Photo : Riad De notre correspondant à Constantine A. Lemili Nous avons tenté, à toutes fins utiles, de voir dans quelle mesure le temps de repos d'un citoyen pouvait être hypothéqué par des démarches administratives ordinaires mais tellement contraignantes. Nous n'avons pris que trois exemples, parmi tant d'autres, d'administrations publiques au contact direct avec les usagers : le service de l'état civil, Sonelgaz, Algérie Télécom, OPGI et une banque. La journée est entamée à partir de 8 h 30 par un déplacement au service de l'état civil du secteur Sidi Rached. Objectif : se faire établir un acte de naissance. La personne préposé (e) au guichet est absente. Elle ne sera là qu'à 9 heures tapantes. Elle s'installe, fait un rapide inventaire des rares sinon inexistants objets sur un bureau, arrange le sous-main, lève la tête et lance un regard vers la file de citoyens, constituée de près de 10 personnes. Palabres avec le premier, prise de bec avec un autre… ce après quoi elle reçoit un appel sur son mobile, quitte le bureau et ne revient que dix minutes plus tard après que l'une des personnes de la file a martelé la vitre d'une pièce de monnaie et ameuté sans doute un employé, lequel, paradoxalement, allait s'en prendre à lui. Il nous aura fallu soixante- dix minutes pour qu'enfin arrive notre tour car la préposée au guichet en question a «été contrainte» de répondre à d'autres appels téléphoniques et est partie faire vérifier une surcharge sur un livret de famille. Bis repetita à Sonelgaz. Cette fois-ci à l'agence du Khroub. Le caissier a un gros problème avec la petite monnaie et exige de chacun des usagers de fournir l'appoint, il a tout comme les agents de la commune une prise de bec avec quelques-uns des clients dont il refuse de traiter la facture en raison toujours de l'absence de menue monnaie. Comme il arrive néanmoins que des usagers compliquent la situation par des requêtes impossibles «Il me manque 60 dinars que je vous ramènerai la prochaine fois», comme si celui qui en faisait la requête ignorait qu'il s'agit d'une caisse publique qui doit être vérifiée en fin de journée et correspondre aux recettes réelles. A Sonelgaz, nous avons consommé trente-six minutes. A hauteur de l'OPGI de la ville du Khroub, nous observons deux agents au comptoir et l'activité y est heureusement très fluide. Le premier vérifie l'avis de passage et l'enregistre sur micro-ordinateur, établit le reçu définitif et le remet au caissier, lequel, rapidement, libère le client. Seulement six minutes ! Un record et un plaisir. Ce qui ne sera pas le cas à Algérie Télécom où, en dehors de la file énorme et qui prend de plus en plus d'allure, pour la simple raison que l'agent au guichet travaille au ralenti et pose également le problème de menue monnaie, contraignant chacune des personnes à faire l'inventaire de ses poches pour ne pas être rabrouée. Parce que, effectivement, la cause est entendue, il (le caissier) peut différer ce payement tant que le client ne disposera pas de petites pièces pour faire l'appoint. Bilan de ces désagréments : vingt-huit minutes. La palme revient à la banque car, une fois le seuil franchi, à 13h15, il y a du monde et un client en attente annoncera la couleur en marmonnant à qui voudrait l'entendre : «Je suis déjà venu ce matin, suis resté une heure et puis on m'a demandé de revenir l'après-midi parce que les agents devaient aller déjeuner.» Nous avons donc eu à patienter trois quarts d'heure avant de parvenir au guichet. Il y a lieu de souligner que, s'agissant des banques, une circulaire du ministère des Finances instruit les responsables de ces dernières de ne jamais interrompre le service même pendant la pause-déjeuner. La solution dans ce cas précis étant l'alternance aux guichets pour moitié des agents.En conclusion, des démarches personnelles, mais tout aussi obligatoires, comme il a été constaté plus haut, exigent au minimum une journée de démarches en raison des contraintes de temps qu'elles occasionnent. Et si l'Etat a réfléchi à la question en instaurant le maintien de l'activité pour celles-ci, c'est pour que le fonctionnaire puisse s'y consacrer. Sauf qu'il est peu évident d'y parvenir car, comble de l'ironie, à hauteur de ces établissements, le personnel fait d'autorité relâche et rend la prestation encore beaucoup plus aléatoire. C'est donc l'usager qui est plus prompt à payer de sa personne et de son salaire (puisqu'il y a retrait pour le temps d'absence) pour la satisfaction de ses besoins personnels et néanmoins nécessaires.