On croirait que les gens interrogés se sont entendus pour donner la même réponse. Une convergence tout à fait naturelle qui sort d'une réalité amère. Que ce soit dans la rue, sur les lieux de travail ou même dans les foyers, la réponse qui revient le plus souvent à propos de ce dont souffre la ville de Tizi Ouzou est celle de l'absence de lieux de distraction et de détente qui fait du Tizi-ouzien un citoyen frustré à plus d'un titre. Comment ne pas l'être quand les habitants de la ville des Genêts n'ont même pas où passer un moment de détente en famille ou entre amis, en dehors des heures de travail ou durant le week-end. Beaucoup d'entre les personnes interrogées rappellent la fermeture des salles de cinéma, très fréquentées il y a à peine une vingtaine d'années par les jeunes et les moins jeunes. Tout le monde se souvient des salles le Djurdjura, l'Algeria, le Mondial et même la salle de l'ex-théâtre communal Kateb Yacine, et en parle avec une immense nostalgie, d'autant que, disent certains d'entre eux, la disparition de ces salles a engendré la disparition des cinéphiles qui étaient très nombreux en ville. «Vous vous imaginez ? J'ai 43 ans et cela fait 20 ans que je n'ai pas vu un film sur grand écran», dit avec beaucoup d'amertume Salim, un cadre financier exerçant dans une agence bancaire à Tizi Ouzou, qui ne manquera pas de se rappeler la décennie quatre-vingt durant laquelle des bandes d'amis et de copains se formaient presque tous les soirs pour se diriger vers telle ou telle salle de cinéma afin d'y voir tel ou tel film. «Aujourd'hui, il n'y a plus cette ambiance, y compris parmi les jeunes qui ont de nouveaux centres d'intérêt que nous à leur âge», avant que son accompagnateur ne prenne le relais de la discussion pour signaler qu'«il ne reste que la maison de la culture pour la projection de films et, en plus, de façon sporadique et la qualité des films laisse toujours à désirer» avant de changer de sujet pour aborder celui des jardins publics et des parcs de loisirs quasi-inexistants dans la ville des Genêts, si l'on excepte les deux vieux jardins de la ville, dont l'un est toujours en rénovation. Un chantier, une fois de plus, à l'arrêt depuis plusieurs mois. Autrement dit, les familles pauvres et modestes, et elles sont nombreuses, n'ont que leurs domiciles respectifs pour y passer leurs week-ends. Ah ! ces week-ends qui engendrent beaucoup plus d'ennui que de repos à Tizi Ouzou désertée chaque vendredi. Même le parc de loisirs, lancé par un privé aux alentours de la nouvelle ville, a fermé ses portes en raison de travaux d'extension entamés il y a plusieurs semaines. Des rumeurs circulant en ville parlent même d'une volonté de «casser» le seul entrepreneur privé à s'être lancé dans la seule démarche qui rend service, à tout le moins, aux enfants. Bien entendu, tout le monde espère que ce n'est pas vrai, mais en attendant, en matière de détente et de loisirs, Tizi Ouzou reste un grand désert, au grand dam de ses habitants.