas néanmoins entière. Car des techniciens qui élèvent souvent la voix pour dire leur mécontentement donnent aux présidents des raisons de se comporter de la sorte. En acceptant de coacher plus d'une équipe pendant une moitié de championnat, les entraîneurs font perdre à leur métier sa crédibilité et son aura. Ils sont en effet nombreux à ne pas hésiter à s'engager à la tête d'une formation alors qu'ils savent pertinemment qu'ils n'ont rien à apporter sur le plan technique. Il faudrait peut-être aboutir à cette conclusion : la situation arrange les entraîneurs qui bénéficient d'une liberté de mouvement même quand la loi leur interdit plus de deux licences par an. La consolation vient de quelques rares techniciens qui continuent de résister en refusant la tentation du bricolage. Dans un exercice de schématisation du va-et-vient des coachs, des observateurs s'accordent à dire que le risque de remerciement est plus grand chez les équipes les plus populaires où la pression se fait facilement sentir au moindre match raté à domicile. Si les équipes du «premier collège» vivent encore au rythme d'une permanente instabilité managériale compte tenu des difficultés qu'elles rencontrent pour la réalisation des objectifs tracés, certaines formations sont venues ces dernières années s'installer dans cette zone mouvementée. Avec un niveau de plus en plus équilibré dans le championnat de première division, une dizaine d'équipes se sont mises à rêver du titre. Légitime. Mais les ambitions ne riment plus avec stabilité. C'est dire que l'instabilité finira inévitablement par s'installer partout. Les spécificités ne tiendront pas longtemps. A. Y.