Photo : Riad Par Hasna Yacoub En termes sibyllins, le président Abdelaziz Bouteflika a appelé de nouveau la France à se repentir et demander pardon pour ses crimes contre l'humanité, ses massacres et sa torture durant la période de colonialisme. Dans un message, lu en son nom par le conseiller à la présidence de la République, M. Mohamed Ali Boughazi, lors d'une conférence historique intitulée «Lecture juridique et historique des massacres du 8 mai 1945», qui s'est tenue à Sétif, le chef de l'Etat a déclaré : «Nous savons bien que nous ne pouvons pas faire porter au peuple français tout entier la responsabilité des malheurs et des souffrances qu'en son nom le colonialisme français nous a imposés» mais «pour tourner définitivement cette page noire de l'histoire, il faudrait aux deux pays et aux deux peuples de trouver ensemble la voie originale qui permettra de surmonter les traumatismes causés au peuple algérien par l'Etat colonial français». Des traumatismes, a-t-il encore ajouté qui «continuent, souvent inconsciemment, à modeler nos consciences et nos manières d'agir». Cette voie originale permettra également, a-t-il dit, d'établir «entre l'Algérie et la France, entre le peuple algérien et le peuple français des rapports authentiques d'amitié sincère et véritable dans une coopération où chacun trouvera son intérêt et des raisons d'espérer dans l'avenir». Clairement, Abdelaziz Bouteflika a dit que les discours récents sur le caractère prétendument positif du colonialisme français en Algérie sont «loin de contribuer à rétablir la vérité et rendre justice à l'Algérie». «Les récents discours sur le caractère prétendument positif du colonialisme et les initiatives visant à laisser le soin aux historiens et aux sociétés civiles de reconstituer cette période de violence et d'atteinte aux droits et à la dignité du peuple algérien sont loin de contribuer à rétablir la vérité et à rendre justice à l'Algérie pour le mal que nous avons subi», a déclaré le chef de l'Etat. Autrement dit, le temps des discours creux est révolu, il est impératif aujourd'hui que l'Etat français se décide à reconnaître ses crimes coloniaux. Mais la France ne semble pas d'accord avec «la voie originale qui permettra de surmonter les traumatismes» proposée par le président Bouteflika. Dans son discours prononcé à Constantine, le président français Nicolas Sarkozy a reconnu, rappelons-le, «les souffrances du passé […] Les blessures profondes que les tragédies de l'Histoire ont laissées dans l'âme du peuple algérien». Il a même parlé d'«injustice» infligée au peuple algérien pendant plus de cent ans par le système colonial. Mais sans s'en excuser au nom de la France, préférant plutôt suggérer aux Algériens de tourner la page et regarder vers l'avenir. «Je ne suis pas venu nier le passé. Je suis venu vous dire que le futur est plus important». Il a même affirmé que «ce qui compte, c'est ce que nous allons accomplir […] Ce qui compte ce n'est pas ce qui a été pris hier, c'est ce qui sera donné demain ; ce n'est pas le mal qui a été fait, c'est le bien qui sera rendu ; ce n'est pas ce qui a été détruit, c'est ce qui sera construit.» Mais ce ne sont là que les priorités du président français et non pas celles d'un peuple meurtri dans sa chair. Les Algériens, eux, ont leur priorité et savent que ce qui compte en premier pour eux c'est la repentance. Une repentance qui est loin de tout sentiment de vengeance ou de revanche comme le dit le président Bouteflika en déclarant que «si cette commémoration du 8 Mai 1945 est pour nous une occasion de renouveler notre condamnation de l'injustice et de la dérive de l'histoire que représente le colonialisme pour tous les peuples qui ont subi sa domination, elle ne comporte cependant aucun sentiment de vengeance ou de revanche». Regarder vers l'avenir n'est également pas exclu pour le chef de l'Etat : «Les sacrifices que nous ont coûtés notre résistance et notre lutte de libération nous imposent de regarder vers l'avenir pour reconstruire notre pays et donner à notre indépendance un contenu digne du prix qu'elle nous a coûté.» Abdelaziz Bouteflika est revenu, enfin, dans son discours sur l'importance historique que revêt la date du 8 mai 1945, indiquant qu'elle «porte un témoignage accablant sur la nature du colonialisme, sa brutalité, son inhumanité, sa barbarie pour tout dire». Il n'a pas manqué également de rendre hommage aux victimes des massacres du 8 mai 1945 précisant qu'il s'agit là d'un hommage «particulièrement mérité».