Le Premier ministre français, François Fillon, a affirmé hier que la relation entre l'Algérie et la France est «exceptionnelle». «Nous allons démontrer que la relation entre l'Algérie et la France est une relation exceptionnelle entre deux grands pays qui ont une histoire commune, mais surtout un avenir commun.» Fillon a ajouté que sa visite vient «démontrer à quel point la relance de la coopération entre l'Algérie et la France entre dans une phase désormais de mise en œuvre». Le Premier ministre français qui est, a-t-il dit, accompagné de «six membres de [son] gouvernement et d'une très grande délégation de chefs d'entreprise», a également confirmé que des accords «très importants» seront signés dans le cadre de sa visite. «Je confirme que la France est prête à signer un accord dans le domaine du nucléaire civil, dans le domaine de la défense et dans le domaine financier», a-t-il ajouté, précisant que «tous les engagements qui ont été pris par le président de la République [M. Sarkozy], nous sommes là pour les tenir». De relations privilégiées à relations exceptionnelles, les rapports algéro-français continuent à se chercher dans ce tumulte de flux et reflux, d'attirance répulsive, de passion qui tarde à céder la place à la sérénité tant nécessaire dans une relation d'Etat à Etat, fondée sur des bases de respect, de coopération et d'intérêts mutuels. Pourtant, ces principes sont dans tous les discours officiels, notamment français. Cependant, il y a comme un sentiment de paternalisme, comme une attitude de tuteur autoproclamé dans les faits et gestes de l'Etat français qui veut effacer d'un trait une mémoire collective, un mythe fondateur d'une nation et d'un Etat, en refusant d'admettre sa responsabilité historique dans l'occupation d'un territoire, dans l'oppression d'un peuple, dans le pillage de richesses, dans l'acculturation d'une société dont le taux d'alphabétisation en 1830 était supérieur à celui de bon nombre de pays européens de l'époque. La reconnaissance par la France de ses crimes coloniaux, de son agression contre une terre de paix où cohabitaient, de façon harmonieuse, musulmans, juifs et chrétiens, pourrait libérer les mémoires de leurs chaînes passéistes, pourrait apaiser les blessures collectives et les douleurs vives d'une société dont le colonialisme a bouleversé le cheminement. C'est le colonialisme et son racisme qui ont semé les graines de la haine, de la rancœur sur cette terre de passion, sur cette terre fertile pour toutes les civilisations, pour toutes les cultures, pour toutes les langues. C'est en fait à la France de rompre avec son arrogance et de revisiter son histoire du haut de ses gloires éternelles que sont sa révolution de 1789 et sa Déclaration des droits de l'Homme, socle de l'Etat et de la société d'aujourd'hui. Les relations d'exception sont possibles mais ne peuvent se matérialiser uniquement à travers la coopération matérielle. L'Algérie est une nation et un Etat sentimentaux. Par le pouvoir d'un mot, comme disait Paul Eluard, Alger et Paris peuvent tout recommencer. Ce Mot, c'est à Paris de le dire. A. G.