Photo : Lemili De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Le corps médical, unanime, revendique une attention particulière pour la prise en charge des cancéreux. A commencer par la réalisation de centres anti-cancer «détachés» des structures hospitalières où devraient pratiquer des équipes multidisciplinaires. L'unité oncologie du CHU Ben Badis de Constantine accueille plus de 2 000 nouveaux cas de cancer par an. Le taux est en nette augmentation, estiment les médecins spécialistes. Ils l'imputent au manque d'information et de sensibilisation au sujet du dépistage précoce pour cerner d'emblée la pathologie. «L'organisation est mal gérée à l'échelle nationale. Le traitement du cancer nécessite des équipes pluridisciplinaires, entre histologistes, radiothérapeutes, épidémiologistes, endocrinologues, assistantes sociales. Tout ce corps devrait veiller sur la prise en charge du sujet atteint», avance le professeur Sakhri, chef de service histologie au CHUBBC. Sur un autre registre, notre interlocuteur déplore l'absence de statistiques fiables susceptibles de prévoir l'approvisionnement en médicaments annuellement dans certains cas. «S'il est décelé à temps, le cancer requerrait un traitement curatif allant jusqu'à la guérison», a-t-il ajouté. Pourtant, pour le dépistage, il est recommandé des gestes simples, notamment en ce qui concerne le cancer du sein et du col de l'utérus, les plus répandus chez la femme, et celui des poumons et de la prostate chez l'homme. Sur un autre plan, on déplore l'absence de centres anti-douleur pour le traitement palliatif. Outre la nécessité de mettre en place des assistantes sociales et des psychologues car, indiquera-t-il, «la maladie n'est pas de tout repos. Elle conditionne une prise en charge médicamenteuse et surtout psychologique». Evoquant la construction du centre d'extension radio-thérapeutique que l'on appelle le centre anticancéreux, le professeur remet en cause cette structure qui, selon lui, ne résoudra pas pour autant la prise en charge des malades. «Constantine a besoin d'un centre anticancéreux à part entière. Franchement, en ayant été directeur du conseil scientifique, à l'époque du ministre M. Redjimi, je m'étais opposé à ce projet d'extension dans une structure inextensible.» Pour rappel, l'unité en question aura accusé un retard, ce qui remettra en cause sa livraison d'ici à 2010, c'est-à-dire dans moins d'une année. Doté d'une capacité de 70 lits, le CAC devrait alléger un tant soit peu le rush des autres wilayas. En conclusion, il faut savoir que les travaux de ce chantier, engagé en 2006, s'accélèrent. Et selon toute vraisemblance, ce centre sera réceptionné avant septembre prochain dès lors que le budget qui lui est alloué n'a pas connu d'interruption… Un service pour 17 wilayas Mercredi dernier, dans le long couloir qui mène vers la salle de consultations, il y avait beaucoup de malades. C'était le pic de la semaine, devions-nous supposer. Nous serons accueillis par le professeur d'oncologie médicale. Le Pr. Bensalem, entouré de médecins en formation, nous apprendra que c'est le jour le plus clément en consultation. «Les mardis et dimanches, le nombre de malades est multiplié par trois. Soit près de 150 malades, quotidiennement, qui se présentent pour des examens de contrôle ou de consultation, pour ceux qui suivent déjà un traitement», dira le professeur et d'ajouter : «Cette unité prend en charge les 17 wilayas.» Nous apprendrons aussi que les types dominants de cancer diagnostiqués et soignés au niveau du CHU sont ceux du sein et des poumons. Par ailleurs, l'oncologie médicale traite les deux tiers des cancers. Cependant, 50% des cas sont pris en charge en radiothérapie. Le professeur évoquera, comme il a été signalé par notre premier interlocuteur, la problématique de la sensibilisation des personnes pour prévenir cette maladie. Ce déficit explique, selon elle, la croissance du nombre des malades annuellement puisque le CHU de Constantine compte chaque année près de 2 000 nouveaux cas qu'il faudra additionner aux anciens malades sous traitement. Cette surcharge dépasse souvent les prévisions en médicaments, ce qui influe négativement sur la santé du patient, voire le condamne, s'accordent à dire les assistants du professeur, lequel avertira sur le sujet : «Il existe actuellement 30 malades en attente du Trastuzumab, dont 20% présentant un cancer du sein.» Pourtant, le budget alloué au secteur aura augmenté ces dernières années. Il est passé à près de 50 milliards de centimes, a ajouté le professeur. En matière de capacités du service, il faut savoir que seulement 32 lits servent aux admissions et hospitalisations des cas graves, relevant des 17 wilayas. Un véritable problème qui met en difficulté et les malades et les employés du service. Questionnée à propos du centre anti-cancer en construction dans l'enceinte de l'hôpital et sur le rôle qu'il jouera en matière d'allègement, notre interlocutrice rejoindra en partie la réponse du professeur Sakhri : «Cette extension ne résoudra pas pour autant le rush dont fait l'objet le service oncologie médicale qui assure toutes les transitions des malades.» En fait, le CAC répondra à la demande d'une seule section, celle de la radiothérapie. L'équation demeure impossible dans un hôpital qui ne peut plus dilater ses cloisons !! Certes, l'oncologie médicale nécessite des structures spacieuses pour la consultation et moyennant un coût basique de réalisation, mais où réaliser ces annexes ? Sachant pertinemment que le tournant de la prise en charge adéquate du malade passe par la construction d'un CAC, au sens propre du mot, Mme Bensalem croise les doigts pour voir émerger «le plan cancer» promis par le gouvernement afin d'apporter, du moins à court terme, son lot d'apaisement aux différents malades ainsi qu'aux médecins pour pratiquer dans des conditions plus ou moins de détente et mieux «choyer» leurs patients. Abordant le sujet des malades non assurés, l'assistante sociale du service met à l'index les carences enregistrées au niveau de la Direction de l'action sociale quant à la facilitation de la procédure administrative pour permettre au malade de bénéficier de sa pension mensuelle de 1 000 DA. La carte de médicament est aussi évoquée avec acuité par l'assistante. «L'absence de celle-ci freine le traitement du patient et le condamne davantage», dira-t-elle. Heureusement que certaines associations activent au chevet des malades… Par ailleurs, une unité d'un centre d'information de dépistage et d'orientation du cancer du sein a élu domicile au niveau de la polyclinique les Muriers. C'est parce qu'il constitue le cancer le plus fréquent chez la femme en Algérie qu'un centre de dépistage lui a été consacré. Le CIDO est composée de médecins, d'une sage-femme et d'une assistante sociale. Ils sont censés assurer «l'éducation et la consultation de toutes les femmes, pour les orienter sur le dépistage du cancer du sein», mentionnent les objectifs tracés par le professeur Zougheilech, épidémiologiste, sur la feuille de route fraichement établie. Par ailleurs, le service épidémiologie et médecine préventive révèle que «le cancer du sein à Constantine occupe la première place des cancers féminins, car représentant 34% des cancers chez la femme». A Constantine, une femme sur 28 présente un cancer du sein avant 74 ans. En moyenne, il est diagnostiqué 220 nouveaux cas par an. Ainsi, par cette structure qui fait associer la Direction de la santé et de population (DSP), le CIDO, outre le soutien du wali de Constantine et l'unité de médecine préventive SEMEP, on projette de diagnostiquer précocement ce type de cancer «en vue de le cerner à temp», estiment les médecins.